— Par Michèle Bigot —
Qu’il est étrange d’assister à une représentation du texte adapté de Camus au lendemain d’un premier tour des élections portant le RN en tête des suffrages et dans l’attente d’un deuxième tour ne promettant guère de lendemains qui chantent. Alors même que ce texte fut écrit en février 1941 au lendemain de la défaite de la France face au nazisme triomphant. Peut-on y puiser quelque espoir?
Oui et non, répondra la critique pondérée. Oui, car cette adaptation est un hymne au théâtre et à l’humanisme en général, en forme de pied-de-nez au totalitarisme qui monte. Pierre Martot qui incarne à merveille la figure de l’homme absurde portant son désespoir et sa révolte en étendard, illuminant notre nuit d’une lucidité vengeresse, portant haut la fierté des humains, laquelle consiste à accepter sa condition en dehors de toute transcendance. En tant qu’homme de théâtre, Camus voit dans l’art dramatique et le jeu des acteurs une parfaite image de l’humaine condition, se résumant au corps qu’il incarne dans sa finitude consentie et même revendiquée. En ce sens Pierre Martot continue et sublime ce message , par son jeu épuré quoique fortement incarné, sa diction claire, sa gestuelle éloquente non moins que par le jeu avec les rythmes et les tonalités.