—Par Benjamin Lemoine (Chercheur en science politique, CNRS/Université Paris Dauphine) —
« Triste record », « franchissement de cap », « explosion du plancher »… Une litanie de commentaires alarmistes a suivi la notification usuelle des chiffres de dette publique par l’Institut national de la statistique (Insee).
Ce dernier faisait état des 2 023,7 milliards d’euros de dettes contractées par l’État. Livré de façon brute, et ce afin de ne pas atténuer son caractère terrifiant, ce chiffre a colonisé les colonnes des journaux et envahi les plateaux de télévisions pour constituer un « scoop », un « événement » médiatique et politique.
La plupart du temps le chiffre parlait de lui-même : la faillite de l’État est proche et désormais tangible ; le politique est à la fois coupable d’avoir laissé filer cette dette et complètement impuissant ; l’État est obèse et les services publics trop abondants; les générations futures (les désormais célèbres « berceaux » endettés) seront lourdement handicapées par ce fardeau ; et, enfin, la contrainte des marchés financiers matérialisée par le niveau des taux d’emprunts d’État constitue l’incarnation ultime du « mur » indépassable des réalités.