Stop silence Haïti !

La politique internationale vis-à-vis d’Haïti doit changer !

Plus de 150 organisations (syndicats, ONG, associations, mouvements paysans, féministes, citoyens) haïtiennes, européennes, latino-américaines, canadiennes et africaines appellent à un changement de politique internationale vis-à-vis d’Haïti.

En octobre 2020, était lancée la campagne internationale Stop silence Haïti ! Huit mois plus tard, où en est-on ? Toutes les exactions, violences et injustices dénoncées dans cet appel se sont aggravées. La pauvreté s’est accrue, la faim affecte plus de 4 millions de personnes, les enlèvements – doublés de viols –, se sont multipliés, et les bandes armées ont encore étendu leur pouvoir. L’insécurité généralisée touche toutes les couches de la population, compromettant un peu plus l’accès aux services sociaux de base, dont l’éducation et la santé.

Il n’y a eu aucune avancée judiciaire dans les massacres – douze massacres ont été enregistrés depuis 2018 – et les affaires de corruption, au premier rang desquelles, Petrocaribe, alors que de nouvelles enquêtes, nationales et internationales, confirment l’implication et la complicité du pouvoir. L’assassinat du bâtonnier du barreau de Port-au-Prince, Maître Monferrier Dorval, comme tant d’autres, demeure impuni. La violence et l’impunité se nourrissent mutuellement, plongeant Haïti dans un cercle vicieux.

La détérioration des droits et des conditions de vie de la population est catalysée par la crise politique. Le 7 février 2021, s’achevait le mandat présidentiel de Jovenel Moïse. Mais, ce dernier a refusé de quitter le pouvoir. Il entend rester à la tête de l’État, le temps d’organiser à tout prix un référendum – interdit par la Constitution – fin juin et des élections en septembre.

En agissant de la sorte, et en inventant une tentative de coup d’État, pour justifier la mise à la retraite de trois juges de la Cour de cassation – ce qui constitue un (autre) acte inconstitutionnel –, Jovenel Moïse opte clairement pour une stratégie du pourrissement, et consacre l’autoritarisme de son régime. Il continue pourtant de bénéficier du soutien du Core Group1, en général, et des États-Unis, en particulier.

1 États-Unis, Canada, Allemagne, Espagne, Brésil, France, Union Européenne (UE), Organisation des États Américains (OEA) et Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies.

Ces derniers mois et à de multiples reprises, les mouvements paysans, et de femmes, les syndicats, les jeunes Petrochallengers, les églises, les ONG de droits humains, les organisations sociales, les milieux de la justice et de l’éducation, les intellectuel·les, ont manifesté en masse pour exiger le respect de la Constitution, le départ de Jovenel Moïse et une transition de rupture.

Ils et elles ont pu compter sur une mobilisation internationale, qui s’est exprimée par divers courants. Ainsi, depuis le 7 février 2021, la Confédération syndicale internationale (CSI), la Coordination Europe-Haïti (Co-EH), l’Assemblée internationale des peuples, pour ne prendre que ces exemples, se sont positionnées en soutenant les revendications des mouvements haïtiens.

Au niveau diplomatique aussi, les lignes commencent à bouger. Soixante-huit députés démocrates du Congrès des États-Unis ont appelé à un changement de politique de Washington vis-à-vis d’Haïti. Le Parlement européen vient de voter une résolution d’urgence2. S’il refuse de soutenir le référendum et rappelle que « les violences en Haïti sont étroitement liées à des bandes armées, dont certaines sont soutenues et financées par l’oligarchie locale », il n’en continue pas moins d’entretenir le mythe que des élections libres et crédibles puissent être organisées par les autorités haïtiennes.

Jovenel Moïse continue de la sorte sa fuite en avant, et la « communauté » internationale se laisse, au nom du « dialogue national inclusif » et d’une sortie de crise par les élections, prendre au piège – voire instrumentalise ce piège – d’un soutien au président de facto. Un large consensus national s’est pourtant forgé depuis des mois, contre Jovenel Moïse. Appeler, encore et toujours, ce dernier à lutter contre la violence, l’impunité et la polarisation du pays, alors qu’il en est l’un des principaux responsables, tient de l’aveuglement ou de l’hypocrisie.

Les conditions ne sont réunies ni pour des élections libres et démocratiques, ni pour un référendum portant sur la Constitution. Jovenel Moïse n’a aucune légitimité pour les organiser. Dans la situation actuelle, avec le contrôle de quartiers entiers par les bandes armées, et l’instrumentalisation par le pouvoir des institutions et mécanismes électoraux, ces élections n’auront aucune crédibilité. Elles n’ont, de toute façon, d’autre but que de consacrer la reproduction de la clique au pouvoir et de consacrer l’impunité, enfermant le pays dans un nouveau cycle de violence et d’instabilité.

Jovenel Moïse participe au problème, non à la solution. Chaque jour qui passe avec lui au pouvoir est une occasion manquée pour un changement démocratique, rendant plus compliquée et plus ardue la transition. La communauté internationale ne manque pas d’informations sur ce qu’il se passe en Haïti ; elle manque de courage. Le courage d’entériner l’échec de la diplomatie suivie ces dernières années, sinon ces décennies, de se confronter aux États-Unis, de faire prévaloir les droits humains et d’écouter les revendications des Haïtiens et Haïtiennes.

En conséquence, nous exigeons des gouvernements, institutions internationales et singulièrement du Core Group :

1. De respecter la souveraineté des Haïtiens et Haïtiennes, et de dénoncer toute ingérence.

2. D’écouter les acteurs et actrices de la société civile haïtienne, qui se sont prononcés publiquement et à maintes reprises contre la tenue d’un référendum et d’élections, qui, dans les conditions actuelles, ne seront ni libres ni démocratiques, et ne peuvent s’apparenter qu’à une farce tragique, risquant de conduire à la restauration de la dictature.

3. De dénoncer l’illégitimité du référendum et du processus électoral, ainsi que l’absence de conditions pour que des élections libres et démocratiques puissent être réalisées avec Jovenel Moïse au pouvoir.

4. De soutenir un processus de transition exigé et mis en œuvre par les Haïtiens et Haïtiennes, en s’appuyant sur la Constitution de 1987.

5. D’appuyer le travail des organisations haïtiennes pour que les responsables des violations des droits humains – au premier rang desquels les massacres et la dilapidation des fonds Petrocaribe – soient jugés de façon juste et équitable.

6. De revoir plus largement, avec humilité et honnêteté, leurs politiques poursuivies ces dernières années, et même décennies, qui ont contribué à l’impasse actuelle.

2 Résolution du Parlement européen du 20 mai 2021 sur la situation en Haïti (2021/2694(RSP)).

*

Organisations signataires :

Confédération Syndicale Internationale (CSI), International

Coordination Europe-Haïti (COEH), Europe

Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM), International

Acción Afro-Dominicana, République dominicaine

Accion Ecologica, Équateur

ActionAid, France

Agenda Solidaridad, République dominicaine

AITEC, France

Anacaona Droits Humains Haïti, France

Asbl Theux/Saint-Michel, Belgique

Asbl Farnières-Haïti, Belgique

Asociación Acción Verapaz, Espagne

Association Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique (AFASPA), France

Association PeopleKonsian, France

Association Pour Haïti, France

Ayiti Cheri vzw, Belgique

Coalition des Alternatives Africaines Dette et Développement (CAD), Mali

ATTAC – CADTM, Argentine

ATTAC – CADTM, Maroc

ATTAC Liège, Belgique

ATTAC Wallonie Bruxelles (AWB), Belgique

AWMR-Italia Associazione Donne della Regione Mediterranea, Italie

CADTM – AYNA, Amérique latine

CADTM – Belgique, Belgique

Carrefour de solidarité internationale, Canada

Cátedra Libre de Pensamiento Latinoamericano « Ernesto Che Guevara », Mexique

Coopération Éducation Culture (CEC), Belgique

Centre francophone de recherche partenariale sur l’assainissement, les déchets et l’environnement (CEFREPADE), France

Centre de recherche et d’information pour le développement (CRID), France

Centre de recherches et d’initiatives de solidarité internationale (CEDETIM), France

Centro de militares para la democracia argentina (CEMIDA), Argentine

Centre d’Education et d’Interventions Sociales (CEIS), Haïti

Centre International de Solidarité Ouvrière (CISO), Canada

Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11), Belgique

Centro de Documentación en Derechos Humanos « Segundo Montes Mozo S.J. » (CSMM), Équateur

Centro de Pensamiento Crítico Pedro Paz, Argentine

Centro de Promocion y Formacion en Derechos Humanos, Venezuela

Centre d’Éducation Populaire André Genot (CEPAG), Belgique

Centre tricontinental-CETRI, Belgique

Centro de Pensamiento Crítico Pedro Paz, Argentine

Circulos bolivarianos socialistas Costa Rica, Costa Rica

Clowns Sans Frontières, Canada

Coalition des Acteurs de la Société Civile (CASC), Haïti

Coalition Haïtienne au Canada contre la Dictature en Haïti (COHCCDH), Canada

Codepink, États-Unis

Collectif 35 des amis d’Haïti, France

Collectif Haïti de France (CHF), France

Collectif Régional pour la Coopération Nord-Sud (CIBELE), Ile de France, France

Collectif Régional pour la Coopération Nord-Sud (CORENS), France

Comité argentino de solidaridad por el fin de la ocupación de Haití, Argentine

Colectivo Tejido de transicionantes por el Valle del Cauca, Arturo Escobar, Colombie

Colonialism Reparation, Italie

Comitê anti-imperialista general Abreu e Lima, Brésil

Comité de Derechos Humanos de Base de Chiapas Digna Ochoa, Mexique

Comité Democrático Haitiano en Argentina, Argentine

Comité Dominicano de Derechos Humanos, République Dominicaine

Commission altermondialisation et solidarité internationale de Québec solidaire, Canada

Commission Haïtienne pour le Respect des Droits Humains (CHREDHU), Haïti

Commission Épiscopale Nationale Justice et Paix (CE-JILAP), Haïti

Comité Catholique Contre la Faim et pour le Développement – Terre Solidaire (CCFD-Terre Solidaire), France

Comuna Caribe, Puerto Rico

Comunidad Cristiana Vanguardia Obrera, Espagne

Comuniste de Catalunya, Espagne

Confederación Intersindical Galega (CIG), de Galiza, Espagne

Confédération des Syndicats Chrétiens (ACV-CSC), Belgique

Confédération des Travailleurs et Travailleuses des Secteurs Public et Privé (CTSP), Haïti

Confédération des Travailleurs Haïtiens (CTH), Haïti

Congreso de los Pueblos – Capítulo Chile, Chili

Conseil National des Comités Populaires (CNCP), Martinique

Diaspora Africaine de Belgique (DAB), Belgique

Diaspora Togolaise de Belgique (DTB), Belgique

Diálogo 2000-Jubileo Sur, Argentine

ECOSUR, Ecología, Cultura y Educación desde los Pueblos del Sur, Argentine

Encuentro Belgian Latin America Network, Belgique

Enfant Haïtien France Action (EHFA), France

Entraide et Fraternité, Belgique

Europe Écologie Les Verts, France

Europe solidaire sans frontières (ESSF), France

Fédération Nationale des Travailleurs en Education et en Culture (FENATEC), Haïti

Fédération Nationale des Syndicats en Éducation (FENASE), Haïti

Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) fédérale, Belgique

Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) wallonne, Belgique

Fédération des organisations paysannes pour l’intensification agricole et la promotion de l’agriculture familiale (FOP-SIPAF) du sud Kivu, République démocratique du Congo

Fédération syndicale unitaire (FSU), France

Federación Uruguaya de Cooperativas de Vivienda por Ayuda Mutua (FUCVAM), Uruguay

FIAN Belgium – Pour le droit à l’alimentation, Belgique Fondation Frantz Fanon, France

Forum Nord Sud asbl, Belgique

Frères des Hommes, Belgique

France Amérique latine (FAL), France

Frente Nacional de Luta Campo e Cidade (FNL), Brésil

Fuerza de la Revolucionmanuelj (FR), République dominicaine

Fundación Embajada de Derechos Humanos, Venezuela

Fundación para la Promoción de los Derechos Humanos y Justicia de Paz, Équateur

Fundación Vivian Trías. Uruguay

Geomoun, Belgique

Grandir en Haïti, France

Groupe d’économie solidaire du Québec, Canada

Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR), Haïti

Grupo « Solidair met Guatemala », Belgique

Grupo de apoyo a la solidaridad de Haití (Grash), Espagne

Grupo de Trabajo CLACSO « Crisis, respuestas y alternativas en el Gran Caribe », Amérique latine

Haiti Support Group, Grande-Bretagne

Hoopvoorhaiti, Belgique

IFSI-ISVI, Coopération syndicale internationale, Belgique

Informationsstelle Lateinamerika (ILA), Allemagne

Initiative Artisans, Haïti

Initiative Patriote Marien (IPAM), Haïti

Iraqi Social Forum, Iraq

Institut de Technologie et d’Animation (ITECA), Haïti

Ligue des droits de l’Homme (LDH)-France, France

Lyon Haïti Partenariats, France

Marcha Mundial de las Mujeres Macronorte, Pérou

Medico international, Allemagne

MISEREOR, Allemagne

Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC), Belgique

Movimiento Rebelde, République dominicaine

Movimiento de Integración y Emancipación de Derechos Humanos del Sur, Venezuela

Nègès Mawon, Haïti

Nou Pap Domi, Haïti

Observatorio de la Riqueza Padre Arrupe, Argentine

Ongd AFRICANDO, Espagne

Organizaciones libres del pueblo-resistir y luchar, Argentine

Osjosma vzw, Belgique

Other News, Italie

Parti de la Gauche Européenne, Europe

Partido por la Victoria del Pueblo, Uruguay

Partido Comunista Revolucionario del Uruguay, Uruguay

Partido de la Refundación Comunista – Izquierda Europea, Italie

Pazapas ASBL, Belgique

Pèp Lib vzw, Belgique

Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (PAPDA), Haïti

Plateforme altermondialiste, Canada

Plateforme Haïti.be, Belgique

Plate-Forme Haïti de Suisse (PFHS), Suisse

Plateforme Nationale des Syndicats des Institutions Publiques (PLANSIP), Haïti

Pour une Ecologie Populaire et Sociale (PEPS), France

Rasanble pou’n Chanje Lavi’n (RaCh-Lavi’n), Haïti

Red de Solidaridad con Chiapas de Buenos Aires, Argentine

Regroupement des Haïtiens vivant à Montréal contre l’occupation d’Haïti (REHMONCO), Canada

Relais France-Europe de la Fondation Max CADET d’Haïti, France

Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), Haïti

Réseau Sud-Est de Défense des Droits Humains (RESEDH), Haïti

School of the Americas Watch (SOAW), Amérique latine

Secours Catholique – Caritas France, France

Service Œcuménique d’Entraide, France

Servicio Paz y Justicia – SERPAJ, Argentine

Socialist Revolutionary Workers Party (SRWP), Afrique du Sud

Solidarite Fanm Ayisyèn (SOFA), Haïti

Solidaridad Dominicana con Haití, République dominicaine

South African Federation of Trade Unions (SAFTU), Afrique du Sud

Suteba de La Matanza, Argentine

Tet Kole Ti Peyizan Ayisyen, Haïti

Ti Gout Dlo en Haïti, Belgique

Tysea – Hoop voor Haïti, Belgique

Union de Vecinos, États-Unis

Union juive française pour la paix (UJFP), France

Union Nationale des Normaliens/nes et Educateurs/trices d’Haiti (UNNOEH), Haïti

Vlaams Haïti Overleg, Belgique

Vision pour une nouvelle société haïtienne (VINOUSH), France

Women’s All Points Bulletin, WAPB, États-Unis

WSM – We social movements, Belgique