— Par Joël Des Rosiers —
Pour moitié sont morts mes amis.
Je t’en ferai de nouveaux, dit la terre.
Non, rends-les moi, comme ils étaient, plutôt,
Avec leurs fautes et tout le reste, je pleurais.
Sea Canes(1), Dereck Walcott
J’écris cet hommage pour saluer la mémoire de deux penseurs qui viennent de disparaître. Et aussi pour vaincre l’immense peine qui m’étreint chaque fois qu’il y a à l’œuvre le rappel de l’enfance. Je ne raconterai pas ce que je sais de Bernard Labrousse ou de Maximilien Laroche. Mais ce que leur disparition laisse en moi d’humanités contuses. Si le premier est de ma génération, cela signifie-t-il que je sois moi-même en sursis et que désormais la mort puisse frapper sans préavis comme un huissier, un de ces jours insaisissables où s’éteint la lumière du jour ? Mon métier m’a appris au cours d’une longue fréquentation à côtoyer la mort, la fin irréfutable tant qu’elle n’est pas encore là, la grande amie, l’ennemie intime. Laroche m’avait dit un jour que les médecins regardent les hommes avec les deux yeux : l’un regarde la vie, l’autre la mort.