*A Madiana Vendredi. 24 avril 15 à 19h30.
—Par Dégé—
D’abord un happy end où le héros Tomas réussit enfin à recoller les morceaux de son manteau de héros en sauvant, cette fois, sa femme dans une tempête de neige où il a aventuré sciemment toute sa petite famille. Tout se passe dans un écran de blancheur purifiante et confuse.
Ensuite comme une excroissance qui aurait inexplicablement échappé au montage, un nouvel épilogue. Le panorama vaste, précis, en pleine lumière, laisse voir une vallée vertigineusement profonde où serpente une route en apique sur laquelle un conducteur d’autobus inexpérimenté peine à ne pas basculer dans le vide. Ebba, la femme de Tomas, lâche à son tour, tremble, veut sortir. Tant la peur est contagieuse, les autres passagers descendent et tous vont rentrer à pied. Sauf une personne. (Peu précautionneuse, seule, reste dans le car une jeune femme qui, ayant laissé en Suède ses devoirs familiaux, a passé chaque jour de sa semaine de vacances avec un homme de son choix. Liberté. Ressourcement. Elle prend tous les risques qu’une vie sans peur et sans reproche lui offre.)
Ainsi cheminent groupés ceux qui, humains trop humains, cèdent à la peur et se condamnent à une fraternité, un compagnonnage médiocres. Ceux qui savent restaurer l’image qu’ils ont d’eux-mêmes dans des compromis, des demi-vérités, des mensonges par omissions, de la mauvaise foi, des complicités malsaines…Ceux qui savent retrouver confiance en eux parce qu’ils ont pu se croire un héros en organisant une sortie d’autocar pourtant sans panique et sans danger. Le troupeau des conformistes déambule sur la route asphaltée, cahincaha, au gré des petites solidarités et des petits partages : une cigarette offerte, un gosse sur les épaules…
On peut voir autrement cette scène finale et entendre de l’auto dérision dans ce cri « les femmes et les enfants d’abord !» lancé par un de ces hommes torturés par l’inquiétude d’être un lâche. Il n’est pas ridicule car sincère. Il fait ce qu’il peut…Et comment et de quel droit émettre un reproche ? Il n’est pas facile d’être une femme. Il est impossible d’être viril à chaque minute de sa vie. Les impératifs sociaux exigent beaucoup, trop, de chaque sexe. Alors pour échapper au mépris si inéluctable, si insoutenable, si corrosif que l’on a de soi, de ses parents, de ses amis que faire sinon se regrouper frileusement, volontairement aveugles, dans sa famille, ses relations amicales, sportives…
Snowtherapy*. Avec ce titre Ruben Östlund annonce son film comme léger et même s’il nous questionne sur nos énergies les plus profondes, loin d’être conceptuel, moralisant, il est vraiment plaisant. C’est un constat ironique de notre « humanitude ». On y rit souvent. Même quand la poulie grinçante d’un rouage étrange résonne dans le paysage glacé comme dans un film d’horreur. Quand l’archet hivernal de Vivaldi rompt brutalement un silence pesant. Quand les moteurs des brosses à dents électriques de la famille joue en chœur dans leur luxueuse salle de bain. Quand l’œil inquisiteur d’un homme de ménage au visage patibulaire espionne le couple en crise et en mal d’intimité. Le décor quasi martien de la station des Arcs contribue à l’expression angoissante et dérisoire à la fois des sentiments.
La cryothérapie peut traiter les muscles endoloris des sportifs, les articulations défectueuses des rhumatisants. Mais peut-on croire qu’il suffirait de beugler son malheur, en groupe ou solitaire, pour guérir ? Oui ? Alors que vive la snow therapy.
*A Madiana Vendredi. 24 avril 15 à 19h30.