— Par Roland Sabra —
Un grand fauteuil, incommode sans doute. Une petite table basse avec un téléphone. Elle est déjà là, robe rouge seule sur le plateau noir. Seule c’est ce qui la définit le mieux. Elle attend. Le public entre s’installe, se salue, parle, papote comme si elle n’était pas là. Elle compte pour si peu. On le sait déjà. Imperceptiblement la lumière décline. La frontière entre l’avant et le début du spectacle est brouillée. Cette histoire n’a pas de commencement, ni de fin. Elle est de toujours, de toute éternité, sans époque et sans lieu. Une tragédie. Une tragédie de l’attente, de l’attente de l’autre, de l’amour pour l’autre, de l’amour bafoué, de la jalousie, de la solitude. Elle l’attend. Elle guette les bruits de l’ascenseur, de la cage d’escalier. Il arrive, s’installe dans le fauteuil, lit son journal. Sans un mot. Elle, elle parle, elle parle. Elle soliloque. Elle réclame. Elle menace. Elle dit aussi le mépris, la déchéance, l’obsession, l’argent, la violence et la haine, la mendicité amoureuse. Elle dit : « je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime ».