— Par Selim Lander —
Rien de tel qu’un spectacle « jeune public » pour se changer les idées par un dimanche pluvieux. Ces pièces conçues pour les enfants sont tout autant appréciées par les adultes chez qui elles ravivent le sens du merveilleux étouffé par les responsabilités et les vicissitudes diverses qui sont leur lot ordinaire.
Venu de Marseille, Soundiata l’enfant buffle conte l’histoire de Soundiata Keita, fondateur au XIIe siècle de l’empire du Mali. Un personnage historique dont la geste, pour autant, n’est pas moins merveilleuse. Né d’une femme contrefaite créée non pas engendrée à partir du sang d’un buffle sauvage, lui-même infirme jusqu’à la fin de l’adolescence, nourri de glorieuses légendes, guerrier accompli et enfin, devenu empereur, humaniste avant l’heure puisqu’il édicta une charte décrétant, entre autres dispositions généreuses, l’abolition dans son empire de l’esclavage.
Mohamed Adi (et non Ali !) et Laurence Chanot pratiquent un théâtre d’ombre particulier puisque leurs marionnettes (des silhouettes articulées) sont fabriquées dans une matière translucide, laquelle, teintée « au vernis à ongles » (dixit L. Chanot), donne des images colorées sur l’écran. Ou plutôt les écrans puisqu’il y en a deux, de tailles différentes, qui permettent de jouer sur deux échelles.
Contrairement à nombre de spectacles jeune public, celui-ci ne sollicite pas les réactions de l’auditoire (sauf tout à fait au début et à la fin où le public est invité à s’exprimer). S’il retient néanmoins de bout en bout l’attention des enfants (et des plus grands), c’est nous semble-t-il parce qu’il est à l’opposé de tout ce à quoi l’on est (petits ou grands) habitué par le robinet de la télévision avec des émissions enchaînant les séquences de plus en plus brèves, tant les programmateurs ont peur (zapping aidant) de perdre leur « audimat » en cours de route. Rien de tel ici : lorsqu’on est installé – inconfortablement en l’occurrence (!) – dans son fauteuil de l’Atrium, il n’est pas question de changer de chaîne ! Le simple fait que nous soyons là indique notre disposition à accepter les conventions du théâtre. Et c’est merveille (qui sera décidément le mot de cet article) de voir comment de petits enfants sont prêts à accepter des pièces comme celle-ci où l’action ne se précipite pas, qui ménage des « noirs », des silences. Ainsi – bonne nouvelle ! – nos enfants ne sont-ils pas aussi intoxiqués qu’on pourrait le craindre par les dessins animés vulgaires et criards dont ils sont trop souvent gavés.
« En communes » et à Tropiques-Atrium les 21 et 22 avril 2018.