Si Platon a écrit toute sa philosophie sous la forme de dialogues, transformer ce théâtre des idées en spectacle vivant impose une véritable épreuve dramatique. Derrière chaque mot, le metteur en scène doit déceler (ou inventer) une intention, une situation, des non-dits… Bref, élaborer le sous-texte qui, sur scène, en dit plus long que les paroles échangées ; cet ensemble de signes qu’on appelle théâtralité. Au contraire, s’en remettre aux seules idées philosophiques, se réfugier derrière la force (si grande soit-elle) des sujets traités par Platon, c’est renoncer à tout projet véritablement scénique, et condamner le spectateur au plus opaque des ennuis.
Récemment, au Studio Théâtre de la Comédie Française, le metteur en scène Jacques Vincey avait tenté de faire spectacle à partir du Banquet, l’un des textes fondateurs de Platon, consacré à l’amour. Assis derrière une longue table sombre, trois comédiens vêtus de noir récitaient leurs « discours » avec talent, sans doute, mais comme si ces paroles étaient suspendues en l’air, indépendamment de tout engagement du corps et des âmes. Malgré l’important travail de coupes effectué sur le texte, l’heure et quart de spectacle nous avait parue interminable.