Étiquette : Mireille Jean-Gilles

Langue française dans un gosier créole

A propos du dernier ouvrage de Rudy Rabathaly : « Oliwon d’imaginaire créole » chez K. Editions.

— Par Mireille Jean-Gilles —
A la manière de V.S Naipaul, immortalisant dans Miguel Street la vie de petites gens (le peuple) de Trinidad catapultées dans une rue de Port of Spain, Rudy Rabathaly, lui-même journaliste avant de « devenir écrivain » (une expression de Naipaul), nous offre ici une fresque martiniquaise à partir de personnages, non pas puisés dans son imagination mais dont la vie ou la personnalité dépasse l’imagination, et par conséquent deviennent des signes tangibles de notre « imaginaire créole », jusqu’à parfois être immortalisés dans une chanson de carnaval.

« La chanson composée par Ti-Citron pour marquer cet épisode douloureux pour son anatomie intime et plus particulièrement son refrain, fut reprise en vidé tous les dimanches du carnaval… »

Ce recueil de textes, empreint de culture populaire, préserve ainsi à sa manière un pan de notre patrimoine, autrement voué à l’oubli. Mais au-delà des personnages pittoresques ou de leurs faits d’armes les plus saillants, ce qu’il y a de proprement délectable dans OLIWON d’’imaginaire créole, c’est chez l’auteur ce sens de l’observation et du détail proprement journalistique qui produit un effet littéraire saisissant.

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Quelques nouvelles du Front

— Par Mireille Jean-Gilles —

Depuis exactement 6 mois, j’étais absorbée par une tâche, seule sur la ligne de front, et maintenant que j’ai terminé, celle-ci peut être emportée par la vague de « La parole silencieuse ».

« La parole silencieuse », c’est justement le titre d’un poème de Lémistè 4 de Monchoachi, et chaque titre des 32 poèmes qui composent ce recueil est un poème en soi : Les lèvres pures, La demeure celestielle, L’ombre de Dieu, Le dieu éblouissant, L’énigme du sceau, La voix de l’époux, La Reine, l’anneau nuptial, l’En haut, l’En bas,…

Je suis particulièrement émue d’écrire sur Streitti, tant il s’agit de la poésie à l’état pur, un poète a dit de cette œuvre : Le dernier Monchoachi, très beau. Très saisissante, cette physique kabbalistique qui s’approprie les sens radicaux en même temps que les racines des lettres. Cela fait ressortir un langage comme de dessous terre, le langage d’une création nouvelle.

Un autre lecteur écrivait :  Je suis un peu fatigué de cette poésie d’intellos à laquelle je ne saisis que dalle même si, récemment, un proche a tenté de m’expliquer par le texte (Monchoachi, STREITTI, La Confrontation, chez Obsidiane) pourquoi il fallait passer parfois par des poèmes “obscurs” pour être en mesure d’accueillir le monde.

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L’École

— Par Mireille Jean-Gilles —

paru dans lundimatin#414, le 8 février 2024

Ce n’était pas une usine, pas une prison, pourtant on aurait pu y penser, c’était immense, plein de cellules,plein de salles, en fait, en définitive, il m’a semblé qu’il ne s’agissait banalement que d’une école, ce n’était pas la sortie de l’usine, il ne s’agissait que de la sortie des classes, des classes d’enfants petits et criards ou moyens et goguenards. La prison, pardon l’école, avait en son sein un nombril, un nombril immense qui devait sans doute correspondre à ce que l’on appelle une cour, la cour était enfin muette car en moins dix minutes toute l’école fut désertée, le signal avait été donné pour qu’enfin les lieux fussent évacués, il était cinq heures.

Maintenant que je me retrouvais seule au sein au coeur de cette immense cour qui pouvait bien être le nombril du monde, je pouvais jouir d’une sérénité étrange, les portes des classes étaient ouvertes, les lampes en lumière, les femmes de ménage oeuvraient, quelques bruits ici et là, quelques jeunes dames que je rêvais maîtresses d’école car en les voyant s’affairer et traîner dans les lieux tout en voulant les quitter, je pouvais imaginer mille voix, mille voix d’enfants : « Maîtresse, maîtresse », « Bonjour maîtresse », « Pardon maîtresse », « Je t’aime maîtresse », ces jeunes dames que je rêvais maîtresses d’école avaient le visage ferme, et une ombre de lassitude et de tristesse dans les yeux, la lassitude c’est banal, mais la tristesse, pourquoi ?

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Sein flétri la Mère-Patrie cherchant ‘trapper pitance

FrançAfrique & FrançOutremer : une  communauté de destin?

— Par Mireille Jean-Gilles, écrivain —

Pendant des décennies, dans les discours officiels, l’échec économique de la départementalisation des Antilles, de la Guyane et de la Réunion était attribué à une trop forte croissance démographique, au point que les allocations familiales y ont été réduites afin de financer le planning familial.

Idem pour les pays d’Afrique noire aujourd’hui, en particulier le Niger ( 7 enfants par femme) : «Des pays ont encore sept à huit enfants par femme. Vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien». Cette déclaration d’Emmanuel Macron en 2017, évoquant également l’origine « civilisationnelle » de la pauvreté en Afrique, avait provoqué un tollé. Le mot «racisme» a même été lâché.

Dans les DOM, ce discours a perduré jusqu’à ce que les Antilles n’enclenchent une trajectoire de déclin démographique à partir des années 2000.

Aujourd’hui, s’agissant des difficultés de ces territoires, la cause évoquée par l’Etat français serait la « mauvaise gestion locale ». Dans les deux cas cités, les difficultés des DOM seraient toujours « locales »(idem pour l’Afrique noire).

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« Retour à la parole sauvage » de Monchoachi

Un Art subtil de la guerre, Monchoachi nous invite à entrer dans la ronde

—Note de lecture de Mireille Jean-Gilles —

Un livre à avaler d’un seul coup vloup,
comme un sèk,
ou à déguster à petites gorgées,
tel un feu qui vous vivifie …

Retour à la parole sauvage, c’est d’abord un beau livre, une beauté épurée, presque une page blanche en guise de couverture, avec quelques très petites lettres, vertes, d’un vert sauvage, entre deux lignes, vertes, elles aussi, Retour à la parole sauvage, c’est un recueil d’essais d’une beauté profonde, plus immédiatement accessible que les poèmes de Monchoachi qui, eux, ont besoin d’obscurité pour s’épanouir, dialoguer avec l’Invisible, et dans Retour à la parole sauvage, la poésie volant la vedette à la pensée s’impose d’emblée, pure, effilée, transparente, même si le poète aurait désavoué ce mot, lui qui aime tant frayer avec l’ombre, pour in fine débusquer ce qui ne se montre pas, ne se nomme pas, ici, à la faveur d’un recueil d’essais voulu par les Editions Lundimatin, c’est encore la poésie qui apparaît, qui semble vouloir tenir la pensée en bride,.

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