Étiquette : Koffi Kwahulé

Avignon 2022-1 : « Glob », « Hidden Paradise », « Arletty » (OFF)

— Par Selim Lander —

Ouverture bien tardive de cette chronique alors que le festival est déjà en son mitan. Pour débuter, deux pièces québécoises et, pour finir, Arletty, la nouvelle pièce du dramaturge Koffi Kwahulé consacrée à la star qui a traversé presque tout le XXe siècle.

Glob par les Foutoukours

Jean-Félix Bélanger et Rémi Jacques sont deux clowns à nez rouge mais qui ne font pas dans la pantalonnade. Chez eux tout est douceur, grâce, élégance. Ils nous font rire mais à peine. Ils nous enchantent, ils nous ravissent dans leur monde où rien ne semble avoir d’importance, où tout s’arrange avec un (tout) petit peu d’astuce et beaucoup de bonne volonté. S’ils font mine, parfois, de se fâcher, leur complicité ne faillit jamais. Pas besoin de mots pour se comprendre, quelques onomatopées suffisent. Les outils pour nous séduire se résument à peu de choses : une « échelle d’acrobate » inventée pour la circonstance, des balles de jonglage, des boules lumineuses qui ont tendance à changer de couleur,… ce qui n’est pas sans poser à nos deux comparses les problèmes qu’on imagine facilement.

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« Big Shoot » de Koffi Kwahulé

Le 18 mars, 19h au CDST à Saint-Pierre

Même le festival martiniquais des « Petites Formes » a son OFF !

Le CDST, à Saint-Pierre, accueille la pièce BIG SHOOT pour une unique représentation. 

L’auteur, Koffi Kwahulé, originaire de Côte-d’Ivoire, est mondialement connu. Deux de ses pièces, Petite Souillure et Jaz, ont déjà été jouées en Martinique.

Les spectateurs sont donc priés de bien s’accrocher ! S.L.

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Au commencement était l’acteur
Jeux du cirque médiatique où le bourreau se fait artiste et offre à la curiosité malsaine de la société le spectacle de son crime. Interrogatoire poussé, sévices psychologiques de détraqué, folie et sexualité… Tour à tour inquisiteur et tortionnaire, Monsieur invente Stan, sa victime, et fabrique l' »alibi » nécessaire à ses pulsions.

L’espace du théâtre c’est la langue, et la plupart de mes pièces sont écrites pour être jouées sans décor. Seul importe l’univers qu’impose la respiration de la langue. Et l’effigie de l’acteur. Car mon théâtre est avant tout un désir d’acteur ; ce sont eux qui, généralement, font découvrir mes pièces aux metteurs en scène. Et au commencement de Big Shoot est Denis.

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#Culturecheznous, deux nouveaux spectacles !

#Culturecheznous – SAMO, a tribute to Basquiat de Koffi Kwahulé

Laëtitia Guédon, un parcours sans faute

Formée à l’École du Studio d’Asnières et au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris, Laëtitia Guédon fonde la Compagnie 0,10 et dirige de 2009 à 2014 le « Festival au Féminin » à Paris. Elle met en scène des textes de Koffi Kwahulé, Kevin Keiss, Patrick Chamoiseau… 

Riche d’un métissage singulier, elle est en quête d’une esthétique indisciplinée où se mêlent en permanence les arts et en particulier le théâtre, la danse et la musique live. Elle accorde une attention particulière aux écritures contemporaines en associant des auteurs vivants à l’écriture des spectacles.

En 2016, elle est nommée à la direction des « Plateaux Sauvages », fabrique artistique de la Ville de Paris, établissement culturel situé au coeur du XXème arrondissement. « Dans la capitale, peu de lieux de résidence sont disponibles pour les artistes. Heureusement, voici ce nouvel espace, une vaste fabrique dédiée à la création et au partage artistiques : 2 600 m², répartis sur 4 niveaux … » (Télérama)

https://www.envotrecompagnie.fr/accompagnement-administration-production/laetitia-guédon/

Artiste associée depuis 2015 à La Comédie de Caen / CDN de Normandie, Laëtitia y crée en 2016 « SAMO », en complicité avec l’auteur Koffi Kwahulé.

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Retour sur Jaz. Le dîner. 0’Brother Company.

— Interview d’Alexandre Zeff  par Dominique Daeschler —

Retour sur Jaz. La Camara Oscura.

Rendez vous au Jardin de Mons où se déroulent les rencontres De RFI avec le jeune metteur en scène de Jaz. Ce qui frappe de suite c’est son calme, son écoute et …son sourire.

DD   Peut-on faire un petit flash back sur votre parcours ? (premier sourire)

AZ  j’ai fait le CNSAD comme acteur. J’ai d’abord monté deux pièces de Pinter (Célébration et le Monte Plats puis je suis passé au court métrage (trois en 2013), puis au long métrage. Ensuite j’ai empoigné les textes de Lars Norén  et Jon Fosse.

DD  Et Koffi Kwahulé ?

AZ C’est un parcours sur trois textes. J’ai mis en scène Big Shoot l’an dernier. Pour moi Jaz en est le deuxième Volet. Après je terminerai avec Blues cat.

DD  Qu’est ce qui vous a amené à faire un tour dans l’écriture de Koffi Kwahulé ?

DD Bien sûr le lien avec la musique puisque Koffi se définit comme le jazzman de l’écriture. DD Comment ce mariage s’organise ?

AZ  La musique a été écrite en jeu avec le texte.

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Avignon (7) « Saigon », « Les Assoiffés », « Sujets à vif »

Saigon de Caroline Guiela Nguyen (IN)

— Par Selim Lander —

L’écriture de plateau est un exercice à haut risque mais il arrive que cela fonctionne et tel est le cas ici. Saigon est le fruit de deux années de travail d’enquête, d’abord  à Paris dans le XIIIe arrondissement puis à Saigon, avant l’écriture en commun. Le résultat est à la hauteur de l’investissement et la pièce est appelée à un grand succès comme en témoignent aussi bien le public d’Avignon dont l’intérêt ne s’est pas départi pendant les quatre heures du spectacle dans une salle pourtant inconfortable que le nombre de dates déjà programmées à la suite du festival.

La pièce se situe tantôt en 1956 à Saigon puis à Paris juste avant et juste après l’exil d’un certain nombre de Vietnamiens dans les fourgons des Français, tantôt en 1996 à Paris et à Saigon (Ho Chi Minh-Ville), cette année-là étant celle où les Viet kieu (Vietnamiens émigrés ou enfants d’émigrés) ont pu revenir en touristes au pays. On voit donc deux générations, celle des exilés et celle des enfants.

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Avignon 2017 (4) « Antigone », « Jaz »

— Par Selim Lansder —

Antigone de Sophocle (IN)

L’Antigone présentée dans la cour d’honneur du Palais des papes par le Japonais Satoshi Miyagi est le spectacle phare de cette édition du festival. Avouons tout de suite que notre jugement reste mitigé. Miyagi a déclaré qu’il voulait réaliser non une tragédie mais « une fête pour apaiser les esprits ». Les spectateurs, de fait, sont apaisés, peut-être trop ! Car la beauté plastique, indéniable, de ce spectacle ne peut pas faire oublier à elle seule la faiblesse du texte de Sophocle, d’autant que la mise en scène joue sur la lenteur, le hiératisme, toutes choses qui peuvent lasser à la longue.

Faible, le texte de Sophocle ? Voilà qui risque de faire hurler, s’agissant d’un des mythes fondateurs de notre imaginaire. Qui ne connaît l’histoire d’Antigone qui se sacrifie au nom de l’idée qu’elle se fait de son devoir ? Mais cette idée est-elle juste ? Antigone n’est-elle pas simplement une jeune personne têtue qui s’obstine à avoir raison contre tout le monde ? On en discute encore (et en particulier dans le texte d’Anouilh).

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« Samo, a Tribute to Basquiat », cérémonie funèbre

— Par Selim Lander —

Jean-Michel Basquiat (1960-1988), né d’un père haïtien (d’où son prénom français) et d’une mère américaine, fut un mauvais garçon, un beau gosse aux mœurs « spéciales » (comme on disait naguère), avec au cœur la hargne, l’ambition, et surtout l’envie d’une existence sans frein. Promu par la grâce de la critique et des médias figure de proue du néo-expressionnisme new-yorkais, il devint un familier de la Factory d’Andy Warhol où se côtoyaient toutes sortes de gens, des célébrités et des voyous. Incapable de se détacher des drogues, il mourut à vingt-sept ans de l’overdose d’un mélange d’héroïne et de cocaïne. Les visiteurs présents à l’été 2015 à la rétrospective du Guggenheim-Bilbao ont pu apprécier ou en tout cas découvrir une peinture « sauvage », au sens où elle est à l’évidence guidée davantage par la rage de s’exprimer que par le souci de plaire.

Koffi Kwahulé est pour sa part l’un des dramaturges francophones contemporains parmi les plus doués. Le public martiniquais a pu voir très récemment sur scène son monologue Jaz et, en 2013, P’tite Souillure, une pièce qui fait intervenir un personnage maléfique, Ikédia, alors interprété par Nelson Rafaell Madel.

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« SAMO, A tribute to Basquiat » : une rhapsodie théâtrale

— par Roland Sabra —

Une rhapsodie théâtrale dominée par la figure du père et par le jazz. Une écriture en mouvement de paroles et de notes.

A la recherche du Père. Basquiat-Guédon dans une symbiose aux contours évanescents, aux frontières vaporeuses comme un reflet d’une peinture-écriture dont le trait d’union serait le jazz. Koffi Kwahulé, dont l’écriture est habitée par le Jazz comme on a pu le voir dernièrement au T.A.C. avec Jaz mis en scène par Jandira Bauer, a répondu, sans trop se faire prier, à la commande de Laetitia Guédon d’un texte sur Jean-Michel Basquiat.

Coltrane-Parker pour Kwahulé-Basquiat. Pour l’écrivain dramaturge c’est Coltrane considéré comme le saxophoniste le plus révolutionnaire des années 40-60, celui qui sans cesse a repoussé les limites de l’instrument dans une quête stylistique et spirituelle bordée d’alcool et de drogues. Mort à 41 ans d’un cancer du foie. Pour le peintre, c’est Charlie Parker Jr fils unique de Charlie Parker Senior, pianiste et danseur, nomade. Parker Jr est l’inventeur du jazz moderne, prometteur du bebop, celui qui va bouleverser la mélodie, le rythme et l’harmonie, avec des œuvres qui vont devenir des standards.

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« SAMO, A Tribute to Basquiat » de Koffi Kwahulé, m.e.s. de Laëtitia Guédon

Vendredi 10 mars 2017 à 20 h à Tropiques-Atrium

Compagnie 0,10
Mise en scène : Laëtitia Guédon
Texte : Koffi Kwahulé
Avec : Yohann Pisiou, Willy Pierre-Joseph,

SAMO, A Tribute to Basquiat est une oeuvre indisciplinée, écrite pour deux musiciens, un acteur et un danseur sur le célèbre peintre noir américain. Né en 1960 à Brooklyn, issu de la middle class new-yorkaise, Jean-Michel Basquiat devient dans les années 80, une des figures de proue de mouvement underground new-yorkais.

Qui est S.A.M.O. ?
Basquiat, Al Diaz et Shannon Dawson créent avec “ SAMO ” (anagramme de “Same Old Shit”), les prémices du graffiti. Basquiat est le moteur principal de ce projet et traduit son observation sensible du monde par des messages lapidaires inscrits, tagués, sur les édifices de l’environnement urbain new-yorkais. Les courts messages qu’il inscrit à l’époque sont déjà, avant ses toiles, des actes poétiques et politiques. La suite : la rencontre avec Warhol, la vitalité désespérée qui le conduit à cette production boulimique de tableaux, le succès, les trop nombreuses drogues et son entrée dans le funeste Club 27.
Ce qui m’intéresse ici c’est l’avant, la période d’errance, de marche, de recherche, la période de signalétique, où à New York on se dit : “ qui est SAMO ? 

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« Jaz » : Jandira Bauer et l’art de la mise en scène.

Les appréciations de Michèle Lapelerie et de Christiane Rodulfo

— Par Michèle Lapelerie —

Jandira lit une pièce de théatre africaine et, soudain, pose ses lunettes :

« Bleu de chine » oui ! D’ un coup de baguette magique, elle nous fait entrer dans un univers poétique, lumineux, qui nous transporte, qui nous transporte…..

Et nous montons,, nous montons jusqu’au sommet de cette belle tour, blanche de tulle.
Mais, qu‘est-ce ?.Nous voyons un grand, un gros phallus ! Cette énorme érection ne peut être que le symbole de la force et de la puissance de la virilité masculine.

Jandira, la facétieuse ,nous dit « non » .Ce « grand et gros machin emmailloté » n‘est qu’ une vulgaire cabine dans laquelle la merveilleuse comédienne viendra s’habiller et se déshabiller tout au long du spectacle.

Jandira a l ‘art de la caricature et sa créativité est remarquable.

Des jeux de lumière, éblouissants, fascinants ;

Ce double WC, éclairé par le projecteur ne peut être qu’un trou où s entassent nos excréments noirs de puanteur. La judicieuse Jandira l a décoré de larges bandes brunâtres. Petit mais puissamment mis en valeur il devient le tabernacle sacré dans lequel Jane, le « LOTUS BLANC », dépose ses vêtements ,surtout cette robe d un blanc immaculé, souvenir précieux de la tendre, de la douce relation qui l’a unie à Oridé.

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Jaz, de Koffi Kwahulé. m.e.s. de Jandira Bauer : humain et puissant

— Par Margaux Villain-Amirat, comédienne —
Jandira Bauer et ses mises en scènes, c’est une histoire que je suis depuis longtemps. Depuis avant que je parte de Martinique faire mes armes de comédienne à Paris. Longtemps. C’est donc avec une excitation teintée d’appréhension que je me suis donc rendue le 28 janvier au Théâtre Aimé Césaire voir sa dernière création, Jaz de Koffi Kwahulé. La même appréhension qu’on a quand on s’apprête à retrouver un ami des années plus tard. Les questions se bousculent : ai-je changé ? A-t-elle changé ? Pourrons-nous encore trouver un point d’entente ? Mais dès le lever de rideau, ces questions se dissipent et le point d’entente est bel et bien là.
Derrière les cheveux blonds d’une Jann Beaudry éblouissante se découpe la Place Bleu de Chine, théâtre de notre tragédie sur fond de jazz. Jann y danse et y chante l’histoire de Jaz, habitante d’un quartier laissé à l’abandon par les pouvoirs locaux, qui se fait abuser dans les sanitaires publics. Si l’histoire de Kwahule est dure, elle nous est pourtant contée avec amusement et distance, comme une jeune femme qui aurait décidé d’effacer une blessure de sa mémoire, de mettre son malheur derrière elle et de renaître de ses cendres.

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Jaz : la parole comme une bouée de sauvetage

Jandira de Jesus Bauer précise dans un entretien à Madinin’Art le pourquoi et le comment de la pièce de Koffi Kwahulé qu’elle monte ici en Martinique pour la première fois.

Roland Sabra : Jandira Bauer  vous êtes de retour parmi nous pour honorer ce dicton qui dit que la Martinique est l’ile des revenants, avec une nouvelle pièce de théâtre que vous nous présentez :

Jandira Bauer : Oui il s’agit de Jaz de Koffi Kwahulé un texte écrit en 1998

R.S. : Nous connaissons bien l’auteur qui a été monté plusieurs fois ici en Martinique à Tropiques-Atrium notamment par Hassane Kassi Kouyaté. Qu’est qui a motivé ce choix ?

J.B. : C’est le résultat de tout un travail, plus précisément d’une exigence personnelle de recherche d’une densité textuelle pas toujours évidente à trouver, et d’un défi à relever. Alors que j’avais déjà travaillé sur des textes de cet auteur au cours des 18 ans passés j’ ai découvert un peu par hasard ce texte il n’y a pas si longtemps. Je l’ai lu un soir et le lendemain au réveil un impératif s’est fait jour.

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« Jaz » de Koffi Kwahulé, m.e.s. de Jandira Bauer

25, 26, 27, 28 janvier 2017 à 19h 30 au T.A.C.

L’histoire de A à « JAZ » 

 « Au théâtre, la fiction peut avoir, ou pas, un compromis avec la réalité .

Le vrai du théâtre est le monde des secrets.

Je ne pense pas qu’il soit possible de raconter l’histoire de Jaz avec précision et sincérité sans qu’il en ressorte un caractère politique et polémique »  J. Bauer

 La voix du personnage, JAZ, est entre parenthèses, et son existence se cogne dans l’espace où l’auteur la confine en 1998. Elle vit complètement marginalisée dans « la cité crasseuse ». Séduite par « l’homme au regard de Christ », elle se retrouve trahie, violée, traumatisée, lotus mortifère.

JAZ, personnage anonyme se meurt seule dans l’abandon. Les paroles du texte coulent dans l’espace , tout comme la musique soul purifie l’âme, le blues berce le corps, et l’improvisation dans le jazz favorise les performances.

La mémoire est sujette à une réécriture. Le conflit entre mémoire des victimes contre mémoire des oppresseurs, entre mémoire des minorités et mémoire de la nation, entraîne souvent une compétition, comme si une seule de ces mémoires avait la dimension de la vérité.

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Avignon 2016 (13) : « Artaud-Mômo », « Jaz », « Hearing »

— Par Selim Lander —

artaud momoArtaud-Mômo

Ce spectacle proprement extraordinaire ne cesse de tourner et de revenir au théâtre du Chêne Noir où il a été créé en 2000 dans une mise en scène de Gérard Gelas avec Damien Rémy. Doublement extraordinaire à vrai dire et d’abord en raison du texte, celui de la fameuse Conférence du Vieux Colombier, là-même où Artaud s’était illustré comme comédien, sa dernière apparition publique. Une conférence que, à vrai dire, trop atteint par sa folie, il fut incapable de donner véritablement, tentant d’improviser quelque temps, accusant l’aliéniste de Rodez d’être responsable de son état à cause des électrochocs, avant de s’interrompre prématurément, non sans avoir plongé dans le malaise l’assistance nombreuse et choisie venue l’écouter.

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« Nouvel an chinois », de Koffi Kwahulé, Lauréat du Prix Mokanda 2015

koffi_kwahuleOn ne sait jamais trop quand défilera le carnaval chinois dans le quartier de Saint-Ambroise. C’est en tout cas l’hiver, un jour de janvier ou février. Un jour comme tous les autres pour Ézéchiel qui, depuis la mort de son père, occupe les longues journées qu’il ne passe plus au lycée en fantasmes flamboyants et débridés. Ézéchiel qui, de questions sans réponses en désirs sans fond, s’épuise à comprendre un monde qui se dérobe. Tandis que l’insaisissable Melsa Coën prend peu à peu, dans ses rêveries, la place d’une mère absente à tous comme à elle-même. Seule sa sœur maintient le lien comme elle peut, continuant pour Ézéchiel le récit de sa vie au loin, perchée « dans une cabane dans les arbres ».

C’est pourtant ce jour-là, au son des gongs et des cymbales, que choisit le funeste Demontfaucon, alias Nosferatu, pour revenir prêcher sa haine…

Dans ce roman écrit dans l’énergie syncopée de l’improvisation, tout commence par le rythme, dans le grand balancement du désir et de la répulsion qui porte les personnages de cette nouvelle dramaturgie urbaine.

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« P’tite souillure » : un Enfer sous les oripeaux de l’Eden ou l’inverse…

 — Par Roland Sabra—

Un « Théorème » pasolinien de tous les temps et de tous les lieux voilà ce que nous donne à entendre le texte de Koffi Kwahulé dans la mise en scène de Damien Dutrait et Nelson-Rafaell Madel lors de sa création au Théâtre A. Césaire de Foyal le 28 février 2013. Un inconnu, Ikédia, arrive un soir dans une maison bourgeoise et va servir de révélateur des drames familiaux qui gangrènent la vie d’un père d’une mère et de leur fille, surnommée « P’tite souillure ». Il est venu «  Foutre le feu à la maison » et il le fera. Si la pièce est européenne dans sa structure, son propos dépasse largement cet horizon. Le dramaturge ivoirien dit d’elle : «  C’est la part occidentale, constitutive de mon identité, dont je ne peux me défaire, comme le zèbre ne peut se défaire de ses rayures, que je laisse parler. » « P’tite souillure » est un peu le pendant de « Bintou » l’héroïne éponyme d’une autre pièce de Koffi Kwahulé que la jeune et talentueuse Laetitia Guédon a montée en 2009 à Avignon et présentée peu de temps après à Fort-de-France.

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« Bintou » de Koffi Kwahulé dans une mise en scène de Laetitia Guédon

— Par Roland Sabra, 

Un talent prometteur !

 Virilisme « Réaction virile exacerbée face à l’évolution des rapports hommes-femmes, le virilisme, surtout dans les banlieues, est aussi l’indicateur d’un malaise social plus large. » Telle est la définition du sociologue  Daniel Welzer-Lang qui semble s’appliquer à la lettre à la thématique déclinée par Koffi Kwahulé dans « Bintou » mis en scène par Laetitia Guédon et jouée le 09 octobre2009 à Fort-de-France. Une jeune fille de treize ans, qui n’est plus une enfant, exceptée pour les contempteurs de Polansky, issue de l’immigration africaine refuse les codes machistes d’une acculturation batârde. Ou plutôt, Bintou, puisque c’est d’elle dont il s’agit, va se jouer des acquis d’une socialisation apparemment conflictuelle, entre Europe et Afrique mais fondamentalement convergente quand à perpétuation de la domination masculine.   Noyée dans le sang sous le couteau de l’exciseuse,  avec la complicité des femmes plus âgées, elle paiera de sa vie de n’avoir pas voulu rester à la place que l’ordre des hommes lui avait assignée. Le thème développé n’est  pas tant l’excision que celui des ravages de socialisations différentielles et conflictuelles dans un contexte d’acculturation postcoloniale et de virilisme mortifère.

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« Bintou » : tragédie urbaine et émergence d’une metteuse en scène

 — Par Alvina Ruprecht —

Création 2009 Prix de la Presse au Festival Off d’Avignon 2009


Nous connaissons déjà l’œuvre de Koffi Kwahulé, à mon avis un des meilleurs auteurs dramatiques de langue française de sa génération. Souvent jouées à Avignon, ses pièces construisent un monde symbolique qui décortique les soubassements du pouvoir où les anges exterminateurs mènent leurs victimes à leur perte. Un monde terrifiant qui cerne la psyché ébranlée de ces êtres pris dans un monde en transformation qu’ils essaient de cerner mais que souvent, ils ne comprennent pas.Bintou nous place devant une de ces expériences limites. Ce texte très puissant, issu du monde de la culture populaire urbaine est d’une actualité brulante, il est structuré comme une tragédie grecque. Un chœur syncopé nous accueille dès le départ dans cette descente vers les enfers. Bintou, une jeune révoltée genre Antigone, défie les dieux, refuse la tradition de ses parents et ensorcelle les membre de sa bande qui se laissent mener vers leur propre destruction. Un réquisitoire contre l’excision, une mise en évidence des conflits profonds qui déchirent les jeunes de l’immigration, un texte lyrique, féroce, réaliste et mythique à en couper le souffle.

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