— Par Roland Sabra —
«Rien à faire» Tout est dit dès les premiers mots de la pièce. A cette remarque de Gogo confronté à la difficulté, très matérielle, d’ôter sa chaussure Didi répond sur le plan philosophique «Je commence à le croire.». L’absurde n’est pas tant l’absence de sens que le trop plein de contre-sens. Ici règne le domaine du double et du dédoublement. Estragon et Vladimir, Pozzo et Lucky. Le garçon et son frère. Et même si l’inconscient d’un texte ne se love pas dans la biographie du scripteur, comment ne pas évoquer en Vladimir, Frank Beckett le frère aîné, persécuteur et en Estragon, le Sam Beckett, en voie de clochardisation, souffre douleur de la fratrie sous l’oeil accusateur du tyran maternel? Le double est signe de mort. Longtemps on a tué les jumeaux à la naissance : la nature se trompait à produire deux fois le même. Rémus est tué pour que Romulus fonde une ville qui défie la mort, une ville éternelle. A l’annonce d’un décès, les miroirs sont voilés pour éviter que le reflet du cadavre ne re-convoque la mort.