Du bon usage des contes
Selon Bruno Bettelheim, plus un conte est horrible, plus il rassure des enfants spontanément en proie à des fantasmes effrayants. Les monstres et autres créatures maléfiques seraient ainsi pour eux comme des compagnons familiers et sympathiques avec lesquels on joue à se faire peur. Le précieux petit recueil publié par Olivier Larizza et récemment réédité ne risque pas de décevoir les petites têtes brunes ou blondes car il abonde en histoires aussi abominables qu’immorales. En dehors de quelques-unes qui honorent la vertu, c’est le vice qui est régulièrement récompensé, goinfreries et assassinats en série.
Quand on se souvient que l’époque où les contes faisaient partie de la vie de tous les jours, ou plutôt de toutes les soirées – « ronde » d’esclaves(i) chez nous ou coin du feu sous d’autres cieux – fut aussi celle où la religion pesait de tout son poids pour inculquer au peuple la soumission, on s’émerveille de voir comment ce même peuple s’est montré capable de développer une philosophie de la vie bien à lui et bien mieux adaptée à sa condition que les enseignements du catéchisme.