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Au Festival d’Almada, « Ventos do apocalipse », de Noé João

Teatro Griot et Artistas Unidos, Lisboa : Un théâtre essentiellement visuel

–– Par Janine Bailly –-

Parlant de la perception du langage, le dramaturge Harold Pinter, passé maître dans l’art d’épuiser et tordre le sens des mots, tint un jour cette affirmation : « Ce que nous entendons est une indication de ce que nous n’entendons pas ». Une définition que l’on pourrait aussi bien appliquer au spectacle Ventos do apocalipse, puisque les très courts passages dialogués, souvent répétitifs, suffisent à ce que le spectateur construise, autour des quatre corps qui, le plus souvent mutiques, évoluent sous ses yeux, construise en sa pensée toute une histoire de guerre, d’exil, de bruit et de fureur. 

Prenant appui sur le roman éponyme de Paulina Chiziane – première femme mozambicaine à être publiée, première autrice africaine à recevoir en 2021, le Prix Camões, la plus importante distinction littéraire du monde lusophone –, le metteur en scène angolais Noé João bâtit un court spectacle étrange, entre danse, musique et théâtre, qui pour être reçu, compris et apprécié, nous demande en quelque sorte de lâcher prise : il ne s’agissait pas, selon Noé João, d’adapter, dans ce qui serait devenu un texte construit pour la scène, cette œuvre dense inspirée de la guerre civile, ce roman au « scénario dantesque », écrit en « paroles fortes crues, incisives, dilacérantes ».

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Festival d’Almada : Le Théâtre, pour rire, penser, grandir !

Au quarantième Festival d’Almada, huit créations portugaises côtoient douze productions internationales.

— Par Janine Bailly —

Toujours semblable et toujours différent, inscrit dans la durée ou dans l’éphémère du temps, qu’il soit corseté de classique ou tout ébouriffé d’avant-garde, le théâtre reste, en ces saisons troublées plus encore que jamais, une nécessité que je dirais vitale… Parce qu’il lie le passé au présent, le présent au futur, qu’il se fortifie de nos racines mais aussi de nos imaginaires, il nous ouvre les portes du monde, nous initie à d’autres pensées, établit, entre les hommes et chacun de nous, de nécessaires liens et connivences.

L’été revenu, le spectre du Covid éloigné, les festivals battent derechef leur plein. Et les aficionados de courir, anxieux, dans la cité avignonnaise toute couturée d’affiches qui souvent défigurent les vieux murs, courir d’une salle à l’autre, d’un spectacle à l’autre, d’une découverte à l’autre… Loin de ce flux impétueux, il est aussi à Almada, en ce mois de juillet, un Festival international de théâtre, le plus important du Portugal, qui en dépit de sa renommée et de ses succès a su garder sérénité, intelligence, et visage humain.

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Au Théâtre National de Bretagne, « Girls and Boys », de Dennis Kelly

Portrait de femme dans l’air du temps, une histoire d’aujourd’hui !

-–-Par Janine Bailly ––

Deux femmes, que lors du bord de scène nous sentirons unies dans une belle complicité. La première, Chloé Dabert, directrice de la Comédie de Reims, responsable ici d’une mise en scène aussi intelligente qu’efficace. La deuxième, Bénédicte Cerutti, actrice criante d’authenticité, si proche de nous en jeans petit haut chemise queue de cheval et bottines, toute pétrie de sourires et de pleurs retenus, – mais les larmes à la fin seront libérées – toute en cris et en silences, invectives et mots tendres, en cela capable de nous transmettre les émotions puissantes que génère ce monologue, où chaque mot porte son poids d’humanité dans ce qu’elle peut enfermer de beau et de tragique, de bonheur et de malheur, d’espoir et de désespoir, de cruauté aussi… parfois… souvent ! Deux femmes donc pour porter sur leurs épaules ce Girls and Boys, ce texte difficile, oscillant entre humour rose, humour noir et drame, comédie et tragédie, et que l’auteur britannique Dennis Kelly écrivit en 2018. 

De ce dernier, notre contemporain né à Londres en 1970, et qui porte sur nos sociétés occidentales un regard lucide et acéré, les critiques disent volontiers qu’il serait « l’héritier du théâtre “in yer face”, un courant du théâtre anglais des années 90, dans le sillage d’Antonin Artaud », et pour lequel on cite Sarah Kane, Martin Crimp, Mark Ravenhill…

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« Comme tu me veux » : la version de Stéphane Braunschweig

Portrait d’une femme à la recherche d’elle-même et de sa vérité

–– par Janine Bailly ––

Nous guider ou nous perdre dans le labyrinthe des identités multiples, telle est la mission que Stéphane Braunschweig dit attribuer à ses acteurs lorsqu’il monte à l’Odéon, en janvier 2021, la pièce de Luigi Pirandello, Comme tu me veux, dans sa propre traduction. Un compagnonnage fidèle entre le dramaturge et le metteur en scène, puisque ce dernier a déjà donné au théâtre Vêtir ceux qui sont nus, Six personnages en quête d’auteur et Les Géants de la montagne. Comme tu me veux fait escale au Théâtre National de Bretagne, en ce mois de février 2023, et c’est un bien que les spectacles sortent de leur pré carré parisien et voyagent jusque dans nos “provinces”…

Nous perdre, la comédienne Chloé Réjon, qui incarne l’Inconnue, – jamais explicitement nommée, mais à qui seront attribués dans l’histoire deux prénoms différents –, figure centrale, omniprésente sur scène, toute en mouvements, errements et émotions diverses, s’y attache et y parvient sans peine. Quand se clôt la représentation, nul ne saurait affirmer avec certitude qui est cette Femme, le spectateur pas davantage que ses compagnons de jeu.

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 Au TNB, « Ranger », de Pascal Rambert pour Jacques Weber

« Ranger » après « Perdre son sac »,  deuxième partie d’un diptyque sur la vie

–– par Janine Bailly ––

Aux antipodes de Perdre son sac, Pascal Rambert écrit, pour Jacques Weber, un monologue qu’il nomme Ranger, comme ranger ses papiers, trier le bon grain de l’ivraie, dresser un bilan avant de clore le chapitre de la vie. Aux antipodes, car une jeune femme est à l’aurore de sa vie d’adulte, un homme déjà blanchi sous le harnais s’achemine vers la mort ; bâche bleue pour elle en guise de décor, espace ouvert donc, pour lui un plateau transformé en un lieu qui, par son dépouillement, ses lignes géométriques, ses couleurs blanches, ses quelques meubles fonctionnels et ses néons aveuglants, m’évoquera davantage un lieu clinique qu’une chambre d’hôtel, lieu fermé au point que le « quatrième mur » se voit figuré par de fines colonnes entre lesquelles regarder jouer, se déplacer souvent le comédien. Qui arpente le plateau, tout comme il remonte le cours de son existence. Qui s’assied face au cadre enfermant le portrait de l’épouse disparue, et qu’il vient de placer sur la table, côté salon.

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Au TNB : Pascal Rambert et Lyna Khoudri

Comment créer dans une complicité théâtrale assumée

–– Par Janine Bailly ––

Au TNB (Théâtre National de Bretagne), à Rennes, Pascal Rambert nous revient, après Mes frères mis en scène la saison passée par Arthur Nauzyciel, et Dreamers créé avec les comédiennes et comédiens de l’École, promotion 10. Nous revient avec deux monologues, dont nous avons la primeur avant qu’ils ne soient donnés au Théâtre des Bouffes du Nord, en février à Paris, l’un confié à la jeune comédienne Lyna Khoudri, l’autre à Jacques Weber, un grand que l’on ne présente plus !

Perdre son sac, monologue interprété par Lyna Khoudri 

Elle entre, de sa démarche verticale, seule pour emplir l’espace, petit bout de femme brune et fière que d’emblée on devinera déterminée, porteuse d’une parole sans détours ni faux-fuyants. Elle entre et son corps, que l’on sent habité de forces et de fragilités, donne à l’air une densité nouvelle. Corps tout en révoltes. Corps tendu comme un arc.

Elle entre et se pose, s’impose là, sur un rectangle, étroit plateau de jeu au centre de la bâche bleue qui figure le décor, tendue en fond et au sol, si près de nous puisque l’espace scénique n’est pas surélevé, mais se veut au niveau du public.

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Au TNB, « Lavagem », d’Alice Ripoll : comment dire avec le corps

Comment se tenir dans son corps pour dire, se dire, et dire son pays

-— Par Janine Bailly —-

Danse ? Performance ? Pamphlet politique ? Histoire d’un pays, et de soi-même, narrée par le corps ? Toutes les hypothèses sont permises, puisque, dit Alice Ripoll, « les œuvres de danse contemporaine sont abstraites et ouvertes à de multiples interprétations ». Puisqu’elle aime « entendre les spectateurs partager leurs expériences, raconter comment ils ont perçu différemment la pièce, d’une façon qui leur est propre ». Sans nul doute, chacun reconnaîtra que, par elle, un chemin neuf, semé et de fleurs et d’épines, s’ouvre dans le territoire de la danse contemporaine. 

Alice Ripoll ne nous est pas inconnue, nous l’avons découverte au Festival TNB 2021 où elle donnait, avec dix interprètes venus des favelas, la pièce Cria, un «  récit des origines » restitué en « gestes, rebonds, sauts ». Les danseurs, dans la légèreté aussi bien que dans la gravité, nous parlaient d’un pays où tout n’est pas que paillettes et strass de carnaval. Où la dureté de la vie perdure pour une frange trop importante de la population.

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« La Ronde », d’Arthur Schnitzler, vue par Arthur Nauzyciel

—- Par Janine Bailly —-

C’est sans conteste la représentation de La Ronde, dans la mise en scène singulière d’Arthur Nauzyciel, qui marquera l’acmé de ce Festival TNB 2022. Imaginée en 1897, publiée en 1903, censurée en 1904, la pièce de l’écrivain autrichien Arthur Schnitzler ne put – bien qu’ayant été un immense succès littéraire – être créée à Berlin qu’en 1920, à Vienne en 1921. Elle suscita alors de telles critiques et attaques antisémites contre son auteur, traité par la presse viennoise conservatrice de « cochon de littérateur juif », qu’il préféra en interdire lui-même les représentations. Plus tard, le livre serait aussi un des premiers brûlés dans les autodafés nazis.

Arthur Nauzyciel a souvent travaillé hors de France. Répondant à la demande du Théâtre National de Prague, il a monté là-bas La Ronde, avec une troupe d’artistes tchèques, et dans la langue du pays. Ce sont ces mêmes comédiens qui font le voyage et portent de façon parfaitement accomplie, sur la scène rennaise du TNB, la création d’un metteur en scène inspiré. Si le spectacle est sur-titré en français et en anglais, s’il est parfois ardu de lire des phrases écrites un peu longues, si l’on préfère emplir son regard des corps qui évoluent selon ce que je pourrais nommer chorégraphie de déplacements intelligemment orchestrés, il est possible de se laisser séduire et convaincre par la musique d’une langue sans aspérités, presque caressante, entendue comme en un rêve.

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Automne au TNB : un festival arc-en-ciel

— Par Janine Bailly 

Du 16 au 26 novembre, une quinzaine de lieux mettent l’agglomération rennaise à l’heure du spectacle vivant.

Sur la voie royale

Nous voici, selon un rituel bientôt immuable, conviés à Rennes au Festival de rentrée du TNB (Théâtre National de Bretagne). Festival arc-en-ciel car dans sa corbeille cohabitent théâtre, danse, cinéma, musique et art de la performance. Arc-en-ciel car ouvert à des artistes venus de tous horizons. Arc-en-ciel car, curieux et sans craindre la prise de risque, aux côtés de troupes et artistes reconnus le Festival donne à d’autres la chance de se montrer et de conquérir un public toujours présent. Et en tous lieux – puisque la manifestation, loin de s’enfermer dans la seule structure du TNB, voyage en différents quartiers de la ville – c’est plaisir de voir les têtes chenues se mêler à nos “chères têtes blondes”… 

Riche de tant de propositions, le festival oblige à faire des choix, d’autant plus douloureux que certains spectacles affichent très vite “complet”, ceux notamment que louent les revues Télérama ou Les Inrockuptibles ! Cette année, je suis entrée dans la ronde par la “porte étroite”, ma première rencontre avec la scène, initiée par le metteur en scène Ludovic Lagarde, étant tout sauf facile ou complaisante.

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Festival OFF 2022 : instantanés (2 / 2)

Petite sélection des spectacles vus à Avignon, entre légèreté et gravité 

– Par Janine Bailly –

Leurs enfants après eux, d’après Nicolas Mathieu

Adaptée du roman éponyme de Nicolas Mathieu, dont on se souviendra qu’il fut lauréat du Prix Goncourt en 2018, la pièce est mise en scène par Hugo Roux, qui en confie l’interprétation aux jeunes acteurs de sa compagnie Demain dès l’Aube, ex-élèves de l’ENSATT (L’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre).

De cet épais roman, écrit comme un portrait de la Lorraine, qui dans les années quatre-vingt-dix regardait mourir ses derniers hauts fourneaux éteints, de cette région où, reprenant les mots de Bernard Lavilliers, on parlerait de “cheminées muettes, de portails verrouillés, de vieux châteaux forts bouffés par les ronces, le gel et la mort”, Hugo Roux retient en premier ce qui concerne une jeunesse en recherche d’avenir, en mal d’espoir, en quête d’elle-même. 

Il y aura ceux qui partent, et ceux qui resteront, ceux qui iront à la ville y poursuivre des études, et les autres. Mais dans ces étés où l’adulte cherche à percer sous l’adolescent, dans la touffeur des jours étirés, dans les fêtes nocturnes comme dans la langueur d’après-midis torrides à soigner son ennui aux rives plus fraîches et plus intimes d’un lac, chacune et chacun cherche qui aimer, d’amour ou d’amitié.

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Festival OFF 2022 : instantanés (1 / 2)

Une petite sélection hasardeuse et non exhaustive des spectacles vus à Avignon 

–– Par Janine Bailly ––

Les passagers, de Frédéric Krivine

Frédéric Krivine dit s’être senti “hanté” par un fait divers dont Israël a été le théâtre, « la rencontre explosive entre un homme et une femme, un terroriste et une passagère, le premier sauvant la deuxième avant de tuer à l’aveugle ».  De cet épisode tragique, il a fait un huis clos théâtral pour deux personnages, ici mis en scène par Laurent Capelluto.

Emmanuel Salinger en officier de police israélien mène un interrogatoire pervers et sarcastique, en ce sens qu’il suscite, par son intransigeance, l’aveu de ce qu’il sait déjà, ou de ce qu’il pressent après qu’a été menée une enquête minutieuse. Débusquer les mensonges, de part et d’autre ! Le regard bleu se fait d’acier face à Amina, qu’incarne la comédienne chevronnée, Axelle Maricq. Commerçante palestinienne, Amina va poser son étal et vendre son poisson sur la place de Jérusalem, pour ce faire emprunte une ligne de bus fort fréquentée, connaît les arrêts et les fouilles sans raison aux points de passage.

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Avignon 2022 : « Chasser les fantômes », texte Hakim Bah, sur une idée de Sophie Cattani, m.e.s. Antoine Oppenheim

— Par Janine Bailly —

Dans cette pièce contemporaine à deux personnages – le il et le elle – que présente au Théâtre des Halles la Compagnie ildi ! eldi, on redécouvre Nelson-Rafaell Madell, assumant ici le rôle de l’homme dans ce couple mixte dont on suivra la formation, le trop bref chemin de vie, et la dissolution finale. Ainsi que dans Au plus noir de la nuit – adaptation du roman éponyme d’André Brink, par Nelson-Rafaell Madell justement –  l’homme noir est celui qui transgresse la « règle » sociale, et qui doit mourir. Il est venu d’Afrique en Europe sur les pas de la femme blanche, qui fut touriste en son pays mais mais n’y vit qu’une Afrique enchantée et fantasmée. Elle et Lui sont tombés en amour, dans un bal-poussière. Elle est rentrée chez elle, a fait en sorte qu’il la rejoigne de l’autre côté de l’eau. Il espère se construire là un avenir, et l’impossibilité de réaliser ce rêve, comme celle de rentrer dans son pays – et le retour serait un aveu d’échec –, la mort qui s’ensuivra, sont bien le reflet de ce que vivent aujourd’hui nombre d’exilés s’ils parviennent jusqu’en France.

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Au Festival d’Almada : Smashed2 et Se eu fosse Nina

– Par Janine Bailly –

Des femmes bien présentes dans le Festival

Smashed2, par la compagnie londonienne Gandini Juggling

Vivant et coloré, sautillant, léger et enjoué de prime abord, Smashed2, présenté par la troupe de Sean Gandini et Kati Ylä-Hokkala, est un spectacle qu’on ne saurait précisément nommer, qu’on ne saurait ranger dans aucune catégorie définie. Sept femmes, deux hommes, quatre-vingts oranges et sept pastèques pour dérouler une prestation qui allie le jonglage à la danse, le théâtre au cirque, dans une chorégraphie se disant hommage au Tanztheater de Pina Bausch. 

Tout semble dans les premiers moments fort sage et bien classique, mouvements d’ensemble parfaitement réglés pour sept jeunes femmes à la robe assez sage, aux cheveux disciplinés, au maintien tout empreint d’élégance. De jolies ballerines, en somme… Et les deux jongleurs, bien qu’en costume de ville leur présence grise semble un peu incongrue au cœur de ce gynécée, les deux jongleurs donc s’intègrent sans peine apparente à la troupe féminine. Pourtant, quelques gestes, en clin d’œil humoristique, pourraient nous alerter, nous guidant subrepticement vers une autre voie, moins innocente, plus âpre.

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Voir « Ton beau Capitaine », de Simone Schwarz-Bart

Vendredi 14 janvier 18h 30 à Tropiques-Atrium

— Reprise de l’article publié le 15/05/20 par Janine Bailly —

En des temps différents, en temps ordinaires, je veux dire quand nous n’étions pas condamnés à sortir masqués, que les masques étaient réservés à la seule scène, que nous pouvions nous retrouver dans les salles de Tropiques-Atrium et partager de beaux moments de théâtre… en temps de paix dirais-je, si je voulais reprendre la rhétorique martiale du président Macron… en ces temps qui déjà nous semblent enviables et si lointains, nos enfants des établissements scolaires de la Martinique auraient découvert, au mois de mai 2020, la pièce de Simone Schwarz-Bart, « Ton beau Capitaine ». Mais hélas, l’adage populaire selon lequel « en mai, fais ce qu’il te plaît », est devenu obsolète… Alors, comme le dit une autre maxime, faute de grives, mangeons des merles, et pour  nous consoler un peu, regardons la captation vidéo, proposée sur la plateforme Viméo.

Créée en Guadeloupe en 1987 à Pointe-à-Pitre, jouée ensuite au Théâtre National de Chaillot à Paris en décembre 1988 dans la mise en scène de Stylo Cavé, la pièce fut présente dans une autre mise en scène, celle de Maud Galet Lalande au Festival d’Avignon en juillet 2018, en tant que spectacle sélectionné par la Région Grand-Est dans le cadre de son soutien au Off d’Avignon.

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« Woman, Women », être femme aujourd’hui

— par Janine Bailly —

« Comment être femme dans un monde d’hommes, se vivre femme pleine et entière, habiter son visage, son âme et son corps ? Comment changer sur nous, femmes du monde entier, le regard porté par les hommes ? Et comment faire que, solidaires des filles, les mères ne leur imposent plus ce qui leur fut d’abord à elles imposé ? Toutes ces questions sont au cœur du documentaire qu’ont réalisé Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand, approches féminine et masculine conjointes dans le même désir de donner la parole à toutes celles qui trop longtemps se sont tues, muselées, infériorisées, violentées par la tradition, les guerres, les contraintes sociales. Victimes innocentes de préjugés tenaces, sorcières on les a brûlées, vierges on les viole, libres on les soumet.

Mais voici qu’elles disent face à la caméra, qu’elles se disent à visage découvert, et si certaines se sont exprimées dans la souffrance, le fait qu’elles ne se cachent plus tendrait à prouver que déjà quelque chose pour elles a changé. Symbolique est la joie de celle qui ayant conquis l’écriture peut enfin écrire son nom… Un seul dispositif à ce recueil de témoignages : une toile de fond noire, cadre neutre sur lequel viennent s’imprimer en plans très rapprochés les visages, qui seuls à l’image importent, et s’inscrire les paroles traduites de langues multiples,  celles de cinquante femmes de toutes origines, de tous âges, de tous lieux.

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De Caroline Laurent, «  Rivage de la colère », Prix 2020 Maison de la Presse

Caroline Laurent est franco-mauricienne. Après le succès du livre co-écrit avec Evelyne Pisier, « Et soudain, la liberté », elle a publié le 9 janvier 2020 son nouveau roman « Rivage de la colère », aujourd’hui récompensé. En parallèle de ses fonctions de directrice littéraire chez Stock, elle a été nommée en octobre à la commission « Vie Littéraire » du Centre National du Livre.

Aux origines du roman, un fait historique :

Dans « Rivage de la colère », récompensé par le 51ème Prix  Maison de la Presse, Caroline Laurent dévoile un pan tragique, hélas fort peu connu, de la décolonisation dans l’Océan Indien : en 1965, le Royaume-Uni accepte le principe d’élections générales qui décideront de l’indépendance de l’île Maurice et de ses possessions. Mais dans le plus grand secret, il est décidé que certaines de ces dépendances, dont les îles Chagos, au nord-est de Maurice, resteront sous administration britannique, après qu’elles auront été rachetées par le Royaume-Uni, ce dernier prétendant qu’elles ne sont pas habitées ! Le but n’est autre que de donner ces territoires en location aux États-Unis, qui y créeront une importante base militaire. 

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Non, le choix d’un langage n’est pas innocent !

Épidémie, langage et réalité, par André Lucrèce

Qui est André Lucrèce ? (Quelques extraits de l’article de Wikipédia, à lui consacré).

Né le 8 juin 1946 à Fort-de-France en Martinique, il est écrivain, poète, critique littéraire et sociologue français.

Remarqué en 1971 par un article sur « Le mouvement martiniquais de la Négritude », publié dans la revue Acoma créée par Édouard Glissant, l’écrivain s’est distingué par un livre sur Saint-John Perse, puis par des articles et des livres sur la littérature antillaise.

(Du théâtre aussi…) Les textes d’André Lucrèce et d’Aimé Césaire ont contribué à la mise en scène d’une pièce intitulée « Aimé Césaire, paroles et silences », pièce jouée et filmée à la Gare Saint-Lazare à Paris, écrite et publiée par José Alpha en 2013, livre également préfacé par André Lucrèce.

Proche d’Aimé Césaire et du philosophe René Ménil, André Lucrèce a préfacé le livre de ce dernier « Pour l’émancipation et l’identité du peuple martiniquais ». Le roman d’André Lucrèce, partiellement autobiographique, « La Sainteté du monde », a donné lieu à une pièce de théâtre sous l’appellation « Lieux publics » mise en scène par José Alpha.

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Aux États-Unis, une « querelle » de Présidents 

Critiqué par Barack Obama, Donald Trump se déchaîne sur Twitter

“Les deux personnes les plus admirées des États-Unis” se livreraient sur les médias à un affrontement sérieux, dans le contexte de la pandémie, et des futures élections présidentielles de novembre.

Les États-Unis, qui approchent les 80 000 morts, sont avec plus d’un million de cas confirmés le pays au monde le plus touché par le Coronavirus. Récemment, Barack Obama s’en est pris vertement à la façon dont Donald Trump gère la crise sanitaire. L’ancien Président des États-Unis a estimé que, si « la situation aurait été compliquée pour le meilleur des gouvernements », la gestion de la pandémie par son successeur a été « anémique et inégale », avant de conclure : « Mais là, c’est tout simplement un désastre chaotique absolu ».

Cette critique, la plus explicite à ce jour de sa part, l’ex-Président démocrate l’a faite vendredi soir, lors d’une conversation téléphonique d’une demi-heure avec d’anciens collaborateurs de son gouvernement, dont “Yahoo News” s’est procuré un enregistrement repris en boucle par les médias américains.

Encore très populaire chez les démocrates, Barack Obama avait déjà laissé entendre que le milliardaire républicain avait « rejeté les avertissements » sur les risques de pandémie.

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Des célébrations, pour ne pas oublier !

« Mémoires de l’esclavage, de la traite et de leurs abolitions », 10 mai 2020

À Paris, pandémie oblige, les commémorations à l’occasion de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions ont été maintenues cette année mais ont lieu dans un format réduit. Le Premier ministre Édouard Philippe a ainsi présidé, en petit comité, une cérémonie au Jardin du Luxembourg, en présence des présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat, et de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage (FME).

Une deuxième commémoration s’est déroulée place du général Catroux, en présence du maire de Paris, Anne Hidalgo. De son côté, la Fondation pour la mémoire de l’esclavage a dû innover en raison du coronavirus. Elle organise plusieurs évènements sur le numérique.

Le chef de l’État a dit pour sa part avoir « une pensée particulière pour ces milliers de familles qui se trouvent aujourd’hui séparées par les océans »… Il a conclu sur ces mots : « Je suis confiant parce que la solidarité qui nous lie, par-delà nos origines, nos conditions ou nos âges, par-delà les mers et par-delà les murs que dresse entre nous l’épidémie, est plus forte que tout.

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Les terres souffrantes de Martinique

— par Janine Bailly —

De Florence Lazar : « Tu crois que la terre est chose morte »

Non, je ne suis pas de ceux qui disent les avantages supposés de cette étrange période de confinement ! Non, je n’ai pas attendu que Monsieur Macron me conseille d’utiliser ce temps mort pour m’adonner à la lecture, et je ne mets pas à profit les heures pour faire tout ce qu’en temps normal j’aurais remis aux calendes grecques. Non, je  ne dirai pas, comme ceux-ci qui vont s’épanchant dans les médias, ce que sera « le monde d’après », je ne sais s’il y aura un autre monde ni ce qu’il pourrait bien être, ni si les hommes auront changé ou s’ils retomberont dans leurs ornières coutumières. Je songe seulement à Woody Allen écrivant « Je ne sais pas si Dieu existe, mais s’il existe, j’espère qu’il a une bonne excuse. » Parce que je suis plutôt dans la sidération. Parce que je ressens d’abord le tragique de la situation, et que je sais ceux qui souffrent. Ceux qui meurent.

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La Martinique, par le petit bout de la lorgnette

— par Janine Bailly —

Un drôle de 5 mai 2020 à la Martinique, et… des histoires d’eaux !

« En mai, fais ce qu’il te plaît », prétendait l’adage populaire, qui ne semble hélas ! plus avoir désormais raison d’être, le métaphorique « En avril, ne te découvre pas d’un fil » me paraissant davantage à l’ordre du jour ! 

Des craintes diverses liées à l’épidémie

Les craintes, justifiées ou non, se font jour à la Martinique, crainte d’un déconfinement qui ne serait pas vraiment préparé, crainte de voir se rouvrir prématurément les écoles, crainte de manquer du nécessaire — alors même que des annonces sont entendues dans certains supermarchés, qui rassurent sur leurs capacités d’approvisionnement — crainte de manquer de gaz pour la cuisine, crainte de ne pas trouver de masques en suffisance… Ce dernier sujet révélant nos inégalités car, si dans les files longues qui patientent aux portes des grandes surfaces chacun ou presque s’avance masqué, il est des enseignes plus populaires devant lesquelles les porteurs de masques se font rares, si ce n’est inexistants. Crainte que les prix ne « flambent », crainte que les voyageurs arrivant ne respectent pas la quarantaine… Et comme dans le reste du monde, des rumeurs fondées ou non courent sur de supposées rétentions par certains de cet accessoire : le masque vivement recommandé ou bientôt obligatoire ; des accusations fleurissent sur des « profiteurs de guerre » qui s’enrichiraient aux dépens des autres… tandis que couturières et petites mains bénévoles s’affairent courageusement à la fabrication de protections de tissu, à l’efficacité plus ou moins certaine, et que les acheteuses se sont déplacées, comme une file d’industrieuses fourmis, vers les magasins de textiles !

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IDIR, le baladin chantre de son pays, s’en est allé

« Ambassadeur éminent des cultures berbère et kabyle », selon l’UNESCO

Le chanteur Idir, l’un des principaux ambassadeurs de la chanson kabyle, est mort, ce samedi 2 mai à Paris, à l’âge de soixante-dix ans. Hospitalisé vendredi à Paris, il a succombé à une maladie pulmonaire et devrait être enterré en région parisienne, selon son entourage.
« Nous avons le regret de vous annoncer le décès de notre père [à tous], Idir, le samedi 2 mai à 21 h 30. Repose en paix, papa », est-il écrit dans un message publié sur la page Facebook officielle du chanteur, installé en France.
« J’ai appris avec une immense tristesse la nouvelle du décès d’Idir, une icône de l’art algérien », a salué dans un tweet le président algérien, Abdelmadjid Tebboune. « Avec sa disparition, l’Algérie perd un de ses monuments. »

 

De l’Algérie à la France

Si Idir connaît une carrière internationale et vient s’installer à Paris, c’est sa chanson, « A Vava Inouva, Papa  Inouva », berceuse en langue berbère qui traduite en 15 langues, diffusée dans 77 pays et faisant le tour du monde, assied sa célébrité.

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Avec « Jane Tonix », sur les traces retrouvées du « Barbershop »

— par Janine Bailly —

Pour la cinquième année, de concert en concert accrochant sa partition singulière au paysage musical de l’île, le sextuor Jane Tonix trace avec bonheur son chemin de ritournelles. Un chemin qui l’a mené, ce samedi 29 février — date exceptionnelle s’il en fut — jusqu’au théâtre Aimé Césaire, devant une salle comble et bientôt conquise ! Cinq filles et un garçon, que l’on pressent liés par une belle complicité. Et les regards de connivence échangés ne nous démentiront pas ! Assorties au costume du garçon, cinq petites robes déclinant dans cinq coupes différentes la couleur noire, élégance féminine à la Coco Chanel. Sur scène, un plateau légèrement surélevé, estrade où se tenir, où monter, d’où descendre au devant du public ou vers un espace réservé côté jardin : là attendent sur un guéridon six verres et une carafe ; le groupe parfois s’y tiendra, dans un instant de repos, pour s’y rafraîchir d’eau, et comme dans un bistro s’y rencontrer. Car pour ceux qui connaissent par avance Jane Tonix, la surprise est bien dans la forme nouvelle donnée au concert par Guillaume Malasné, metteur en scène talentueux de L’autre Bord Compagnie.

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« Adam », de Maryam Touzani : femmes debout !

— par Janine Bailly —

Si les printemps arabes sont restés des bourgeons mal éclos, si l’on peut dire, parodiant François de Malherbe, que les fruits n’ont pas passé la promesse des fleurs, nul ne peut nier que le cinéma en provenance du Maghreb en a gardé le parfum.

Comme le « Noura rêve », de la réalisatrice tunisienne Hinde Boujemaa, le film « Adam », premier long métrage de la marocaine Maryam Touzani, présent en 2019 à Cannes dans la section « Un Certain Regard », vient nous parler des femmes, et au travers elles, par le destin qui leur est fait, de sociétés où elles sont tenues encore et toujours sous la double dépendance et des hommes et de lois iniques faites en leur défaveur. Scénariste et parfois actrice de son compagnon le cinéaste Nabil Ayouch, Maryam Touzani passe derrière la caméra et signe une œuvre sensible, qui sans poings levés mais avec douceur et efficacité, plaide pour la cause des femmes de son pays. Derrière une apparente simplicité, c’est toute la complexité d’une culture, tous le poids des traditions qui nous sont dits.

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« Appuie-toi sur moi », une fort jolie proposition

— par Janine Bailly —

Ce pourrait être une histoire somme toute assez banale : ils se rencontrent, ils se découvrent, ils s’aiment et se haïssent tour à tour… Est-ce qu’ils vont se séparer, et qui, d’Elle ou de Lui, qui donc abandonnerait l’autre ? Mais voilà, derrière l’ordinaire des jours, et si l’on déchire le rideau des apparences, tant de choses essentielles mûrissent et se disent, ou avortent et se taisent, au sein du couple !

Virginie Le Flaouter et Vincent Maillot, dans une mise en piste de Gilles Cailleau (de la « Compagnie Attention Fragile »), échangent pour la première fois leur île de La Réunion contre la nôtre. Cette richesse, cette complexité, ces difficultés et écueils de la vie à deux, ils nous les rendent sensibles, nous permettent de les visualiser par une conjonction d’arts différents et complémentaires : paroles et musiques en live, jeux de lumières, jeux du double corps au sol, acrobaties aériennes sur et autour du mât dressé au centre de la piste. Car piste il y a bien, octogonale, aux côtés délimités par des rampes de spots répondant à ceux disposés en hauteur.

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