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Le festival d’Almada, côté monologues

« Si c’est un homme » (Se isto é um homem) & « Jeanne d’Arc » (Joana d’Arc)

— Par Janine Bailly —

Le festival d’Almada ne se limite pas à une forme de spectacle, mais se déploie de la performance exceptionnelle abondamment commentée et saluée d’Isabelle Huppert, dans Mary disse o que disse, jusqu’à des créations plus intimes, pièces sans afféteries, sans déploiements excessifs de décors ni vidéos projetées, mais extrêmement belles, nécessaires et touchantes dans leur volontaire dénuement.

Qui ne connaît, n’a lu, ou n’a eu écho du texte de Primo Levi intitulé « Si c’est un homme », « Se isto é um homem », « Se questo è un uomo ». Le titre de l’ouvrage est extrait du poème Shema, écrit sur une plaque commémorative à Livourne, et qui appelle à la transmission, aux générations futures, de la mémoire de l’holocauste. Témoignage autobiographique, essentiel à notre époque de recrudescence en certains pays de mouvements fascistes ou antisémites ou d’extrême-droite, le livre est considéré comme un des plus importants du vingtième siècle. L’auteur se souvient, suscite la mémoire vive de son internement, parle de sa survie dans le camp d’extermination d’Auschwitz, où il fut déporté et détenu de février 1944 jusqu’à la libération du camp en janvier 1945, après avoir été arrêté parce que membre de la résistance italienne au fascisme.

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À Almada, une question essentielle  : « De quoi sommes-nous faits ?! »

— par Janine Bailly —

Une des qualités du festival d’Almada, et non des moindres, est de faire se rencontrer, sans avoir aucunement à craindre la comparaison, le théâtre lusophone dans sa contemporanéité et les théâtres différents venus d’autres pays, théâtres émergés d’autres continents, certains nous disant être pour la première fois invités hors de leur pays d’origine. Ainsi la proposition « Do que é que somos feitos ?!, De quoi sommes-nous faits ?! », nous est offerte par la « Compagnie 1ER Temps » originaire de Dakar et jointe à la « Compagnie ABC » de Paris. Une création riche de sens, et qui comme tout bon spectacle, ne se donne pas dans l’instant à comprendre tout entière. 

La danseuse Clarisse Sagna, le guitariste Press Mayindou, l’écrivain et pédagogue Kouam Tawa, le danseur chorégraphe Andréya Ouamba composent, sur la mise en scène de Catherine Boskowitz, une sorte d’opéra-rock baroque et déjanté pour nous parler de choses graves et sérieuses, du Congo ou du Sénégal, pour nous dire l’Afrique comme elle va, nous dire aussi le monde dans toutes ses blessures mal cicatrisées comme dans ses problèmes actuels, montée des extrêmes-droites, émergence de nouveaux dictateurs, obéissance aveugle des peuples…

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Festival d’Almada : dernières nouvelles de la guerre !

— par Janine Bailly —

« Guerra et terebintina, Guerre et térébenthine »

Venue de Bruxelles, la Needcompany présente, dans une adaptation et mise en scène de Jan Lauwers, la pièce « Guerra et terebintina, Guerre et térébenthine » tirée du roman éponyme que publia en 2014 Stefan Hertmans, qui obtint un vif succès et fut vite traduit en diverses langues. Sa genèse particulière se fit quand Jan, dans les années quatre-vingts, reçut de son grand-père les deux cahiers dans lesquels il avait, au cours des dix-sept années suivant le traumatisme de la Première Guerre Mondiale, relaté sa vie avec obstination et grande fidélité. Le spectacle, qui travaille sur la mémoire, intime et collective, comporte trois périodes, une première évoquant l’enfance du grand-père Urbain Martien, la deuxième figurant la guerre de tranchées à laquelle il participa, la troisième relatant la dernière période de sa vie, sentimentale, picturale et familiale.

Une mise en scène originale et efficace, une scénographie travaillée, une tension constante se révèlent propres à soutenir d’un bout à l’autre notre attention, comme à faire surgir notre émotion. Le plateau est partagé en deux espaces distincts.

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Au festival d’Almada : des difficultés du vivre en famille

— par Janine Bailly —

« Franito », « Lovers – Vencedores », « Un impossible amour, Um amor impossível »

Patrice Thibaud et Jean-Marc Bihour, à l’origine au théâtre de Nîmes en France, puis au théâtre de Chaillot ont créé « Franito », pièce au titre éponyme du prénom donné à l’un des deux acteurs, celui qui aussi est danseur, le troisième présent sur scène étant le guitariste. Et c’est un double propos qui nous est tenu puisque nous découvrons, au rythme du flamenco andalou qui sous-tend l’ensemble, le conflit générationnel entre mère et fils autant que les dérives d’un système matriarcal en pays de tradition et culture latines, un système fécondé dans l’utérus féminin. Le fait que le rôle de la mère soit tenu par un comédien corpulent mais de corps souple, emperruqué, aux mimiques exagérément expressives, ajoute à la dimension critique qui pourrait ressortir au grotesque dans les allusions sexuelles par exemple, mais sans jamais tomber dans l’excès de caricature. Tendre et touchant, le portrait  ne saurait cependant se résoudre d’autre façon que par la disparition de la mère, sa tête repliée sur la poitrine opulente après que le prénom de Franito aura été sur tous les tons repris en leitmotiv.

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Au Festival d’Almada : un théâtre d’engagements

— par Janine Bailly —

« As três sozinhas » (Les trois toutes seules), « Un poyo rojo » (Uma luta de galos : un combat de coqs)

Au cœur de l’été, se divertir mais aussi parler de nos engagements, tel semble bien être le but de ce festival pas tout à fait comme les autres. Chaleureux, mêlant les publics de tous âges, qu’ils soient novices ou habitués des salles de théâtre, il offre en plein air des conférences et rencontres de proximité avec les metteurs en scène, allie aux scènes traditionnelles un plateau improvisé sous les étoiles dans l’atrium d’une école — le « Palco Grande » de « Escola D. António da Costa » —, et la cour en est aménagée en un espace de restauration qui reste ouvert dans la douceur des premières heures de la nuit. Bien sûr, pour assister à ce festival, il est nécessaire de connaître un tant soit peu la langue portugaise, les spectacles venus d’ailleurs étant sur-titrés en cet idiome. Mais passé cet obstacle, et si l’on peut se renseigner aussi dans la presse qui couvre l’événement, c’est là une occasion de découvrir des formes théâtrales venues d’ailleurs, des mises en scène singulières, des textes inédits autant que des classiques, qu’ils soient respectés ou revisités à l’aune de notre actualité.

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Au Festival International de Théâtre d’Almada : « Provisional Figures, Números Provisórios »

— par Janine Bailly —

Le théâtre, comme témoin de notre temps. Le théâtre pour faire bouger les lignes et réorganiser le monde… C’est à cette généreuse utopie que nous convie entre autres choses le trente-sixième Festival International d’Almada. Et s’il s’avère que cette utopie n’est présentement guère réalisable, il est bon qu’en revanche notre émotion, au sortir des salles de spectacle, ne reste pas une fois les portes refermées sentiment stérile, mais qu’elle nous incite à réfléchir ou peut-être même à changer nos comportements, par trop insouciants et trop souvent entachés d’égoïsme. Du moins est-ce ce en quoi veut croire Marco Martins, cinéaste et metteur en scène portugais formé auprès de personnalités aussi prestigieuses que Wim Wenders, Manoel de Oliveira, João Canijo ou Bertrand Tavernier. Un artiste qui par ses créations entend dénoncer « les atrocités d’une certaine réalité humaine ». Ainsi que le dit le grand comédien metteur en scène portugais Luis Miguel Cintra, qu’importe si la répercussion sur le public est infime : si elle modifie quelque chose en ceux qui furent spectateurs, alors ils « raconteront cela à d’autres, auront au moins une manière de se comporter différente… »

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Un mercredi solidaire et convivial au pavillon Bougenot

— par Janine Bailly —

Ce mercredi 5 juin, le Pavillon Bougenot qui abrite à l’étage « L’Espace Lecture-Écriture Pour Déficients Visuels », accueillait en son rez-de-chaussée, sous l’aile de la responsable Nadine Léopoldie et sous l’égide de la Bibliothèque Schœlcher, un public nombreux désireux de partager le bel hommage rendu, en ce mois qui verra la Fête de la Musique, à Maurice et Thierry Jallier : père et fils, promoteurs et défenseurs du patrimoine musical et artistique martiniquais.

Si ces réunions régulières sont toujours des moments exceptionnels de convivialité et de partage, celle d’aujourd’hui se révéla particulièrement émouvante, Thierry étant présent et représentant aussi son père Maurice, absent en raison de son grand âge et de sa santé. Tous deux déficients visuels, ils prouvent par leur engagement sans failles, leur créativité, leur solidarité agissante, que « perdre la vue n’est pas perdre la vie, sans la vue la vie n’est pas finie », que volonté, courage et désir d’avenir peuvent guider nos pas, qui que nous soyons et quelles que soient nos difficultés. À la jolie question d’un adolescent présent dans la salle « Êtes-vous heureux ? 

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Le monde, par-delà les couleurs (2) : « Invisible(s) »

Exposition Philippe Alexandre jusqu’au 13 juillet 2019

 — par Janine Bailly —

Espace d’Art contemporain 14°N 61°W

À Fort-de-France, dire, se dire. Ou dire le monde en soi. Ou dire les autres dans le monde et le monde en eux. Se tenir face aux autres, au milieu d’eux, et les regarder. Puis les décrire depuis ce centre, les écrire, en mots, en images qu’elles soient peintures ou dessins. Convier presque exclusivement le noir et le blanc. Appréhender le monde par-delà les couleurs, et par le prisme privilégié de l’être humain.

« Invisible(s) », le titre par sa parenthèse ouvre au double sens. Le singulier dirait qu’autour de nous, au-delà du visible le monde est mystère, qu’il est des choses que nous ne saurions voir. Le pluriel nommerait des femmes et des hommes, de ces êtres qu’on ne voit pas, que l’on côtoie sans les regarder, sans deviner leur présence silencieuse. De ces êtres de l’ombre, sur qui la société ne porte ni ses yeux ni ses bienfaits ni sa lumière, auxquels elle ne tend ni l’oreille ni la main, et qui auraient cependant beaucoup à nous dire, beaucoup à nous apprendre.

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Le monde, par-delà les couleurs (1): Nicolas Derné

Galerie André Arsenic, à Tropiques-Atrium, jusqu’au 29 juin 

— par Janine Bailly —

Se tenir tantôt au centre de la Fête, tantôt à sa périphérie : « Oui, c’est ça, accoudé à la fenêtre… ». Pour dire les autres, les regarder et les prendre dans les rets de l’objectif. Les emprisonner ou les libérer ? Leur donner en noir et blanc un nouveau lieu d’existence, les immortaliser peut-être. Ainsi fait le photographe. Et le visiteur à son tour reçoit, comprend ou s’interroge. Enchanté ou perplexe, il prolonge encore par sa lecture, personnelle et secrète, cette vie supplémentaire qui leur a été accordée.

« Parades », tissées donc en noir et blanc. Le titre évoque le défilé, le vidé antillais, le peuple descendu dans la rue, jusqu’à la nuit tombée, et qui a osé jeter son bonnet par-dessus les moulins ! La cérémonie ostentatoire, peut-être aussi le rite renouvelé. La tradition du Carnaval caribéen sera ici revivifiée, et s’il nous incombe d’en recréer les couleurs, libre à nous de garder la bichromie, comme on préfèrerait à la photographie son négatif, ou à l’endroit, l’envers des choses.

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Alain Joséphine, « Habiter l’Espace »

— par Janine Bailly —

Se dire, dire l’espace, se dire dans l’espace. En couleurs, dans l’ombre et la lumière. Par la photographie, la peinture, l’écriture. Avec des pinceaux, des balais. De la toile, du papier. De l’acrylique et de l’huile, du brou de noix, de l’encre de Chine, des crayons de couleur… Avec son corps, son regard, avec toutes les sensations, vécues et fantasmées.

À la Galerie La Véranda de Tropiques Atrium, Alain Joséphine donne à appréhender la nature, celle de la Martinique natale, dans sa force de vie, ses paysages, sa plénitude et ses tourments. Ses grandes œuvres restent sans titre, en diptyques parfois comme s’il fallait, pour « habiter l’espace » sur la toile, dépasser les limites d’un cadre, ou d’une surface donnée. Pas d’encadrement d’ailleurs pour celles-ci, à la différence des petits formats sur papier, qui saisissant un morceau plus fragile d’univers et de temps, ont besoin d’être  assurés dans les limites du cadre. Les grands formats sont pour moi plus chargés d’émotions, j’y ressens davantage ce que disent ces mots, presqu’en forme de haïku, écrits à l’un des murs de la salle : « Autour de moi / Profondes et pures / Mille épiphanies ».

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« Cendrillon » , version Pommerat adoptée/adaptée par Widad Amra 

— par Janine Bailly —

Sous l’égide de Widad Amra, organisatrice de l’Atelier théâtre, et de sa complice de cette année, Rita Ravier comédienne et danseuse, les élèves du Couvent de Cluny ont donné sur la scène de leur établissement une bien plaisante adaptation de la pièce écrite par Joël Pommerat, Cendrillon, palimpseste de ce conte traditionnel qui a bercé nos enfances. Après s’être « attaqué » au Petit Chaperon Rouge, puis à Pinocchio, c’est cette histoire populaire tellement connue, venue du fond des temps et récrite par Charles Perrault ou par les frères Grimm, que le dramaturge a déconstruite, mettant l’accent sur la question du deuil. Comment accepter de vivre après la perte d’un être cher, et plus encore si l’on est un enfant et que la personne disparue est votre mère ? On se souvient au cinéma de la Ponette de Jacques Doillon. Recentré sur cette idée essentielle, mais aussi sur les rapports au sein de la famille recomposée, le texte permet aux adolescents d’interpréter avec justesse une histoire qui ne leur est pas tout à fait étrangère. Et la structure du conte, si on la conserve,  permet de donner une version qui ne soit pas à priori tragique, mais qui dise les choses graves en les habillant d’un humour savamment distillé.

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À la BU du Campus, l’art singulier de la performance

— par Janine Bailly —

Étant novice en la matière, au sortir de la manifestation qui eut lieu ce mardi à la Bibliothèque universitaire, je suis allée chercher quelque lumière dans Wikipédia. Il nous est dit que : « Une performance artistique est une action comportementale entreprise par un ou des artistes, face à un public… c’est une tradition interdisciplinaire qui trouve son origine dans des pratiques artistiques d’avant-garde de la première moitié du XX° siècle …». 

La performance, improvisée ou non, en solitaire ou à plusieurs, peut se produire dans les lieux les plus divers tels que rues, galeries, musées, espaces alternatifs, ici donc les salles du rez-de-chaussée de la bibliothèque universitaire.

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Mon week-end caribéen

— par Janine Bailly —

Les îles ne sont pas ce qu’on pourrait être tenté de croire en regardant déferler aux débarcadères les touristes que vomissent par milliers les ventres de gigantesques paquebots. S’il est vrai qu’il y a comme le dit la chanson, « le ciel, le soleil et la mer », que la luxuriance de la nature, la beauté des plages et des jardins tropicaux, la chaleur du rhum sur les habitations ont des attraits incontestables, il est loisible à chacun de trouver à la Martinique d’autres occupations conformes à d’autres goûts. Ce week-end, outre qu’il était celui de « La nuit européenne des Musées », s’est montré si riche en propositions singulières qu’il fallut bien faire un choix.

« Manmzèl Julie » :

Vendredi soir, au Centre culturel de Basse-Gondeau, séance de rattrapage pour ceux qui n’avaient pu voir « Manmzèl Julie » en juin dernier. La pièce est une « variation caribéenne » à partir de l’œuvre de Strindberg, variation imaginée par Jean-Durosier Desrivières et mise en scène par Hervé Deluge, qui y tient aussi le rôle de Monsieur Jean. Trois personnages dans le huis-clos nocturne d’une cuisine, sur l’habitation du « Vénérable », Monsieur Auguste, qu’on ne verra pas mais qui est là, présence en creux qui conditionne, qu’ils en soient ou non conscients, les comportements de Jean son majordome, de Kristin sa cuisinière, et de celle qui croyant être la maîtresse du jeu se piègera à ses propres filets, sa fille Manmzèl Julie.

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« Abeilles », de l’intime à l’universel

— par Janine Bailly —

Représentée une seule fois hélas à Tropiques-Atrium, la pièce « Abeilles » semblerait ressortir d’un théâtre de l’intime, et pourtant elle prend une résonance universelle tant elle touche à ce qui en nous reste primordial et constitutif de notre être au monde, je veux dire la famille, qu’on y soit fidèle ou qu’on s’en éloigne, ou que la vie contre notre gré nous en sépare.

Dans un décor minimaliste, ils seront quatre, quatre à se débattre, avec leurs sentiments, leur amours et leurs haines si proches, avec leurs fantômes et leurs rêves, avec les contingences matérielles aussi, auxquelles nul n’échappe, moins encore si l’on est d’un milieu modeste, que le père de famille, venu d’ailleurs, se retrouve désormais sans emploi — jamais on ne nous précisera le nom d’un pays d’origine, ce qui compte étant la notion d’exil —, que la mère doit se lever aux aurores pour un métier que l’on pressent humble et difficile, et que le fils, dans l’espoir d’échapper à la prédestination sociale, a choisi d’exercer une profession rémunératrice parce que dangereuse.

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Le Jardin d’Alphonse,  ou la vertu des règlements de comptes !

— par Janine Bailly —

Le théâtre semble fertile en œuvres qui prennent pour lieu de confrontation la famille, qui plus est si elle se voit réunie autour de la table d’un repas. Que l’occasion en soit noces, retrouvailles ou funérailles. La troupe Courtes Lignes a judicieusement choisi, dans ce vivier, une pièce où elle peut donner libre cours à tout son savoir-faire, hérité du théâtre de boulevard. Loin de l’adaptation pour la scène du film Festen de Vinterberg, loin des arcanes subtiles d’un Jean-Luc Lagarce ou d’une Yasmina Reza, plus proche du Dîner de famille visible en ce moment au Café de la Gare, la troupe nous revient cette année de Guadeloupe avec Le Jardin d’Alphonse, comédie écrite, montée et jouée initialement à Paris par Didier Caron lui-même ; un dramaturge contemporain qui selon l’expression populaire, ne fait pas toujours dans la dentelle, encore que son opus Fausse note, vu dans l’interprétation de Tom Novembre et Christophe Malavoy, m’ait paru beaucoup plus subtil que ce Jardin d’Alphonse… jardin fleuri d’hortensias bretons, avec ou sans parfum (sic) et de surcroît représentés sans relief sur leur support…

Courtes Lignes, riche de ses neuf interprètes, les uns bien connus du public martiniquais et fort aguerris, les autres plus novices dans leur approche de la scène mais compensant cela par une belle fougue, a donc porté avec allégresse sur la scène du Théâtre Aimé Césaire cette comédie de mœurs contemporaine.

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« Sergio et Sergeï » & « Arythmie »

Sergio et Sergeï — Arythmie

— par Janine Bailly —

Les séances VO de Madiana n’ont qu’un défaut, celui de présenter un film sur une ou deux séances seulement, de sorte que si vous souffrez ces soirs-là d’un quelconque empêchement, vous vous voyez privés de projections particulièrement intéressantes… Entre les deux œuvres vues cette semaine, il était facile de faire un lien, et les programmer l’une après l’autre était une bonne idée, l’Union soviétique devenue Russie étant une de leur composantes communes.

Pour Sergio et Sergeï, Ernesto Daranas, réalisateur et scénariste cubain, s’est inspiré d’une histoire vraie, à partir de laquelle il a bâti, entre sérieux et humour de bon aloi, une fiction qui se déroule dans ces quartiers de La Havane où des immeubles délabrés, autrefois plus flamboyants, abritaient des familles extraordinairement courageuses en ces temps dits de « période spéciale ». On y vivait  en partie sur les terrasses, établissant d’une maison à l’autre des liens d’amitié et d’entraide. Le metteur en scène fait lui-même le point sur le thème traité : « C’est vrai que plusieurs radioamateurs ont contacté différentes stations spatiales et qu’un équipage soviétique a vécu la transition de l’URSS vers la Russie dans l’espace. 

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Festival de théâtre amateur, première mi-temps : des forces et des faiblesses

— par Janine Bailly —

Deux semaines déjà, pour cette Douzième Rencontre de Théâtre Amateur au Théâtre Aimé Césaire, deux spectacles dissemblables, et qui ont cependant en commun de nous peindre les vices, les travers et les failles de la société des hommes, que cela soit au dix-septième ou au vingtième siècle, en France ou au Royaume-Uni. Un voyage enrichissant dans les textes, de Molière à Pinter, d’autrefois à maintenant. À la redécouverte de l’avant-dernière pièce de Molière, Les Femmes savantes, où nous entraînent avec une belle énergie « Les Comédiens » de Julie Mauduech. À la découverte de Sept pièces courtes de Harold Pinter, à laquelle nous convie la troupe des « Buv’Art » sous la houlette éclairée de Laurence Aurry. 

Le grand mérite du spectacle donné par Les Comédiens est de nous avoir fait entendre de façon généralement claire et audible des alexandrins, chose assez rare il faut le dire sur les scènes de Martinique. S’est vue ainsi confortée l’idée que les comédies de Molière, quels qu’en soient les choix de mise en scène, de scénographie et de costume, sont bien intemporelles, et toujours génératrices de rires autant que de réflexion.

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Au théâtre, « Poussière(s) » : laissez-nous rêver encore !

— par Janine Bailly —

Il nous est dit que pour écrire « Poussière(s) », Caroline Stella s’est inspirée des contes populaires de Grimm, qu’il y a donc dans son texte citations, reprises ou détournements. Quand bien même nous pensons avoir gardé un peu de notre âme d’enfant, la vie est passée sur nous, et les adultes que nous sommes devenus ne peuvent s’empêcher de les traquer, ces références littéraires. Alors qu’il suffirait de se laisser porter par l’énergie débordante de ce court spectacle d’à peine une heure, rythmé par un musicien hors pair, qui joue de son corps aussi bien que d’un tambour, d’un harmonica et d’une guitare. Avec en point de repères liés à l’univers enchanté et cruel du conte : le moulin, la haute tour à enfermer des princesses ordinairement aux longs cheveux blonds, le voyage initiatique en découverte et de soi-même et du monde, le fruit que l’on croque, des bottes de sept lieues, une blanche robe de noce, une fille jeune et belle qu’un père autoritaire prétend marier selon ses propres désirs,… En début de spectacle cependant, un petit film projeté évoque sans ambiguïté « Les Musiciens de Brême », faisant défiler âne, chien, chat et coq en chemin vers la maison des voleurs, tout petit film en taille et en durée, annonciateur de l’odyssée de Poussière.

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Nelson-Rafaell Madel, ou Seulaumonde, à la vie à la mort !

— par Janine Bailly —

Il est assis tout au bord, tout au coin côté cour de la scène, immobile, comme une sombre statue qui dans la pénombre  attendrait de prendre vie. Ou de mourir. Il est là déjà, alors que nous nous installons, qu’avec les amis retrouvés nous échangeons quelques derniers potins… un sas qui nous fera passer du monde extérieur à l’autre univers, magique, celui de la représentation théâtrale. Et puis les voix s’apaisent, laissant la sienne seule envahir les airs, puisque seul en scène il sera ; de son corps agile, tendre ou courroucé s’appropriant peu à peu tout l’espace du plateau. 

Le voici qui se lève et marche jusqu’à cette chaise, sur le devant de la scène seule elle aussi, unique accessoire, unique compagne qu’il déplacera au gré de ses confidences, de ses colères, de ses réminiscences. D’abord il nous fait face et narre en un langage simple et familier une histoire plutôt banale, celle d’un voyage low cost qui aurait pu mal se terminer, histoire de turbulences aériennes autant qu’intimes, incident qui lui aura permis d’appréhender la mort, la certitude que face à elle et à la peur qu’elle inspire on se retrouve toujours seul — encore que cette dernière ne survienne brutalement pour lui qu’un an après ce premier épisode.

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« Demain, je pars pour Tlemcen » : vers une relève théâtrale !

— par Janine Bailly —

Chaque année, les Crous organisent un concours national de théâtre étudiant, en partenariat avec l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, le Crous d’Aix-Marseille et le Théâtre Universitaire de Nancy. C’est dans ce cadre que Karine Bénac et sa troupe « d’étudiants-acteurs » au Campus de Schœlcher nous ont présenté ce jeudi leur création « Demain, je pars pour Tlemcen », sujet en même temps d’une captation vidéo exigée par le règlement dudit concours.

Sur la scène improvisée de l’amphithéâtre Michel Louis, délimitée simplement par deux paravents dépliés, occupée en son centre par un vieux canapé qui sera le point d’appui et le repère des déplacements, quatre filles et deux garçons, que l’on a sentis profondément investis dans ce travail, ont interprété la pièce avec un bel enthousiasme, une énergie communicative, et leurs mots ont su garder ce parfum d’authenticité nécessaire à la vraisemblance du propos, cette spontanéité des débutants un peu débridée mais propre à entraîner l’adhésion du public. Le texte, écrit par Karine elle-même, et publié chez Epiderme (Théâtre), s’avère riche de sens dans sa complexité ; comme ambiguë et complexe s’avère aussi la recherche de sa propre identité pour celle-ci ou celui-là qui, en raison de son histoire familiale, se voit partagé entre deux pays, deux langues, deux cultures à assumer ou à aimer, en tout cas difficiles à faire cohabiter !

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Aux RCM : à voir ou à revoir, « Miraï, ma petite sœur »

Jeudi 28 mars, 16 heures à Madiana

— par Janine Bailly —

« Miraï, ma petite sœur », du Japonais Mamoru Hosoda, déjà vu cette année dans la séance VO de Madiana, est ciselé comme un petit bijou, chaque dessin si minutieusement réalisé que les personnages acquièrent sur l’écran une véritable profondeur, et qu’on se laisse attendrir par l’histoire de Kun, ce petit garçon dont la vie est troublée par la venue au sein de la famille d’un bébé, la petite sœur, nouvel objet de l’affection et de l’attention parentales. Comment partager ce qui n’était jusqu’alors qu’à soi ? Comment vaincre ce sentiment qui fait mal agir, et qui se nomme jalousie ? Caprices, colères, gestes mauvais envers l’intruse dans son berceau, tout sera bon pour manifester son dépit, pour aussi faire que se porte à nouveau sur soi le regard de Papa et Maman.

Mais l’enfant n’est pas seul responsable de ces débordements, la maladresse des adultes le confortant dans sa révolte : plutôt que de lui expliquer, sereine, la fragilité du bébé, Maman retire vivement Miraï du berceau alors que le garçon croyait pouvoir jouer avec elle, lui montrer ses trains-miniatures ou ses livres de sorcières.

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Mon dimanche aux RCM : richesse et variété

— par Janine Bailly —

Temps gris et pluvieux, le ciel lui-même nous incite à délaisser la plage  dominicale pour trouver refuge aux RCM. Ne pas tout voir sans doute, à trop accumuler d’images on risquerait de ne plus les apprécier : il faut bien se résigner à sa propre sélection, et faire comme chaque année sa moisson singulière de films ! 

« UNTI, les origines » :

Un documentaire d’abord, dans le cadre de l’action « Ciné O » qui l’an passé nous avait offert « La vie des arbres ». Venu de Guyane, réalisé de façon très personnelle par Christophe Yanumawa Pierre, lui-même appartenant au peuple Kali’na, le 56 minutes « UNTI, les origines », écrit dans la langue vernaculaire et sous-titré en français, prouve qu’on peut faire du documentaire bien autre chose qu’un simple film informatif. Entre réflexion et poésie, le réalisateur autodidacte fait appel à notre intelligence autant qu’à notre sensibilité, dans le souci de se dire, de dire les siens et de nous alerter sur les dysfonctionnements tragiques de cette partie du monde. Le film est un lent voyage, où l’on sait prendre son temps, voyage sur l’eau du fleuve, qui conduit de la plage d’Awala aux mythiques Tumuc-Humac, éloge à la fois du mouvement nécessaire à la survie et de la contemplation qui mène vers son moi intérieur.

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« Choisir de vivre » : le dur chemin vers soi-même

— Par Janine Bailly —

Le rideau s’ouvre, l’actrice nous donne le dos, vêtue d’une simple nuisette bleue, comme crucifiée au demi-mur blanc qui partage le plateau. Comme attachée sur l’ombre d’une croix. Le ton est d’emblée donné, c’est un chemin bordé d’épines qu’il va falloir suivre. Au bout duquel, si on ne trouve pas « un jardin de roses », on pourra se satisfaire « d’un jardin de géraniums ». Un chemin corporel et spirituel en même temps. Dans Nathalie Mann, on verra et entendra, pour dire la vie de celle qui a acquis si chèrement sa nouvelle identité, ce couple infernal Thierry/Mathilde qui pendant plus de cinquante années a déchiré l’âme et faussé l’être au monde de Thierry Daudet. Lui donnant le sentiment de n’être pas lui-même, mais seulement ce que la société, ce que la famille, ce que l’église — n’a-t-on pas un jour conduit le garçon à l’exorciste de Notre-Dame ? — avaient « gravé sur sa carte-mère ». Lui laissant l’impression de n’avoir vécu qu’en déséquilibre, « sur la crête ».

Ce monologue lourd à porter sans doute, on ne peut le jouer et l’adresser à une salle peu habituée à ce que sur la scène ce sujet responsable de tant de vaines controverses soit abordé, qu’après l’avoir mûri en soi, l’avoir somme toute digéré, et se montrer capable de le restituer avec conviction, sans fausse pudeur mais aussi sans inutile exhibitionnisme.

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« Compartiment fumeuses » : Où les bonnes intentions ne suffisent pas.

— par Janine Bailly —

Déception pour moi que ce spectacle, dont j’espérais beaucoup, en raison des thèmes qu’il aborde, des critiques louangeuses qui suivirent sa présentation au Studio Hébertot dirigé par Sylvia Roux elle-même, du renom aussi de Bérengère Dautun qui à la Comédie Française fit une longue et belle carrière… Les deux autres comédiennes, j’avoue humblement n’avoir pas eu par avant l’occasion de les connaître sur scène.

La pièce a pour mérite de parler des femmes dans un contexte particulier, celui d’une cellule de prison. De deux femmes si dissemblables, et pourtant traitées d’égale façon par les hommes ; violentées toutes deux par une société aveugle, dont les yeux commencent seulement à se dessiller, et qui trop souvent encore campe sur ses positions ! Un choix qui permet de croiser différentes problématiques, certaines étant plus particulièrement dans l’air du temps, d’autres s’avérant plus intemporelles.

Il nous sera parlé des violences faites aux femmes donc, violences faites à l’extérieur dans ce « dehors » désormais  interdit, violences faites autant à l’intérieur entre les quatre murs gris d’une cellule, dont le « cinquième» serait cette matonne  contre qui se fracasseraient les vagues de la révolte.

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Les Buv’Art et Simone Veil :  une proposition de choix pour un 8 mars !

— Par Janine Bailly —

Simone Veil, ministre de la Santé, icône en 1974 de la lutte pour la dépénalisation de l’avortement, ne se revendiquait pas du mouvement féministe, mais prouvait plutôt que l’on peut être féministe sans être militante. Si la loi promulguée alors permettait « l’avortement après une autorisation d’un expert et une autorisation obligatoire des parents pour les mineures », elle parut à certains, parce qu’assortie de ces restrictions, insuffisante. La loi IVG, telle que présentée, instaurait l’avortement comme « une solution ultime, d’urgence, loin de la libération du corps des femmes ». (Rokhaya Diallo, journaliste). Il n’en reste pas moins que Simone Veil, par son combat acharné au sein de cet antre de fauves qu’était — que reste encore ? — l’Assemblée Nationale, a fait progresser considérablement la condition des femmes, à une époque où il devenait urgent de faire cesser le drame des avortements clandestins. Si l’on n’est plus aujourd’hui condamnée en raison d’un engagement féministe, à l’exemple d’Olympe de Gouges, guillotinée en 1793 pour avoir rédigé le pastiche dénommé « Déclaration des droits des femmes et de la citoyenne », si Simone Veil est aujourd’hui entrée au Panthéon, il n’en demeure pas moins vrai que dans ce domaine, et comme on a pu le constater récemment, beaucoup reste encore à faire…

C’est pourquoi, alors que “le premier prix Simone-Veil pour l’égalité hommes-femmes” vient d’être remis à la Camerounaise Aissa Doumara Ngatansou, militante dans son pays contre les violences faites aux femmes, viols ou mariages forcés, il était judicieux de voir la troupe des Buv’Art reprendre ce 8 mars, sur la scène du Théâtre Aimé Césaire, la pièce d’actualité « Et pendant ce temps Simone Veille ».

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