— Par Guy Gabriel —
Réalisé par Martin Scorsese ; avec Andrew Garfield, Adam Driver, Liam Neeson, Tananobu Asano ,Issei Ogata
1633, les jeunes jésuites Rodrigues et Garupe insistent pour aller au Japon afin de retrouver le père Ferreira, leur mentor qui les a guidés sur le chemin de la spiritualité ? Celui-ci a, en effet, disparu ; qu’est-il devenu ? Sur place il vont découvrir, à leur risques et périls, l’incroyable vérité, en étant obligés d’affronter les seigneurs féodaux qui voient d’un mauvais œil l’arrivée des hommes d’Eglise ; leur vie est rapidement en danger.
Scorsese, une fois de plus, vérifie l’adage qui dit : « Tu peux quitter la religion, mais Dieu te retrouve toujours » ; en effet, voilà qu’avec son dernier film il se trouve face à Dieu, en s’interrogeant sur son silence face aux exactions des hommes. Sans jamais tomber dans un prosélytisme désuet, il met en question ce silence en doutant sérieusement du rapport de domination qu’installe la religion chrétienne en voulant prouver que son vision de Dieu est la seule vérité qui puisse être ; rapport de domination qui n’hésite pas à écraser toute autre regard ; ici, et sous forme d’une enquête qui va mettre en danger deux prêtres jésuites, inquiets de la disparition de leur mentor dans le Japon du XVIIe siècle, le film va prendre des allures de thriller extrêmement original qui n’hésite pas à montrer la violence et l’intolérance à l’œuvre. Silence va s’avérer une œuvre très moderne, car l’Inquisition, du côté japonais, la conversion forcée de l’autre, autant de thèmes qui ont hanté l’Histoire depuis la nuit des temps. Silence est un regard lucide sur ce qui est, en somme , une forme de colonisation, qui veut remplacer une religion établie(le Bouddhisme), par une autre (le Catholicisme) ; d’un côté comme de l’autre un fanatisme qui peut être dévastateur pour l’humanité de l’homme,notion dont Nietzsche disait « Le fanatisme est la seule forme de volonté qui puisse être insuflée aux faibles et aux timides«
Silence c’est aussi le portrait de deux hommes, jeunes, un rien naïfs, mais qui croient en leur double mission ; d’un côté, retrouver leur mentor, de l’autre, faire face à la fois à la confiance que leur font les chrétiens du cru, de l’autre l’agressivité de l’inquisition.
Scorsese, avec un sujet grave, délicat, compliqué, semble avoir atteint une certaine grâce et nous invite à un voyage à la limite de la métaphysique, mais qui semble aussi fustiger tout ce qui peut ressembler à un dogme envahissant ; il nous dit également de nous méfier des vérités établies, nous rappelant ainsi que les vérités ne sont pas éternelles ; on pense encore forcément à Nietzsche qui disait que « l’ennemi de la vérité, ce n’est pas le mensonge, ce sont les convictions » (Humain trop humain).
Silence n’est pas un film facile, loin de là, mais qui fait appel à notre intelligence ; ce voyage est aussi un voyage intérieur, mené à la manière d’un thriller avec ses zones d’ombre, son sens de la violence, qui n’établit rien, mais interroge, avec une mise en scène qui s’étire, certes, mais est superbement maitrisée, avec un Andrew Garfield, loin de Spiderman, qui fait passer toute la fragilité du personnage ainsi que ses doutes. Un vrai cinéma d’auteur.
G.Gabriel