— par E. Glissant et P. Chamoiseau —
Août 2007
Lettre ouverte à MM. les Présidents des Conseils Régional et Général.
Et à tous les élus de la Martinique.
Un cyclone est passé. Dans son sillage: désolation végétale, ruptures diverses, et l’accablement des plus démunis… Mais les moments chaotiques sont souvent des lieux de renaissance. Toute régénération surgit toujours d’une perturbation. Plus la perturbation est sévère, plus le renouvellement qui s’ensuit est profond, puissant, parfois jusqu’à la mutation. La nature sait utiliser ses effondrements pour expérimenter d’inédites vivacités: les arbres ramènent de leur traumatisme une haute vigueur et l’écosystème meurtri s’ébroue pour redistribuer les possibles en des intensités variables.
En fait, le désastre ou la crise sont aussi, et surtout, des opportunités. Quand tout s’effondre ou se voit bousculé, ce sont aussi des rigidités et des impossibles qui se voient bousculés. Ce sont des improbables qui soudain se voient sculptés par de nouvelles clartés. Ce sont des interdits, des paresses, de stériles habitudes qui lochent et appellent à se faire soulager.
Ce qui est vrai pour le monde naturel l’est aussi pour les cultures, les peuples, les identités ou les civilisations.