Sowé Gwadloup, avant tout

Dans ce contexte où la pandémie du Covid-19 met en extrême danger le monde, et la Guadeloupe dans le monde ; au-delà de la peur bien compréhensible et du besoin sécuritaire du plus grand nombre, il faut s’exprimer. Réfléchir et agir par soi-même, sans s’en remettre à la seule parole présidentielle française.

Nous, KSG (Kolèktif pou Sové Gwadloup) ce qui nous importe avant tout, dans l’immédiat, c’est que la pandémie du Covid-19 fasse le moins de victimes possible en Guadeloupe. Aujourd’hui, en dépit des atermoiements coupables de l’Etat français quand le danger était déjà fortement présent, tout le monde s’accorde sur le confinement massif et les gestes barrières pour diminuer la circulation du virus.

Cependant, loin de se laisser complètement infantiliser par les sermons étatiques, la Société Civile organise les solidarités nécessaires pour que notre peuple puisse être soigné dans la dignité avec ses propres ressources humaines et se nourrir de ce que notre terre peut fournir. Honneur et respect aux soignants, aux agriculteurs, aux commerçants de proximité et à tous ces travailleurs qui, dans la situation actuelle de confinement, permettent d’assurer au plus grand nombre une vie à peu près supportable !

La crise sanitaire actuelle nous invite, une fois de plus, à repenser la Guadeloupe, et cela dans tous les domaines. Nous ne mêlons pas nos voix à la démagogie et à la vindicte ambiantes, ni davantage aux coups de com’ qui servent à aider chaque petit pouvoir à entretenir sa clientèle. Bien souvent, tout cela vit sur le dos des malheurs de notre peuple en affichant de fausses dignités. Les guadeloupéens apprennent beaucoup plus de leurs propres capacités déployées dans cette période de danger prolongé où ils auront été touchés dans leur chair et leur entourage familial et amical.

Laissons l’étonnement à l’égard des comportements de l’État à ceux qui les découvrent maintenant ! La surprise est souvent fille de l’aveuglement, pour ceux qui n’avaient pas vu ou cru que la Guadeloupe n’a jamais été autre qu’une possession française. Au royaume des aveugles les borgnes croiront toujours être rois. Tant que règneront la désinformation, l’absence de transparence des politiques publiques, le flou autour du sens des choses, du modèle économique et social, du système de santé, de l’identité culturelle réelle, le plus grand nombre vivra dans l’ignorance et l’oppression. Car il y a, au sein même de notre peuple, en raison d’intérêts privés, corporatistes ou simplement par peur du lendemain, mille manières de ne pas ouvrir tout grand les yeux.

Pour l’heure, l’État français est dans sa propre logique, lorsque ses préoccupations économistes, idéologiques et géopolitiques priment sur la vie sociale ou la vie humaine tout court. Quant à nous, guadeloupéens, il ne nous reste qu’à démontrer dans les faits,

maintenant, demain et après, que nous empruntons la voie de la Responsabilité collective.

Aujourd’hui, tout comme hier, mais avec une plus grande urgence, l’avenir qui se dessine pour la Guadeloupe dépend de nos propres choix, et c’est d’abord un choix politique. Non sur une pensée unique et imposée de haut, mais unitaire, donc démocratiquement définie à partir des idées et des actes responsables qui ont déjà cours. Ce n’est pas on sèl chimen imposé à tous, mais une convergence de ceux qui désirent faire Guadeloupe ensemble, on Liyannaj Pou fè Gwadloup.

Si nous ne mesurons pas bien ce qui se dessine déjà fortement à l’issue du confinement, nous ne saurons jamais quoi faire, citoyens, élus, tous autant que nous sommes. Nous ressentons le poids sur nos vies du capitalisme néolibéral, son obsession dévastatrice de profit financier, sa capacité de propagation du virus de la consommation des marchandises dont il inonde notre pays. Comment sevrer nos vies de ce modèle et faire naître notre propre modèle de faire ensemble pour mieux vivre ensemble ?

Le Covid-19 fragilise le système néolibéral autant, sinon plus que notre peuple qui, finalement, redécouvre qu’il reste à notre terre et son environnement de la ressource, au moins pour développer des activités nourricières. Dans une situation d’après-pandémie où de nombreuses entreprises ne seront plus, où le chômage s’amplifiera à un niveau encore plus élevé, où l’argent circulera beaucoup moins, que fera cette masse de consommateurs que ce système a créée ? Il ne sera plus question « d’emploi », sans conception d’activités nécessaires qui échappent à un modèle soudainement obsolète. Sinon, pas besoin d’être devin pour imaginer la Guadeloupe comme le terreau d’une violence extrême, jusqu’ici inconnue, avec une délinquance plus large et plus diversifiée.

Il n’y aura pas de Sauveur Suprême, ni Timal ni Prophète ni Messie. Le plus convaincu des patriotes ne pourra rien sans les autres patriotes. De même, l’ensemble des patriotes réunis ne pourront rien sans respect de leurs propres différences et sans, par conséquent, être à même d’emporter l’adhésion de la diversité des guadeloupéens. Le destin de la Guadeloupe ne reposera pas sur les épaules d’un individu.

Allons encore plus loin ! Face au capitalisme néolibéral, aussi mondialisé que la pandémie même, qui a conquis tous les pouvoirs autoritaires ou dits-démocratiques, capable d’asphyxier tout peuple, quelles que soient ses ressources, la Guadeloupe peut-elle se retrouver seule ? Évidemment non. Il faut penser à la fois Guadeloupe et Monde. D’abord, pour ce qui nous concerne, l’union de notre peuple avec ceux de la Martinique et de la Guyane qui, comme nous, sont encore sous domination française, avec les peuples de la Caraïbe, jusqu’à une union mondiale des résistances au néolibéralisme. C’est une démarche indispensable que celle d’éviter l’isolement dans le monde : établir suffisamment d’accords d’entraide avec des peuples amis qui adhèrent aux mêmes visions du futur de l’humanité.

FORCE ET RESPECT A CEUX QUI, MALGRÉ L’ADVERSITÉ, S’OBSTINENT A REGARDER L’AVENIR EN FACE !

C’EST CELA L’URGENCE.

, René Beauchamp, Thierry Césarus

, KSG ( Kolèktif pou Sové Gwadloup)

, 17 avril 2020