— Par Selim Lander —
Adaptée du roman de Raphaël Confiant par Isabelle Kancel et mise en scène par Nicole Dogué cette histoire inspirée d’un personnage réel est la première pièce du festival des Petites Formes représentée dans la salle Fanon de l’Atrium, lieu plus adapté au théâtre que les tréteaux du Chapiteau (même si l’existence de ce dernier, par les diffusions qu’il permet loin de la « ville-capitale », est évidemment un plus pour le théâtre en Martinique).
C’est une vieille femme qui se raconte. D’origine martiniquaise et de très humble extraction, elle s’échappe des Antilles tout comme de son emploi de bonne à tout faire d’abord vers Marseille puis vers New York. Noire et sans argent, elle échoue dans le coin le plus misérable de Harlem. D’où il lui faudra s’extraire et franchir de nombreuses étapes, déjouer nombre d’embuches avant de devenir la « reine » d’un réseau de loterie clandestine qui lui apportera, sinon la fortune, une honnête aisance. Au début de la pièce elle est donc cette vielle femme assise près d’une table basse sur laquelle est posée une tasse et une théière, avec un tiroir qui contient une boite pleine de photos. Elle se souvient et – miracle du théâtre – elle redevient alors la jeune femme puis la femme encore jeune qu’elle a été. Isabelle Kancel qui s’est chargée de l’interprétation campe une vieille dame (indigne) très convaincante, davantage au début, au demeurant, qu’à la fin où elle semble encore sous l’influence des Stéphanie St-Clair moins âgées qu’elle a également interprétées à côté de divers autres personnages.
Quoi qu’il en soit, on ne peut que saluer la performance de la comédienne qui a dû changer si souvent de registre, même si, encore une fois, on reste surtout marqué par sa première apparition, acagnardée dans un fauteuil près de la table basse. Mais la baisse de quelques degrés de notre enthousiasme au fil de la pièce est-elle vraiment liée à la modification du jeu de la comédienne ? N’est-il pas plutôt lié à Mme St-Clair elle-même ? Sans doute la verve de R. Confiant en fait-il un personnage intéressant dans l’espace d’un roman. Ramené à la dimension d’une pièce de théâtre, il ne reste qu’une suite d’épisodes racontés trop brièvement pour nous captiver. On est plutôt frappé par la monotonie de cette existence – paradoxalement car elle dût être trépidante dans la réalité –, une succession d’hommes et d’actes plus ou moins violents perpétrés par ou contre l’héroïne, avec un happy end improbable (mais vrai pour autant qu’on le sache).
Un mot pour finir à propos de la musique qui mêle piano classique et jazz, une bande son qui apporte incontestablement un plus au spectacle. Peut-on néanmoins remarquer que passer au moment des saluts un morceau entraînant et rythmée est une astuce cousue de fil blanc pour prolonger les applaudissements ?
Festival des Petites Formes, 18 janvier 2019.