Étiquette : philosophie
Littératures
« L’Esclave » à la Bibliothèque Schoelcher
Mardi 12 mai 2015 à 18 h 30
Que sera la France dans un siècle ? L’Esclave brosse un futur possible, même s’il n’est certainement pas le plus souhaitable. L’auteur tire trois fils à partir du présent : la crise écologique, l’affaiblissement des nations occidentales, la montée de l’intégrisme religieux et du djihadisme. Cependant l’Esclave n’est pas qu’un exercice de futurologie. Les personnages sont des êtres de chair et de passions : il y a des sages et des fous, des sincères et des fourbes, des amoureux, des jaloux, des rancuniers, des orgueilleux, des cruels et des saints. Une lignée de femmes fortes traverse le récit, depuis l’époque actuelle jusqu’au dénouement de cette histoire.
Un roman, trois époques. 2009 – Une idylle se noue entre Michel, professeur de philosophie à l’université d’Aix-en-Provence et Colette, une de ses étudiantes. 2081 – Michel vient de mourir, Colette se remémore leur brève aventure, tout en observant la montée des périls qui menacent une Europe en pleine décadence.
Sciences Sociales, Sociologie
Jacques Derrida, marrane solitaire
Déconstruire, démanteler, décomposer la parole occidentale : retour sur le travail de sape qu’opère le marginal le plus célèbre de la philosophie contemporaine.
—Par Stéphane Floccari, philosophe—
Derrida. Un démantèlement de l’Occident, de Jean-Clet Martin. Éditions Max Milo, 2014, 322 pages, 19,90 euros. En parcourant ce livre privé de centre, on se dit que son auteur a su se tenir sans trébucher sur l’étroite crête qui sépare tout en les reliant dans la langue derridienne le risque et la chance. Jean-Clet Martin, remarqué aussi bien pour ses deux ouvrages consacrés, à vingt ans d’intervalle, à Gilles Deleuze (1) que pour son bel Ossuaires (2), a en effet réussi la gageure de composer un ouvrage éminemment derridien sur le plus grand pourfendeur du logocentrisme, à la fois ami et ennemi de l’écriture selon une tradition qui remonte à Platon.
Ce livre constitue l’une des premières sommes philosophiques de langue française sur une œuvre dont l’étendue intellectuelle intimide et qui déjoue par avance toute logique de la trace. Loin d’être un chemin qui ne mène nulle part, à la manière de l’Holzweg heideggérien, le travail entrepris par Jacques Derrida (1930-2004) est de ceux qui exposent à tous les dehors et qui contraignent à aimer les lointains, à préférer les ailleurs à toutes les certitudes gravées dans le marbre de la présence, toujours suspecte.
Arts de la scène, Musiques
La leçon de Gérard Mortier
— par Alain Patrick Olivier —
Le philosophe de l’art, professeur à l’université de Nantes (Cren), Alain Patrick Olivier, rend hommage à l’ancien directeur de l’Opéra de Paris, Gérard Mortier, décédé dimanche 9 mars : « Avec ta mort, c’est un moment de l’histoire de l’opéra qui prend fin, un certain rapport de l’opéra à la culture, à la société, à l’Europe, une volonté de continuer le grand projet de la modernité éclairée ».
Cher Gérard,
Avec ta mort, c’est un moment de l’histoire de l’opéra qui prend fin, un certain rapport de l’opéra à la culture, à la société, à l’Europe, une volonté de continuer le grand projet de la modernité éclairée. Avec toi, le monde de l’opéra n’était pas distinct du monde du savoir.
Parutions, Sciences Sociales, Sociologie
Un nouvel humanisme cosmopolitique
— Par Nicolas Mathey —
Refonder le cosmopolitisme, de Yves-Charles Zarka. Éditions PUF, 104 pages, 18 euros. Sous le nom d’«inappropriabilité de la Terre», le philosophe Yves-Charles Zarka entend forger un concept susceptible de refonder à la fois la politique et l’éthique de notre temps. Ce concept découle selon lui de deux principes, le premier étant que la Terre est le bien commun de l’humanité, le second que les hommes sont responsables des générations futures, mais aussi de l’ensemble du monde vivant. Cette « inappropriabilité de la Terre » s’oppose aux méfaits que les appropriations capitalistes infligent à ce bien commun : luttes pour la propriété, accumulation sans fin et démesure des enrichissements, guerres de conquêtes, surexploitations des travailleurs et des ressources naturelles, pollutions en tous genres.
Sciences Sociales, Sociologie
La philosophie du darwinisme neuronal
— Par Patrick Dupouey, philosophe. —
« Cette conviction d’être un soi, un centre de perceptions, d’états affectifs, de décisions, eh bien, ce sentiment
est certainement une illusion. »
Le libre arbitre et la science du cerveau, de Michael S. Gazzaniga. Éditions Odile Jacob, 2013, 264 pages, 28,90 euros. Rarement le cerveau aura autant mérité le statut d’objet philosophique que dans la présentation qu’en propose ce livre, dont l’auteur n’est pas lui-même philosophe mais chercheur en neuro-sciences. C’est le chemin qu’a pris, depuis un quart de siècle, ce qu’on appelle la « philosophie de l’esprit » : travailler à partir des données biologiques, dans leur prolongement, et non en se fiant à l’approche exclusivement introspective où l’idéalisme s’est enferré dans l’étude de la conscience.
Que la conscience soit un objet énigmatique, nul ne le nie. Mais c’est, pour les neurosciences et la philosophie de l’esprit, un choix raisonné de ne pas convertir cette énigme en mystère insondable. La réalité des progrès effectués atteste la légitimité de ce pari.
Echos d'éco, Sciences Sociales, Sociologie
La société de précarisation
— Par Cynthia Fleury —
C’était en 1986, et déjà Ulrich Beck parlait de paupérisation civilisationnelle en expliquant que la dynamique historique ne serait pas celle de la sécurisation pour tous, mais bien plutôt de la démocratisation du risque. Certes, les clivages entre précaires et ceux qui ne le sont pas sont toujours présents, mais l’émergence des risques systémiques, invisibles, radioactifs, cumulatifs, a brisé la ligne de partage. « Ce que nous a appris la contamination radioactive, c’est que c’en est fini de l’autre, fini de nos précieuses possibilités de distanciation. On peut exclure la misère, on ne peut plus exclure les dangers de l’ère nucléaire. C’est là leur nouvelle force culturelle et politique. Leur pouvoir est le pouvoir du danger qui abolit toutes les zones de protection et toutes les différenciations de l’âge moderne. » La société du risque mondialisée, c’est cela : le « big business » de notre insécurisation, réelle ou supposée. Il n’est pas impossible que l’enseignement du risque systémique nous fasse entrevoir les vieilles réalités sociales (comme la migration de la misère) comme désormais inextricables. « La France doit prendre sa part de la misère du monde, mais n’a pas vocation à accueillir toute la misère du monde », dit un ministre de l’Intérieur, citant un ancien premier ministre.
Psy_choses etc., Sciences Sociales
Badiou-Lacan, une pensée en chantier
— Par Nicolas Mathey —
Le Séminaire Lacan. L’antiphilosophie 3, 1994-1995, d’Alain Badiou. Éditions Fayard, collection « Ouvertures », 288 pages, 18 euros. Considéré comme l’un des plus grands philosophes français, il s’est fait connaître du grand public avec De quoi Sarkozy est-il le nom ? Penseur du « multiple sans Un », platonicien ayant récemment réécrit la République (bientôt adaptée sur scène aux Amandiers), Alain Badiou est une figure intellectuelle et politique aux nombreuses faces, parmi lesquelles celle du séminariste. Depuis 1983 en effet, Alain Badiou anime un séminaire ouvert à tous, lors duquel il expose l’évolution de son parcours philosophique, parole vivante d’une pensée en formation, en semis. Cette année encore, à près de soixante-dix-sept ans, il parle chaque mois à l’École normale supérieure de « l’immanence des vérités » et s’en prend avec allant aux idéologies de la finitude et de la consommation, soutenant que les vérités sont bien de ce monde, qu’elles viennent trouer et renouveler. Comme un matérialiste qui croirait aux éclairs.
Les éditions Fayard viennent d’inaugurer la publication de l’intégralité de ce séminaire. Par lequel commencer, sinon par celui consacré à Jacques Lacan, lui-même fameux pour le séminaire qu’il poursuivit près de trente ans durant.
Arts Plastiques, En librairie, Littératures
L’activité artistique au miroir marxien
—Par Florian Gulli, philosophe —
À l’appui d’une relecture très documentée de l’histoire de l’art, Isabelle Garo montre comment la création artistique peut s’intégrer et échapper à la logique économique capitaliste.
L’or des images, d’Isabelle Garo. Éditions La Ville brûle, 2013, 320 pages, 25 euros. Isabelle Garo propose dans son dernier livre une approche marxiste de l’activité artistique, question à la fois difficile et centrale pour qui se réclame de cette tradition. Difficile, car on connaît la résistance de cet objet aux analyses de type matérialiste. Centrale, car déjà chez Marx, et malgré l’absence de théorie esthétique explicite, la référence à l’art est constante et sert de contrepoint à la critique de l’économie politique.