Encore bien souvent associé à une conception cérébrale et difficile de la musique, le compositeur Arnold Schönberg était aussi un conteur et un peintre remarquable. Un livre et une exposition en témoignent.
« L’histoire n’avançait que si nous mangions. Sitôt qu’on s’arrêtait, l’histoire cessait de concert… »
Ainsi se souvient Nuria Schönberg Nono, fille du compositeur autrichien Arnold Schönberg (1874-1951) – et par ailleurs épouse d’un autre grand musicien du XXe siècle, Luigi Nono (1924-1990). Son témoignage complète l’édition d’un conte pour enfants charmant et fantaisiste, inventé par son père.
Enregistrée sur bande magnétique par le compositeur pour en conserver la trace, cette histoire de princesse férue de tennis (sport qu’affectionnait Schönberg lui-même), blessée à la suite d’une partie intensément disputée avec une duchesse, a été soigneusement retranscrite et illustrée par les dessins ironiques de Peter Schössow (1). Le lecteur y rencontrera un loup (plutôt) serviable mais (extrêmement) distrait, une vache cuisinière, la mère-grand d’un conte bien connu ou encore un pharmacien scrupuleux. Le tout baigné d’absurde et d’humour et, sans avoir l’air d’y toucher, d’une réflexion sur le temps : celui qu’on perd à des arguties dérisoires mais aussi celui qui boucle sans fin sur lui-même, dans un éternel et très philosophique recommencement…
Cet album réjouissant se découvre comme une merveilleuse « friandise » pour le mélomane fervent de l’œuvre révolutionnaire d’un compositeur qui a précipité l’histoire de la musique dans la modernité et, plus encore peut-être, pour celui qui se sent parfois intimidé, voire rebuté, par cette esthétique radicale et encore dérangeante un siècle plus tard.