« Une fois couchées – Nous sommes – maîtresses de nous-mêmes, vulnérables – pelotonnées, – protectrices – semblables aux autres. – Une fois couchées – Nous sommes – Nues – malades, fatiguées – Malades et fatiguées d’être malades et fatiguées – et puis, lorsqu’on ne se recouche pas, renvoyées – Nous reposons nos yeux juste une minute – Dans l’attente qu’Olympia termine sa toilette avant de reprendre le travail – Sans t’inviter à nous enfourcher – Sans rejouer avec toi – Claquées. Une fois couchées – nous te regardons – nous nous cachons – nous – nous arrêtons – nous communions avec nos dieux – Sacrés. – Essayant juste d’avoir une minute à nous – Nous nous relevons – Retrouvons nos forces – Violentes, félines, redoutables – Nous complotons, projetons. – Nous sommes – Des odalisques séduisantes- nous voulons que – tu nous aimes – Bien sûr nous voulons que tu nous aimes, aies envie de nous – Désirables – Gardant le pouvoir – Majestueuses au repos – Privilégiées – Nous nous amusons – Nous – réécrivons notre histoire – Honorons nos ancêtres – Nous sommes aux commandes – Nous nous accrochons et guérissons – Libres. » Carla Williams, écrivaine et rédactrice spécialisée dans la photographie. ZANELE MUHOLI, COURTESY OF STEVENSON GALLERY, CAPE TOWN/JOHANNESBURG, AND YANCEY RICHARDSON GALLERY, NEW YORK
L’artiste et militante est engagée de longue date contre l’homophobie et la haine raciale.
Après avoir grandi dans un township à la périphérie de Durban, Zanele Muholi s’installe, à l’âge de 19 ans, à Johannesburg où elle s’inscrit, en 2002, au Market Photo Workshop, école fondée par le mythique photographe sud-africain David Goldblatt. Cette formation avancée de deux ans constitue un tournant majeur pendant lequel l’artiste énonce les principes de sa démarche photographique qu’elle définit en corrélation absolue avec son engagement envers la communauté sud-africaine LGBTI qui, bien que la Constitution lui soit favorable, continue de subir violences, discriminations et inégalités. En tant qu’« activiste visuelle » – c’est ainsi que Z. Muholi aime à se présenter –, elle développe une importante archive visuelle ouverte, qui prend pour sujet principal les femmes noires lesbiennes.
En 2006, elle initie un ambitieux projet intitulé Faces and Phases, « Faces » désignant les personnes et « Phases » les différentes phases de la construction de leur identité. Emblématique de sa démarche, cette série en constante évolution se compose aujourd’hui d’environ 300 portraits de femmes, rencontrées à travers tout le pays et avec lesquelles Z. Muholi souhaite établir « une relation fondée sur une compréhension mutuelle ». Capturés à différents moments de leur vie, ces modèles sont tous photographiés selon un même principe, imposé par l’artiste : en buste, de face ou de trois quarts, cadrés à distance égale, en intérieur ou en extérieur, en noir et blanc, sans artifice, ni décor, ni costume. Avec cette collection unique, Z. Muholi donne une visibilité aux femmes noires lesbiennes sud-africaines, révèle leur présence et leur offre la possibilité de s’affirmer dans leur différence et leur singularité aux yeux du monde. Mais, au-delà du documentaire social, ces images, à la sincérité manifeste, s’imposent dans un face-à-face d’une rare intensité avec le spectateur.
Ludovic Delalande
Zanele Muholi, artiste et militante sud-africaine née en 1972, présente dans Somnyama Ngonyama − Salut à toi, lionne noire ! 96 autoportraits qui questionnent la représentation du corps noir, l’injustice et la place de la femme noire dans la société d’aujourd’hui. Cette monographie est accompagnée de 24 textes inédits de poètes, auteures et commissaires d’exposition placés en regard des images.
Un entretien avec Renée Massai, conservatrice en chef au musée Autograph ABP de Londres, centre d’art dédié à l’exploration de l’identité par le biais de la photo et du film, referme cet ouvrage.
Les huit photos de Zanele Muholi et textes présentés sont tous extraits de Somnyama Ngonyama − Salut à toi, lionne noire !, beau livre édité par delpire&co en 2021.
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