— Par Stéphane Guérard —
À l’occasion de la Quinzaine du commerce équitable, gros plan sur le seul label du Sud, lancé par des coopératives d’Amérique latine, qui place les petits producteurs au cœur de ce mouvement d’émancipation.
Collectivité, justice, solidarité, équité, transparence, confiance, pluralité, respect des cultures locales, autodétermination et démocratie participative : la Coordination latino-américaine et des Caraïbes des petits producteurs de commerce équitable a choisi la liste la plus exhaustive des valeurs auxquelles elle voulait se rattacher pour fonder son label. SPP, pour Symbole de petits producteurs, est le premier label du commerce équitable voulu, défini et tenu par des paysans de pays du Sud.
Jusque-là, ce mouvement d’émancipation sociale, politique et culturelle par l’économie était l’apanage d’organisations d’Europe, d’Amérique du Nord et du Japon. En 2006, des coopératives d’agriculteurs d’une douzaine de pays d’Amérique latine et des Caraïbes ont ressenti le besoin de se regrouper pour affirmer leur propre voix. Quatre ans plus tard, le label SPP naissait. « Il ne s’agissait pas de rompre avec les labels existants, mais d’enrichir le débat en portant une autre vision que celle qui prévaut dans les grandes organisations », explique Christophe Eberhart, dont la Scop Ethiquable vend cacao, café et sucre portant ce logo si coloré.
Le label qui rend aux petits producteurs leur place
Alors que le label Max Havelaar a intégré la grande distribution depuis 1998 et contribue aujourd’hui à faire une place aux multinationales de l’agroalimentaire, via un label «édulcoré», les petits paysans latino-américains et caribéens prônent, eux, un retour aux sources. Jeronimo Pruijn, directeur de la fondation de tutelle du label, précise : «Une partie du commerce équitable a été heureuse de voir qu’un label tentait de recouvrer l’esprit originel et entendait rendre aux petits producteurs la place centrale qu’ils occupaient. Pour nous, la conception d’un commerce équitable comme branche du marché libéral fondé sur la concentration grandissante du capital et du pouvoir économique ne peut pas coexister avec l’idée d’un commerce équitable basé sur un marché démocratique, une économie inclusive et une société égalitaire.»
Lancés sur cette position bien tranchée, les 300 organisations de producteurs regroupés derrière SPP – soit 200 000 familles d’agriculteurs, plus d’un million de personnes – ont repris la main sur l’ensemble de la filière. Contrairement à d’autres labels venus du Nord, le leur ne donne aucune place aux grandes plantations de cultures faites pour l’exportation. Pour le café par exemple, le label ne certifie que des coopératives de paysans ne possédant pas plus de 15 hectares. Il tend par ailleurs à assurer un prix minimal garanti plus juste pour les producteurs, ces derniers ayant une voix prépondérante dans les discussions par rapport aux autres acteurs de la filière. Et sa procédure de certification impliquant des organismes externes garantit le sérieux de l’ensemble. « Les petits paysans ont ressenti le besoin de créer leur propre “maison”, dans laquelle ils sont aussi bien les propriétaires que les hôtes, d’où ils ne risquent pas d’être expulsés et où ils peuvent inviter ceux qui veulent renforcer l’édifice et soutenir la cause des organisations de petits producteurs », résume Jeronimo Pruijn. Cette maison, ils l’ont. L’idée a essaimé du Mexique au Pérou et de la Colombie à la République dominicaine. Une coopérative d’Indonésie a même reçu la certification pour son café.
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