— Par François Taillandier —
Un texte de l’écrivain allemand Hans Magnus Enzensberger, intitulé le Terrorisme publicitaire, a été récemment publié par le Monde (1). Il s’agit d’un large panorama qui commence avec la bonne vieille « réclame » d’antan (née au cours du XIXe siècle) et s’achève avec les stratégies publicitaires les plus invisibles et les plus affûtées de l’Internet et des réseaux sociaux. Ce n’est pas une simple tribune, c’est un texte magnifique, une vision orwellienne. Je citerai quelques lignes qui me semblent cerner de façon décisive l’empire de la pub : « Ce que cela implique comme conséquences politiques et sociopsychologiques n’a été jusqu’à présent qu’insuffisamment exploré. Une armée d’universitaires-consultants, de sociologues et de spécialistes en études de marché, qui se mit au service des industries concernées, s’est chargée de ne pas le faire. Dans une économie de la captation de l’attention, il ne doit qu’en tout dernier lieu être question d’élucider le monde dans lequel on vit. » Ce qui est important est l’affirmation « s’est chargée de ne pas le faire ». La méconnaissance confiée aux experts… et confortablement rémunérée !
Étiquette : publicité
Sciences Sociales, Sociologie
Le terrorisme publicitaire
— Par Hans Magnus Enzensberger (Poète, écrivain, traducteur et journaliste) —
Elle fut toujours bruyante. Aujourd’hui, on peut encore entendre, sur un certain nombre de marchés, la voix des camelots. Elle est agaçante, mais inoffensive. Lorsque la révolution industrielle lança le coup d’envoi de la consommation de masse, la réclame passa au régime industriel. Dans les milieux qui se prenaient pour l’élite, on tint longtemps pour vulgaire de se vanter soi-même, ou de vanter ses produits. Le fait que le secteur ait rebaptisé son activité « publicité » n’a pas amélioré sa réputation.
Des natures moins snobs participent aujourd’hui comme jadis à des jeux-concours, échangent des bons de réduction et comparent remises et promotions-bonnes affaires. Comment peut-on parler avec autant de bonhomie du terrorisme de la publicité ? N’est-on pas trop optimiste ? Et en quoi le tam-tam du camelot a-t-il absolument à voir avec la politique ?
Même si la clientèle ingénue ne veut rien en savoir, il est un fait : la politique s’est très vite emparée de la publicité − l’inverse étant tout aussi vrai. La publicité est devenue, au plus tard à partir des années 1920, une force politique.