Étiquette : esclavage

Une jeune Kényane raconte l’esclavage moderne

Par Isabelle Monnin

 

Elle était domestique en Arabie saoudite, chez des princes. Au bout de 3 ans et 10 mois de mauvais traitements, elle a fui lors d’une escale à Paris.

« J’ai 29 ans et Mary n’est pas mon vrai prénom, mais j’ai peur qu’on me reconnaisse. La plupart de mes proches ne savent rien de ce qui m’est arrivé, je ne voudrais pas leur faire de peine. Autrefois j’avais des rêves. Je voulais apprendre le droit ou devenir infirmière, je voulais être une femme indépendante. J’ai grandi dans la banlieue de Mombasa, la deuxième ville du Kenya, avec mes parents, mon grand frère et ma petite soeur. Mes parents – mon père est mécanicien et ma mère ne travaille pas – ne gagnent pas assez pour payer nos études.

Lorsque je décroche mon bac à 18 ans, je comprends que mon père a un plan pour moi. Loin de l’université : il m’a promise à un de ses amis, un « vieux » qui veut faire de moi sa quatrième épouse, en échange d’argent. Je ne veux pas de cette vie, je la repousse de toutes mes forces.

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Appel pour un débat national sur les réparations liées à l’esclavage

Par Collectif


 



  En France, les réparations liées à l’esclavage demeurent un sujet tabou. Dans les Outre-mer et dans la société française dans son ensemble, les questions liées à l’esclavage sont encore source de colères, de ressentiments et de problèmes non résolus. La traite négrière est l’un des phénomènes qui ont le plus bouleversé l’humanité (conséquences démographiques, politiques, économiques, sociales, culturelles sur plusieurs continents). Elle a laissé des traces profondes et durables.
La question des réparations ne date pas d’hier. Beaucoup de gens l’ignorent, mais, après l’indépendance d’Haïti, les colons français ont exigé des réparations en invoquant le  » préjudice  » que leur faisait subir la liberté nouvelle conquise par les esclaves. En 1825, Charles X a donc envoyé une flotte de guerre de 14 navires. Pour éviter que son peuple ne retombe en esclavage, le président Boyer a alors « accepté » le tribut de 150 millions de francs-or imposé par la France (ramené ensuite à 90 millions grâce au « Traité de l’amitié » signé en 1838). Pour payer cette somme, le peuple haïtien a dû s’endetter jusqu’en 1946.

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Le sucre et les larmes de Pierre Dockès. Paradigmes sucriers

 

 — Par Michel Herland. —

  (1).

 

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Pierre Dockès a consacré plusieurs ouvrages ou articles à la question de l’esclavage comme institution économique et sociale, depuis La Libération médiévale (1979) jusqu’à ses contributions aux tables rondes sur les économies esclavagistes et post-esclavagistes organisées, à intervalle régulier, à Fort-de-France (2). Dans son dernier ouvrage  P. Dockès présente l’histoire mondiale du sucre depuis les origines jusqu’à aujourd’hui. Il déborde donc aussi bien dans l’espace que dans le temps le programme que s’était fixé Jean Crusol dans son histoire des Îles à sucre (3). Par ailleurs, comme l’ouvrage de P. Dockès est plus bref, pour une matière plus vaste, que celui de J. Crusol, il est nécessairement plus synthétique et si les exemples concrets ne manquent pas, ils ne sont là qu’à titre d’illustration des modes de production du sucre étudiés par P. Dockès.

Plutôt que de mode de production ou de modèle, P. Dockès préfère parler de « paradigme productif », ce par quoi il entend la « représentation dominante de la façon efficiente de produire, combinant des modalités techniques, économiques et sociales ».

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« La blessure du nom », ouvrage de Philippe Chanson

Une anthropologie d’une séquelle de l’esclavage aux Antilles-Guyane

Ouvrage de Philippe Chanson

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—Anonyme – Passavoir – Crétinoir – Trouabal – Dément – Comestible – Macabre – Zéro – Malcousu – Savon – Gouacide – Négrobar – Satan – Peccatus – Dangeros… Tels sont quelques-uns des centaines de noms d’Etat civil saugrenus, dégradants et injurieux, redonnés aux esclaves africains des Antilles et de la Guyane françaises libérés en 1848. Cette blessure identitaire, largement et curieusement occultée, suinte encore sur ces terres créoles travaillées par trois siècles d’histoire coloniale traumatique.

Mais comment donc de tels noms ont-ils pu être attribués ?

L’étude ethnographique que propose cet ouvrage, travaillée par de longues années de terrain, tente d’en entendre les réponses. Elle s’étaye tout à la fois sur le dépouillement de plus de 350 000 patronymes collectés dans ces départements français d’Outre-mer, des entretiens notamment avec quelques figures éminentes de l’intelligentsia créole (Césaire, Glissant, Pépin, Chamoiseau), le cumul de données historiques, culturelles, linguistiques, littéraires, ainsi que sur la mise en œuvre d’une anthropologie dite ’fictionnelle’ et pourtant contemporaine.

L’auteur, sensible au poids moral du nom, se penche d’abord sur le choc, la prégnance, la proportion, les causes et les avatars de cette problématique si délicate ; reconstitue ensuite les circonstances et conditions des processus d’attribution qui ont pu aboutir à de tels dénis ; dégage également les pratiques et parades cathartiques de résistances mentales et culturelles pour contrer l’affront du nom ; et termine en ouvrant la question de cette grave blessure également subie par les créoles de l’Ile Maurice, tout en s’interrogeant sur une possible réparation du nom.

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L’exploitation des esclaves noirs : un système économique intégré

— Par CATHERINE COQUERY-VIDROVITCH, Professeure émérite à l’Université Paris-Diderot Paris-VII —

Instaurant déjà une « mondialisation » de la force de travail, systématiquement utilisée dans la croissance du capitalisme, la traite transatlantique diffère des autres pratiques esclavagistes.

L’esclavage a existé depuis des temps très anciens. Il est attesté en Europe jusqu’à la fin du Moyen Age. Pendant longtemps, l’esclave n’a pas été défini par sa couleur. Chez les Grecs anciens, pouvait être mis en esclavage tout « barbare » non grec, synonyme de non civilisé. Les Romains eurent des esclaves grecs, mais plus souvent venus des confins de Germanie, de Thrace ou du Proche-Orient. La plupart des esclaves étaient blancs (esclave vient de la région de Slavonie). Au Ve siècle av. JC, Aristote, inspiré par Platon qui avait fait des barbares les ennemis naturels des Grecs, préférait les non-Grecs comme esclaves, « car que certains aient à gouverner et d’autres à être gouvernés n’est pas seulement nécessaire, mais juste -, de naissance, certains sont destinés à la sujétion, d’autres non ».

Chez les Arabo-Musulmans, tout païen, non musulman (équivalent du barbare des Grecs), pouvait être mis en esclavage: à noter que la solution inverse fut adoptée en Occident, puisque le Code noir édicté aux Antilles par Louis XIV (1685) stipule que tous les esclaves doivent être « baptisés et instruits dans la religion catholique ».

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Quelle mémoire de l’esclavage ?

esprit

(Table ronde)

MAXIMIN Daniel, POCRAIN Stéphane et TAUBIRA Christiane

Pourquoi faire une loi instituant une commémoration de l’esclavage re­connu comme crime contre l’humanité ? En revenant sur l’origine de ce projet de loi, cette discussion contradictoire permet de comprendre les tenants et les aboutissants des demandes adressées au législateur.

ESPRIT – La loi Taubira, qui définit l’esclavage comme crime contre l’humanité, a été adoptée par l’Assemblée nationale en 2001. Cinq ans après, quel bilan dressez-vous de l’adoption de cette loi ?

Christiane TAUBIRA – La loi est le fruit d’un travail laborieux mené pendant deux années et demie. Le projet de loi fut déposé en 1998 et la première lecture à l’Assemblée eut lieu en février 1999. Le projet a d’abord soulevé l’enthousiasme, surtout chez les responsables socialistes. Mais très vite, la perspective des conséquences possibles de la loi a gelé cet enthousiasme. Certains faiseurs d’opinion au sein du parti socialiste ont souhaité que le texte proposé soit réduit à un article déclaratoire, dans la lignée de ce qui fut fait pour le génocide arménien. L’article sur la réparation, qui visait à faire évaluer le préjudice et proposer des politiques publiques de réparation, a notamment posé problème.

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