— Entretien réalisé par Sophie Joubert et Rosa Moussaoui —
De passage à Paris, l’Égyptien Alaa El Aswany et l’Algérien Kamel Daoud se sont prêtés au jeu du dialogue entre deux écrivains aux premières loges des bouleversements qui refaçonnent, depuis 2011, le Maghreb et le Machreq. Paroles de liberté en toute liberté.
Alaa El Aswany, dans votre livre Extrémisme religieux et dictature, vous évoquez à propos de l’islamisme et des régimes autoritaires les deux faces d’un même malheur historique… Quels liens ces deux projets politiques entretiennent-ils ?
Alaa El Aswany : Je parlerai de l’Égypte. L’Occident commet à mon avis une erreur en appliquant la même grille de lecture à tous les pays arabes… Dès 1952, en Égypte, ce piège s’est mis en place : d’un côté la dictature, de l’autre, le fascisme religieux, avec une alliance tacite entre le dictateur et les extrémistes. Le dictateur utilise les extrémistes pour se débarrasser du mouvement démocratique⋅ Mais lorsque les extrémistes veulent le pouvoir, une confrontation se produit : les extrémistes sont réprimés, jetés en prison, assassinés⋅ Vient ensuite le temps des négociations aboutissant à une nouvelle alliance⋅ Au final, c’est toujours le peuple qui paie l’addition, bien plus que les extrémistes.