Étiquette : Lémistè

Lemistè 4 – Mise en confrontation de la parole poétique et de la parole prophétique du monothéisme hébraïque

— Par Eric Eliès —

Depuis 2012, le poète antillais Monchoachi élabore, avec le cycle Lemistè, une œuvre poétique polyphonique qui fait résonner dans la langue française, qu’il s’approprie, malaxe, détourne et subvertit, les singularités de la langue créole et d’une identité caraïbéenne complexe aux racines à la fois américaines, africaines et européennes… « Streitti » constitue le 4ème recueil du cycle Lemistè, initié en 2012 avec « Liber América » et poursuivi en 2015 avec « Partition noire et bleue » (recueil par lequel j’ai découvert Monchoachi et que j’ai présenté sur CL) et en 2021 avec « Fugue vs fug ». D’une très grande richesse sémantique, car puisant à toutes les langues de l’espace caraïbéen, la poésie de Monchoachi est exigeante et ardue, et chacun des recueils, tous remarquables par la complexité et la minutie de leur composition, où tout est soigneusement pensé et pesé sans pour autant freiner la spontanéité de parole, exige plusieurs relectures. Néanmoins, par rapport aux précédents recueils, « Streitti » semble étonnamment accessible pour un lecteur européen. La langue est fluide et coule presque de source, comme une eau au flot bien moins tumultueux que les remous de « Partition » et de « Fugue », qui pouvaient effrayer un lecteur non averti.

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Fugue vs Fug

— Par Mireille Pierre-Louis —

Depuis quelques temps, le poète Monchoachi a entrepris une longue investigation poétique, Lémistè, visant à mettre en évidence le projet dévastateur d’une civilisation, ainsi nommée « Occident », au regard d’une manière d’habiter la terre. Après deux premiers volets consacrés à l’Amérique et à l’Afrique, vient de paraître aux Editions Obsidiane, « Fugue vs Fug » consacré à l’Europe.

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Lémistè, un chantier poétique qui propulse le lecteur dans la beauté et la présence des mondes magiques, présence qui subsiste encore ici et là, mais recouverte par des siècles d’hégémonie d’une civilisation occidentale (ratio) dévastatrice.

Lémistè, n’est pas une ode au passé, mais une quête éminemment actuelle de la voie de l’homme, déviée vers une trajectoire funeste.

Après les deux premiers volets consacrés à l’Amérique indienne (Liber America) et à l’Afrique noire (Partition noire et bleue), le troisième opus de Lémistè, Fugue vs Fug, nous conduit maintenant en Europe.

L’Europe, et en particulier en son sein la Grèce antique, où prit naissance, voici quelques 2500 ans, la civilisation occidentale qui dans les Temps modernes, et à partir du tournant que constitua la découverte de l’Amérique, s’est étendue à la terre entière, de sorte qu’en elle se situe à la fois la provenance des traits essentiels du monde d’aujourd’hui, et les nœuds et articulations à partir desquels peuvent s’esquisser des voies menant à un au-delà de ladite civilisation.

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Sur « Lémistè » de Monchoachi

 Ce livre ci est frère de très grandes sommes poétiques…

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— Par  Yves Bergeret, poète —

Le titre en créole pousse d’emblée le lecteur loin de la stable lumière apollinienne. Lémistè : Les mystères. Le livre entraîne le lecteur dans un très âpre tourbillon de gestes rituels et surtout de longues formules sacrées antillaises. Le livre est paroles en tous sens, extrêmement vivantes et actives. Presque aucune contemplation, presque aucune strophe où le temps s’arrête en s’ouvrant vers une sorte d’infini ou d’éternité. Tout ici est proche, odorant, sensible, tactile. Pas d’horizon lointain, pas d’infini océanique, pas de grands ciels. Mais le livre entraîne toujours son lecteur dans l’intensité d’un rite sacré dans un lieu cultuel ou d’un geste sacré de la vie pratique dans la cour et même dans le secret de la maison. Le livre entraîne son lecteur dans la proximité mobile de ce rite ou de ce geste. Continuels gros plans. Nous voici dans les Antilles, dont presque chaque habitant se rappelle la déportation esclavagiste de ses ancêtres.

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« Lémistè » de Monchoachi

Monchoachi

à François Boddaert, Editions Obsidiane

 

…Je vous expose ma visée pour Lémistè dont Liber America que vous avez entre les mains, constitue un premier volet : il s’agirait d’un long parcours à travers les mythes, les magies, les rituels cérémoniels qui ont fait la présence des différentes parties ou lieux du monde, présence recouverte totalement de nos jours par la Civilisation : Amérique, Afrique-Océanie, Europe-Asie (se sont mes découpes), non évidemment dans le simple but de rapporter ceux-ci (je ne suis pas ethnologue), mais en les jouant, en les déplaçant, en les retournant, voire en les subjuguant, ceci en vue d’ébranler la vision calamiteuse du monde charriée par la dite Civilisation.

Comme tout poète, je n’ai à ma disposition pour ce faire que la langue, ou du moins j’en ai deux : la créole et la française, ce qui me permet de jouer des facultés de l’une et de l’autre, la française plus portée aux généralisations, la créole plus rythmique, plus sonore, plus imagée, plus sensible, plus traversée aussi par le souffle, non de l’esprit, mais des esprits et des magies, ce qui ne constitue pas un moindre recours pour nous ramener à une vision du monde sensible où toutes choses vivent et pas seulement l’homme.

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