Marxisme, postcolonialisme et postcolonialité
— Par Magali Bessone
— William Edward Burghardt Du Bois a écrit la majeure partie des essais qui composent cet ouvrage entre 1897 et 1903 : aux États-Unis, la ségrégation vient d’être légalement reconnue1, trente ans seulement après la fin de la guerre de Sécession qui a émancipé les esclaves noirs sur l’ensemble du territoire de l’Union. L’Europe, dans le même temps, se dispute l’Afrique. Malgré une tentative de partage plus ou moins consensuel de l’Afrique entre les grandes puissances lors de la conférence de Berlin, les crises coloniales se multiplient, depuis celle de Fachoda, qui met aux prises la France et la Grande-Bretagne en 1898, jusqu’au coup de Tanger de 1905 qui oppose la France et l’Allemagne et contribue largement au déclenchement de la Première Guerre mondiale.
Aujourd’hui la France hérite des interrogations et des méthodes des post-colonial studies anglo-saxonnes et relit l’histoire de ses relations avec l’Afrique, notamment à la lumière de la réinscription de la colonisation dans la longue durée, en(1) refusant d’accorder un privilège explicatif à l’événement « décolonisation2 ». La France, largement en retard sur les États-Unis, (re)découvre ainsi sa situation postcoloniale.