— Par Jean-Marie Harribey et Dominique Plihon Membres des Économistes atterrés —
Il faut le dire d’emblée, l’économie enseignée à l’université fut historiquement plutôt favorable aux idées confortant les positions sociales et l’ordre bien établis. Mais l’avènement du capitalisme néolibéral approfondit cette tendance jusqu’à un point caricatural. Toute pensée dissidente ou simplement distante par rapport à la théorie libérale néoclassique fut écartée : le keynésianisme fut relégué dans les placards lorsque la dérégulation financière s’imposa et tout le marxisme fut banni en même temps que s’écroulèrent le mur de Berlin et les pays prétendument socialistes.
Le seul paradigme admis est celui du calcul individuel optimisateur, des anticipations rationnelles, du marché meilleur allocateur des ressources en face d’un Etat forcément improductif et gaspilleur : ainsi, la prospérité et le bien-être étaient promis à l’humanité entière si les capitaux pouvaient circuler sans entraves, des places financières aux sweatshops (ateliers de misère) en passant par les paradis fiscaux, au bénéfice des actionnaires. Tous les économistes bien en vue et bien en cour se mirent à justifier les privatisations, le recul des services publics, de la protection sociale et du droit du travail.