— Par Louise Huet —
Depuis une semaine, une vague de témoignages de « streameuses » déferle sur Twitter. Elles dénoncent le harcèlement qu’elles subissent en masse et le sexisme ambiant d’un milieu profondément masculin, celui du stream et du jeu vidéo. Pour lutter contre ce flot de menaces, certaines appellent à une meilleure modération des plateformes et à des lois plus efficaces, alors que le gouvernement a annoncé réfléchir à des solutions.
« Être « streameuse » sur Twitch ? C’est en même temps la pire et la meilleure expérience de ma vie », affirme Lixiviatio, jeune femme de 26 ans et « streameuse », à RFI. Tout débute avec le ras-le-bol de sa consœur Maghla, le 24 octobre dernier. « Je suis épuisée », écrit-elle dans un thread Twitter, où elle dévoile les actes glaçants perpétrés par ses harceleurs au quotidien : montages photos pornographiques, jeu de rôle sexuel la mettant en scène, menaces, insultes, harcèlement en ligne comme dans la vie…
Son témoignage provoque une réaction en chaîne. De nombreuses « streameuses » se sont à leur tour mises à signaler le cyberharcèlement qu’elles vivent chaque jour. Certaines le dénoncent, témoignent de leur expérience et pointent du doigt le problème depuis des années, mais rien ne change. « Ce harcèlement n’est pas du tout nouveau. Mais si on n’en parle si peu, c’est parce que les gens s’en fichent. Pour beaucoup, c’est de notre faute. C’est l’idée que parce qu’on a choisi de s’exposer, on a le droit de dire ce qu’on veut de nous », abonde Lixiviatio.
Mais alors, existe-t-il un véritable moyen de rendre responsables les auteurs de ces menaces, et de combattre l’impunité sur des espaces numériques où tout semble dénué de règles ? Car pour Lixi, derrière ce cyberharcèlement insupportable dont elle fait aussi les frais, « il faut bien comprendre que ce qu’on dénonce ne touche pas que les « streameuses », mais bien toutes les femmes ». Raison pour laquelle la « streameuse » espère une vraie réponse, à la fois des plateformes elles-mêmes, et de l’État, pour plus de régulation.
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Fin de l’anonymat sur internet : fausse bonne idée
Parmi les solutions prônées, certains préconisent de mettre fin à l’anonymat sur ces plateformes de streaming, pour plus de sécurité. Pourtant, les « streameuses » tirent la sonnette d’alarme, car pour elles, renoncer à l’anonymat, c’est se mettre encore plus en danger. « S’il n’y a plus d’anonymat pour les personnes qui nous harcèlent, il n’y aura plus d’anonymat pour nous non plus, et ça risque de nous exposer encore plus. On deviendrait des cibles faciles si quelqu’un veut nous nuire. Les gens retrouveraient encore plus facilement nos informations personnelles », s’alarme Lixi.
Pour la jeune femme, c’est aux plateformes d’être davantage vigilantes. Twitch s’est pourtant dit engagé contre le cyberharcèlement et a déjà annoncé plusieurs fois prendre des mesures, comme la détection d’utilisateurs malveillants ou la possibilité de n’autoriser que les personnes ayant des numéros de téléphone vérifiés à participer aux discussions chat.
De maigres mesures, selon Laure Salmona cofondatrice de l’association Féministes contre le cyberharcèlement. « Au fond, est-ce que ces plateformes essaient vraiment de modérer ? Il ne faut pas oublier que pour elles, ces violences génèrent du profit et elles ont un impératif de rentabilité. Plus il y a de polarisation dans les discussions, plus il y a de violence, plus il y a de trafic, plus il y a de commentaires, et plus ça génère de l’argent pour elles », explique la cofondatrice de l’association. D’après Laure Salmona, il faudrait faire passer l’éthique avant le profit, et penser à des « systèmes où les communautés peuvent créer leurs propres règles de modération, pour permettre aux « streameuses » une forme de pouvoir sur les messages qu’elles reçoivent ».
Déjà en novembre 2021, ces professionnelles du stream pointaient aussi du doigt ce manque d’ambition de la part de Twitch et des autres plateformes. « Leurs outils de modération sont dépassés. Il suffit que les gens fassent juste une petite faute d’orthographe ou qu’ils changent une lettre pour que des mots interdits passent, du coup, ils ne servent à rien », s’indignait Manonolita auprès de Numerama, alors que la « streameuse » Shakaam déplorait la facilité avec laquelle l’on peut recréer un compte sur Twitch, même une fois bannie…
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