La justice américaine s’est penchée sur la lourde responsabilité de l’agence de notation dans la crise des subprimes. Mais Standard and Poor’s accepte de payer une lourde amende pour éviter un procès qui aurait pu être historique. L’agence Standard and Poor’s a accepté de payer une amende de 1,37 milliard de dollars aux autorités américaines pour avoir trompé les investisseurs sur la qualité des crédits immobiliers dits « subprime », à l’origine de la crise financière. S&P, si elle admet sa culpabilité, évite en payant cette amende un long procès qui aurait permis d’étaler au grand jour les pratiques des agences de notation, de dévoiler les conflits d’intérêts dans lesquels elles sont plongées autant leur incompétence.
« Toutes les parties (…) ont estimé qu’il fallait trouver un arrangement pour éviter de longs délais, des incertitudes et éviter les inconvénients attachés à une procédure longue et coûteuse », explique S&P dans un communiqué.
L’Etat fédéral, par le truchement du ministre de la Justice Eric Holder, avait porté plainte en février 2013 contre S&P. Le rôle d’une agence de notation est d’évaluer la solidité d’un produit financier autant que d’un emprunteur. S&P, comme les autres agences, ont largement surévalué la solidité de produits financiers complexes (CDO) émis entre 2004 et 2007, dans lesquels étaient cachés des titres de dettes comprenant des « subprimes ». Ces prêts immobiliers toxiques ont été camouflés, notés fiables par les agences, et vendus en masse de par le monde, ce qui a déclenché la crise financière de 2007.
Une amende, mais pas de remise en cause
Que les Etats-Unis condamnent une agence de notation, c’est un symbole intéressant, mais un procès aurait permis de mettre en lumière toutes les casseroles de S&P. Outre la surévaluation, l’agence est également en partie responsable de l’emballement des taux d’intérêts (la note de l’agence détermine en grande partie la hauteur du taux d’intérêt) et donc des attaques spéculatives contre des dettes souveraines, celle de la Grèce en particulier. Il faudrait également se pencher sur les conflits d’intérêts qui plombent la crédibilité de ces agences, émanations de banques et fonds de pension dont elles notent la valeur des produits financiers… Une aberration permise par le fait que personne ne contrôle ces agences, qui sont leurs actionnaires, ni la formation de leurs analystes et encore moins leurs critères de notation.
Une autre enquête est en cours aux Etats-Unis contre une l’autre grande agence de notation, Moody’s Investors Service. Eric Holder est parti depuis deux ans en croisade contre les banques et autres responsables de la crise des subprimes, leur infligeant de lourdes amendes. Mais en sortant chaque fois le carnet de chèques, les institutions financières évitent les procès, le déballage public de leurs fautes, comme le risque du démantèlement. Une amende de quelques milliards pour acheter la paix sociale et éviter de se plonger au cœur de la corruption du système.
Lire à ce propos : Subprimes: à Bank of America de payer son amende record