—Entretien réalisé par M.-J. S.—
Que répondre aux arguments employés depuis des lustres qui consistent à dire des intermittents qu’ils sont des privilégiés, qu’ils coûtent chers ?
Mathieu Grégoire. Que ce n’est pas la réalité. Même s’ils bénéficient d’un régime plus adapté à l’intermittence
de l’emploi, les intermittents
ne sont pas des privilégiés.
Ils sont 3,5 % des allocataires
et représentent 3,4 % des dépenses. Bref, rien d’extravagant. Mais
l’idée est profondément ancrée.
Le Medef et une presse à scandale les stigmatisent pour leur prétendu « déficit » d’un milliard d’euros. Pourtant rien n’est plus normal, dans le cadre d’une assurance – a fortiori quand il s’agit d’une assurance sociale – que certains présentent des excédents qui compensent le solde négatif de ceux
qui éprouvent le risque assuré
et reçoivent plus d’allocations qu’ils ne cotisent.
Étiquette : entretien
Arts de la scène, Musiques
Archie Shepp et Rocé, rencontre au sommet de deux esprits libres
—Entretien réalisé par Fara C.—
Dans le sillage de la sortie de leurs albums respectifs, Rocé a invité Archie Shepp au Bataclan, le 10 décembre. Discussion à bâtons rompus avec le légendaire saxophoniste et le franc-tireur du rap.
Qu’est-ce qui vous a interpellé, Rocé, chez Archie Shepp ?
Rocé. J’ai tout de suite perçu, dans sa musique, davantage que de la musique : une conscience politique. J’avais lu des interviews de lui et des passages le concernant dans le livre Free Jazz, Black Power, de Philippe Carles et Jean-Louis Comolli. Parmi les albums d’Archie qui m’ont secoué, il y a eu Coral Rock et Attica Blues, dont il a récemment sorti une nouvelle version, magnifique.
Archie Shepp. J’ai accepté l’invitation de Rocé, en 2004, sur deux morceaux de son disque, Identité en crescendo, parce que j’appréciais vraiment le mélange stylistique qu’il avait opéré : hip-hop, jazz, musique de danse… Je suis convaincu qu’il existe un continuum entre le blues, le jazz, le funk, le hip-hop, le slam… Certains éléments proviennent de racines africaines communes. Le show-biz a établi des classifications pour des raisons commerciales.
Arts de la scène, Musiques
Le chanteur du « Métèque » Georges Moustaki est mort
Le chanteur engagé et compositeur Georges Moustaki, auteur de chansons devenues des classiques comme Milord et Le Métèque, est décédé jeudi matin à l’âge de 79 ans. Retrouvez sa dernière rencontre avec L’Humanité, en 2008, à l’occasion de la sortie de l’album Solitaire.
Georges Moustaki revient avec Solitaire. Un album aux chaudes sonorités avec de nombreux invités, dont Cali ou Vincent Delerm. Georges Moustaki a gardé au fil des ans une même « coolitude » attachante. Le pâtre grec né à Alexandrie a su transformer cette nonchalance en art de vivre. Cela ne l’a pas empêché d’être un de nos plus tendres auteurs-interprètes de la chanson, ayant écrit pour Édith Piaf Milord et plus tard le Métèque, Ma liberté, Ma solitude, le Temps de vivre, Bahia ou Donne du rhum à ton homme.
Sociologie
«En France, les Africains du Nord et du Sahel se sont retrouvés entre eux»
Hugues Lagrange, l’auteur du «Déni des cultures», publie un essai passionnant sur la vie des immigrés du Sahel en Ile-de-France, qui fait un singulier écho à la guerre du Mali. Entretien.
Au moment où sort votre nouveau livre – «En terre étrangère» consacré aux immigrés du Sahel qui vivent en Ile-de-France, la France est en guerre au Mali…
Hugues Lagrange : Cette guerre jette une lumière vive sur les divisions morales des sociétés du Sahel. Bien avant les indépendances, à la fin du XIXe siècle, des réformateurs musulmans avaient affirmé la nécessité d’adapter la loi familiale musulmane à la modernisation des sociétés. En 2009, au Mali, l’adoption d’un Code de la Famille égalitaire entre les sexes a suscité des affrontements. Aujourd’hui, les djihadistes prétendent instaurer la charia. Les enjeux moraux, notamment la place de la femme, escamotés au moment des indépendances, surgissent ainsi, et ces débats qui s’énoncent dans la violence de la guerre ne sont pas sans résonance dans l’immigration.
Cette immigration, vous la racontez dans un texte singulier. Parfois même poétique. Pourquoi avoir choisi ce ton si personnel?
Cela vient peut-être du sentiment d’un échec (auquel j’ai participé) des sciences sociales qui peinent à rendre compte du rapport à des êtres qui vous impliquent.