Le samedi 05 juillet à 19h & 21h 30 à l’Espace Camille Darsière. Foyal.
Confidence brutale du plaisir et de la frustration. Grand cirque de la passion, cabaret du sexe, manège du désir, Sous ma peau explore le fantasme et la réalité amoureuse dans tous ses états. L’Amour… Faire l’amour… et les autres, comment font-ils ? Que se cache t-il dans ma tête et dans mon ventre, d’inavoué, de trouble, de sulfureux ? Suis-je normale ? Charlotte ne sait pas, Charlotte ne sait plus. Mais qui, sait ?
L’histoire
A qui avouer qu’elle hésite à sortir le soir avec son amant parce-qu’elle sait qu’en rentrant, elle aura droit à la gâterie qui gâte tout ? Est-ce-que le désir de l’autre oblige (à passer à l’acte) ? C’est entre ce point de culpabilité de se croire pudibonde et de ras-le-bol de sa vie sexuelle que Charlotte est arrivée. Elle tombe sur une interview de Grisélidis Réal qui a alors 75 ans et qui, blessée de la fellation que son amoureux lui demande de faire « sous la pluie, dans le froid avec tout le monde qui peut les voir… ! » ; anecdote qui déclenche chez Charlotte une vraie remise en question.
Suis-je normale, se demande t-elle, et où se trouve son désir à elle ? Elle s’aperçoit en tout cas que le désir de son mari lui pourrit la vie. Charlotte essaie de se situer, elle s’informe, elle cherche à savoir : comment se passe le désir dans les autres couples ?
Sa belle soeur lui fait peine. Charlotte devine qu’elle aurait pu devenir comme elle, engoncée dans les convenances de son éducation : il y a des choses qui ne se font pas, qui sont sales…
Jean Louis, lui, la fascine. Il pratique la liberté sexuelle tout azimut. Elle voudrait avoir le courage d’essayer mais pourquoi ne peut-elle pas franchir le pas ? Elle en vient à se demander si l’amour existe ? Si le plaisir absolu est à la portée de tous ? Avoir quelqu’un dans la peau et réciproquement, ça existe ?
La vieille Marlène lui dit tranquillement que « Si on n’affronte pas le sexe, on ne connaît rien à rien de la vie… ! ». Et avoir une relation sexuelle en échange d’argent, n’est-ce pas plus simple ? Ne pas être embarrassée par son sentiment à l’autre et l’image de soi ?
Une nuit elle passe à l’acte : « Quand j’ai réalisé que j’avais plus de tendresse pour ce type que pour mon mari, j’ai pu rompre ! Faire la pute pour comprendre enfin que son couple est fichu, c’est quand même très enfantin ! »
Note de mise en scène
Pour la première fois en trente ans, au lieu du processus habituel, écrire une pièce, monter un spectacle et le livrer au public, j‘ai procédé à l‘inverse.
Après cinq années d‘interviews, retranscrites sous le titre Désirs*, il m‘est apparu que ce que j‘avais entrevu de moi grâce aux autres sur la complexité du désir amoureux, ne pouvait pas être restitué au théâtre seulement par des paroles ou une incarnation. Il fallait trouver une forme très affirmée pour me permettre de rendre à toutes ces paroles reçues en confidence, leur sens à la fois universel et subjectif : en un mot je ressentais le besoin de les mettre à distance.
J‘ai alors entamé un travail de longue haleine (trois ans), tour à tour excitant et désespérant, où il fallait me «coltiner» à moi-même. Qu‘est ce qui allait sortir de moi ? Tout cela est si personnel, ça fait peur. Tous ces anonymes étaient « sous ma peau » et ces secrets intimes qui me bouleversaient souvent, apportaient chacun un fragment de réponse à la question : qui suis-je ? Oui, c‘est de cela dont il s‘agissait chaque fois lors de ces interviews et c‘est de cela dont je voulais parler. Derrière ces interviews sur le désir se nichait ce « qui suis-je ? » dont la réponse n‘est jamais tranchée ni définitive…
Je voulais, bien évidemment, éviter de tomber dans le voyeurisme qui de toute façon ne dévoile rien d‘intérieur, ou dans l‘imagerie triviale de la sexualité, je voulais trouver une forme théâtrale qui permette de transposer la réalité parfois très crue sans l‘effacer. Je suis de plus en plus séduite par cette phrase de Kantor : « Le concept de vie ne peut être réintroduit en art que par l‘absence de vie au sens conventionnel ».
J‘ai compris au fur et à mesure, que la forme même de ce spectacle devait passer par la fabrication d‘objets. Tout ce qui me permettait de rompre avec l‘interprétation réaliste. Détourner les codes de jeu, mélanger les genres, jongler avec des jambes de mannequin, s‘amuser à fabriquer une lingerie surréaliste, découper une peinture pour en faire « un visage-ficelle-papier », danser avec un pantin grandeur humaine, tout cela en vue de suggérer l‘indicible, l‘inavoué, l‘inavouable du désir.
Les interviews, le choc de la découverte de l‘oeuvre de Grisélidis Réal, mon goût pour la peinture de Félicien Rops, ma vie circassienne, constituent eux, le fond du spectacle.
Je ne sais pas comment les idées viennent : conjonction hasardeuse des choses que j‘ai sous la main, influence de la musique m‘accompagnant toujours lors des répétitions au gré de l‘humeur… Tout à coup quelque chose de vrai naît de l‘artifice ; une image, une émotion jaillit et le sens surgit. Je suis étonnée parfois par la fulgurance de certains déclenchements, du choix qui s‘impose et de ce que ce travail réserve de surprises, de moments extraordinaires, d‘exaltation, suivis par la désespérance et la difficulté à trouver ou à retrouver la simplicité et la fluidité.
Je me suis enfermée des mois dans une solitude absolue mais j‘invitais de temps en temps un ami ou au contraire un inconnu à voir ce magma en chantier et j‘écoutais avidement les retours, les impressions pour comprendre ce que je faisais. Cette relation (acteur-spectateur unique) a été implicitement le terreau de cette création de Charlotte, personnage à visage multiple comme nous tous.
Et puis je me suis fixée des rendez-vous avec un public restreint… pour entendre l‘écho de ces textes, traités « organiquement »…
Au lieu d‘avoir un metteur-en-scène, j‘ai eu des spectateurs qui déclenchaient chez moi, une volonté d‘être entendue, une chaleur, un besoin intuitif de séduction pour faire passer des frustrations, des manques, etc. La présence du « public-cobaye » développe une acuité, une précision, une concision, la vie dans le moment présent. Je n‘aurais pas pu créer ce spectacle sans cette circulation entre la parole confiée, le jeu physique et vocal, et les spectateurs.
Sous ma peau, c‘est simplement l‘histoire de Charlotte qui se découvre à elle même.
« Mais pourquoi une chose si simple a-t-elle été si difficile… ? » : c‘est la dernière phrase de la pièce, qui résume étrangement mon parcours avec ce spectacle.
Geneviève de Kermabon