— Par Michèle Bigot —
L’Ecriture ou la vie est un récit publié en 1994 mais que, de son aveu même, Jorge Semprun a commencé à écrire en 1987, le 11 avril 1987, au moment où Primo Levi se donnait la mort. Ce fut l’événement déclencheur, qui l’a décidé à consentir l’effort de se tourner vers le passé, de le laisser refluer en lui avec l’angoisse de mort qui l’accompagne. Au soir de sa vie, il ressent l’urgence de témoigner sur l’horreur du camp de Buchenwald, parce qu’il est un des derniers à en conserver un souvenir vécu dans sa chair. Longtemps, il avait fait le choix de se tourner vers l’avenir, en militant politique, mais voilà qu’avec la mort de Primo Levi, le retour au souvenir est inévitable. Entre écrire et vivre, il choisit alors écrire, car c’est l’unique façon de faire face à l’angoisse de mort qui l’assaille. Après avoir banni de sa mémoire ces heures atroces, voilà q’il y revient, mêlant le récit autobiographique, le dialogue, la poésie et la réflexion philosophique sur le mal absolu. Car comment dire l’expérience des camps?