Étiquette : Jean-Robert Léonidas

« Petite collection de grandes pensées », un livre de Nina Simon

— Par Jean-Robert Léonidas —

L’auteure de ce petit livre d’une étonnante profondeur m’a personnellement épaté. D’une double façon. Tout d’abord, je me crois en face de deux identités. C’est que j’ai déjà lu avec grand bonheur un premier texte en anglais, signé par la même personne, sous une autre appellation, son nom de naissance. Je l’avais bien apprécié et j’en ai déjà donné mon sentiment dans un court article publié par Madinin’Art (1). Me voici ensuite en présence d’une autre production que je viens de recevoir de la même personne, cette fois-ci sous un nom de plume. Pas seulement un changement de nom. Tenez-vous bien : Un changement de langue. Elle écrit cette fois-ci en français avec la même aisance. Il est vrai qu’elle est canadienne. Mais ceci n’explique pas cela.

En des mots simples, dans ce nouveau texte, l’auteure présente une intéressante conversation entre soi et soi-même. De façon surprenante, comme en un tour de passe-passe, la porte s’ouvre sur l’autre. Le lecteur se sent alors engagé dans un dialogue avec un penseur qui remue des idées qui nous intéressent toutes et tous.

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Philippa C. Jabouin : Le minimalisme littéraire à son apogée.

— Par Jean-Robert Léonidas —

Short shorts on family, c’est le premier livre écrit en anglais par cette auteure polyglotte, petite fille d’un grand poète haïtien. Je me suis laissé dire que c’était un recueil facile à lire et digérable en un rien de temps. Rien n’est moins vrai.

Le livre, un ensemble de 30 histoires succinctes, pourrait donner une fausse impression de facilité. Mais la couverture en impose par sa gravité, elle offre à notre regard une œuvre d’art suggérant un puzzle titré Sulphurous Exchange. Ce n’est donc point de l’eau de rose. Nous sommes en face de croquis, de réflexions qui, plongeant dans l’âme humaine, obligent à cogiter en profondeur sur les choses, les hommes, leur nature, leur travers. Point de longs discours dont l’auteure est certainement capable vu sa préparation académique et son expertise. De petites histoires de famille qu’il ne faut pas prendre comme une confession d’un enfant du siècle, mais plutôt comme une tactique d’écriture pour se révéler à soi-même et au monde. D’autres sujets semblent provenir du lieu de travail. L’auteure, par pudeur, garde une difficile distance par rapport à l’intimité et maintient une éthique professionnelle, même quand elle a décroché volontiers de ses occupations antérieures.

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« Comme un arbre planté dans le jardin du bon Dieu », Jean-Robert Léonidas, Paris, 2022

Une gageure : raconter l’identité

— Recension par Yves Chemla —

Un arbre dans le jardin de Dieu : voici une image qui nous enjoint de remonter à la source de pas mal d‘histoires, et aussi de pas mal d’imaginaires qui croisent et recroisent les fils du bien et du mal, du genre, des histoires de paradis et de perte de celui-ci, des histoires de genre, de serpent, de connaissance des autres, de soi, de l’origine et aussi d’identité. Ève et Adam ont dû longtemps se demander ce qu’ils faisaient là, et qui ils étaient. Certes, l’Eden aura été à la fois un lieu et un moment remémorés sans relâche, mais espace traversé de choses plus ou moins cachées : la connaissance, l’éternité, la séduction, le mal, la surveillance jalouse identifiable par des bruits de pas sur la terre.

Dans ce roman étrange, Comme un arbre planté dans le jardin du bon Dieu, Jean-Robert Léonidas, l’écrivain de Jérémie, entrelace ces figures qui structurent une bonne partie de nos imaginaires en provenance de la Bible, avec la réalité âpre et sévère de la vie quotidienne en Haïti, dans le premier quart de ce siècle fertile en malheurs de toutes sortes : séisme, ouragan, décrépitude, misère, dépérissement de l’État, gangstérisme.

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Fabien Wesner Fleurant, un artiste confirmé

— Par Jean-Robert Léonidas* —

Je viens de découvrir un artiste confirmé et je suis désolé de ne pas pouvoir être à Larchmont, N.Y. pour apprécier toute la panoplie de ce one-man-show, étant plutôt à l’autre bout du monde, dans la Grand-Anse profonde baignée de ses quatre rivières. Cependant j’ai vite apprécié le tableau ci-dessus présenté comme modèle. Et j’ai envie de me dire : Va cours , vole et engrange !

Côté médecine et scientifique mis à part, nous sommes heureux de présenter un artiste qui a pénétré avec succès dans le sanctuaire des couleurs et des ombres. Une idée m’est soudain venue en tête, port-au-princienne, je dirais, comme la naissance et la jeunesse de l’artiste. Que dis-je ? Une idée plutôt toute haïtienne. Un mythe provincial et créole, celui de l’arc-en-ciel qui se désaltère dans le courant d’une rivière et dont un plasticien a volé le bonnet. Alors le voleur d’arc-en-ciel, mieux qu’un voleur de pervenche, s’enrichit à l’instant. Pas nécessairement en pognon. Mais en inspiration, en rêves, en pouvoir de composition, en manipulation maitrisée de la roue des couleurs.

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Pour les 100 ans d’un grand monsieur. Poème : À Jacques Stephen Alexis*

—- Par Jean-Robert Léonidas (médecin et écrivain) —

Dans tes hémisphères précoces où poussaient de grands rêves,
Se dessinaient déjà ta vocation d’esculape
Et ton amour pour les lettres.
Il y a la santé des hommes, il y a le salut de l’homme.
Tu t’es engagé dans le métier de guérir les javarts des estropiés.
Tu t’es laissé aller à la passion de mettre du noir sur du blanc, en toute élégance,
L’autre nom de l’écriture à en croire Mallarmé.
Le passage du stylo à la baïonnette s’impose parfois,
Pour les prédestinés,
Lorsque le coup de gueule des mots
Ne donne pas sa mesure et n’atteint pas sa cible.
Alors se pointe l’action, le pas de côté que le commun des plumitifs ignore.
Quelle chrysalide ne rêve pas d’escalader les airs
Et d’aller fleurter avec la stratosphère ?
Sinon, le firmament serait un mythe et la sublimation un mensonge.
À quoi sert-il de recouvrer la santé, si le salut n’est pas le but ?
Si l’on ne s’investit pas dans la conquête de l’univers et de son sauvetage ?
À quoi servent la rose et son nom si on ne s’est jamais piqué le doigt
En bouturant une tige dans le terreau de la douleur ?

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Interview : Jean-Robert Léonidas.

Par Dan Burcea, critique littéraire et prix Rive Gauche —

« Chaque vie est un univers, une vaste encyclopédie dont les pages s’écrivent continuellement selon la fortune ou l’infortune des jours »

L’écrivain haïtien Jean-Robert Léonidas publie Comme un arbre planté dans le jardin du bon Dieu aux Éditions Riveneuve. Le thème du retour au pays et, par extension, aux origines, n’est pas nouveau chez ce professeur de médecine et écrivain, longtemps expatrié à New York et revenu depuis quelque temps dans son pays d’origine. Il l’a déjà traité dans ses précédents romans, ce dernier insistant, comme il fallait s’y attendre, au besoin intérieur de ce geste et à ses capacités régénératrices. En suivant le périple de Jasmine Deschâtaignes, adoptée par un couple de parisiens et retournée vingt ans plus tard à Jérémie dans les terres qui l’ont vue naître, Jean-Robert Léonidas nous livre une vraie plaidoirie en faveur de la capacité régénératrice du retour aux sources.

Le besoin vital du retour aux sources est pour vous un thème central que vous traitez dans plusieurs de vos livres comme À chacun son big-bang (2012) ou Retour à Gygès (2017).

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« Comme un arbre planté dans le jardin du bon Dieu », le nouveau roman de Jean-Robert Léonidas

— Présentation par Philippe Selz* —

De quoi s’agit-il ?

Une famille haïtienne éclatée de toutes part, avec une fillette de trois ans donnée en adoption à un vieux couple de Français en mal d’enfant ; et qui devient une belle jeune fille parfaitement éduquée que les circonstances invitent à retrouver ses origines. Un retour dans une Haïti populaire où la prostitution est marque de position sociale, des retrouvailles qui sont autant de signes d’un nouveau bonheur, le tout dans une langue allant du plus délicat à l’acéré le plus aigu, dans un chatoiement de couleurs, de parfums et de sensations, reflets de la vie grouillante d’un peuple à la fois amical et hors du temps. La prose savante et travaillée du poète Jean-Robert Léonidas décrit à merveille la complexité de l’âme haïtienne, ses retournements aussi soudains que fugaces et le bonheur dans le malheur qui semble une constante de ce pays fascinant, où la vie ne tient parfois qu’à un fil. Quasiment une invitation au voyage.

*Philippe Selz est diplomate et auteur.

Ancien chargé d’affaire et ambassadeur en Haïti (1992-95)

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La diglossie haïtienne, il y a 25 ans.

— Par Jean-Robert Léonidas, écrivain haïtien. —

 « Lorsque les philosophes n’ont plus rien à dire,
il est excusable de se tourner vers le babillement des oiseaux
et le lointain balancement des astres. »
Marguerite Yourcenar

Mesdames, Messieurs,

Dans le processus complexe de la croissance de l’homme et de son évolution comme animal social, un fait extraordinaire a pris naissance et a accompagné l’homme dans son turbulent trajet existentiel. C’est le langage. Il est moyen de communication dans sa forme la plus directe et la plus personnelle. En cette fin de siècle qui est aussi un terminus de millénaire, en cette époque où la terre est devenue un cybermonde, où les avenues de la communication sont devenues de vertigineuses autoroutes, à cette croisée des super-highways, il est bon de faire escale, de revenir aux idées simples, de réfléchir sur la première forme de la communication de l’homme : le langage. Les langues naissent grandissent et meurent. Il en existe des centaines sur la planète. Haïti se trouve dans une situation spéciale en ce sens qu’elle se nourrit de deux langues et entretient des rapports bien définis avec elles.

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« Contribution à l’étude des mots créoles », par Lionel Bellevue

— Préface de Jean-Robert Léonidas* —

La langue est l’affaire de tous. Je l’ai toujours clamé avec conviction. Tout le monde en est le créateur. Autant l’homme de la rue que les universitaires et les savants. C’est pour cela qu’au niveau du glossaire il existe le phénomène des doublets pour nous en convaincre, c’est-à-dire l’existence de deux mots presque synonymes qui nous arrivent l’un par voie populaire, l’autre par voie savante. Rappelons que notre créole haïtien est une langue jeune, aussi jeune que notre pays. C’est nous qui l’avons inventé. Nous nous sommes servi de matériaux venus avec nous depuis l’Afrique, ceux d’origine indienne retrouvés localement à Ayiti dans les cinq caciquats, ceux apportés par les colons et les différents occupants qui nous ont marqués au cours de notre histoire. La pénétration lexicale étant au bout du fusil, de la puissance économique, et de la durée de la colonisation, il se trouve que le vocabulaire français a eu la part belle dans la formation de notre créole haïtien, à côté des mots africains, taïnos, espagnols, anglais etc.

La langue est trop précieuse pour que nous l’abandonnions exclusivement entre les mains des spécialistes.

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Mémoire et permanence salvatrice dans «Retour à Gygès» de Jean-Robert Léonidas

— Note de lecture de Dan Burcea —

Dans un entretien datant de 2013, l’écrivain haïtien Jean-Robert Léonidas nous révélait le fait que ses romans avaient «un double enracinement dans le silence et le chaos»[1]. Quatre années plus tard, il nous propose deux autres éléments tout aussi significatifs, extraits cette fois de la symbolique que porte son nouveau roman «Retour à Gygès», ceux de la mémoire et du déracinement. Rien d’étonnant, dirions-nous, pour un écrivain qui a fait lui-même cette expérience dans son aller-retour entre la beauté pure de Haïti, son île natale, et une autre île, Coney Island, au sud de Brooklyn, dans le quartier new-yorkais d’East Flatsbush où il fait d’ailleurs habiter Anita, son héroïne.
Ce sont donc ces deux têtes de pont que l’auteur tente de garder reliés durant le temps de sa narration. Il prend d’abord ses aises dans les paysages enchanteurs de la Plaine des Gommiers où Anita grandit dans cette terre natale située «face à la mer […] ouverte à l’infini des rêves et des vagues». Le pittoresque de ce pays haut en couleurs et riche en saveurs ne tient pas seulement dans son unicité et son abondance naturelle, mais se construit aussi autour des habitants de ce «théâtre de la vie villageoise plein de secrets, de sous-entendus, de surprises, d’émotions» qui extraient «jusqu’à la dernière goutte tout le jus du mot».

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