— Par Roland Sabra —
L’impossible du réel qui toujours échappe… Miguel Gomes part de ce constat : le cinéma est ( lui aussi) incapable de rendre compte d’une réalité toujours façonnée par les moyens mis en œuvre pour tenter de la restituer. Il faudrait écrire du réel, mais on épargnera au lecteur le subtile distinguo lacanien entre réel et réalité. On prendra l’un pour l’autre par commodité. C’est donc l’impossibilité de faire état de la situation de son pays qui conduit le cinéaste portugais a emprunter la voie du conte. Un conte oriental : Les mille et une nuits dans lequel Schéhérazade raconte les inquiétudes qui s’abattent sur le pays : « « Ô Roi bienheureux, on raconte que dans un triste pays parmi les pays où l’on rêve de baleines et de sirènes, le chômage se répand. En certains endroits la forêt brûle la nuit malgré la pluie et en d’autres hommes et femmes trépignent d’impatience de se jeter à l’eau en plein hiver. Parfois, les animaux parlent, bien qu’il soit improbable qu’on les écoute. Dans ce pays où les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être, les hommes de pouvoir se promènent à dos de chameau et cachent une érection permanente et honteuse ; ils attendent qu’arrive enfin le moment de la collecte des impôts pour pouvoir payer un dit sorcier qui lèvera le sortilège… ».