— Par Térèz Léotin —
Selon Jean Dutourd « la démission des parents consiste à donner beaucoup d’argent de poche et peu de gifles ». Si nous ne sommes pas d’accord pour donner beaucoup trop d’argent de poche, nous nous révoltons tout autant contre les gifles. Ce n’est pas avec les coups qu’on éduque ni avec l’argent qui ne fait qu’éblouir. Nous voilà pensant à cet élève qui, alors que nous étions encore en fonction, arriva à l’école maternelle d’une banlieue de la Martinique, avec un billet de 50 € qu’il exhibait. Dans sa grande bonté, la souris qui avait récolté sa dent de lait, le lui avait généreusement glissé sous son oreiller. Il pourrait, lui avaient alors dit ses trop bienheureux parents, acheter autant de bonbons qu’il en voudrait, répétait-il.
Les temps n’étant plus ce qu’ils étaient, et au travers des brumes lointaines de l’époque de mon enfance, je revis puis je compris le geste de notre pauvre bonne souris qui ne nous donnait que quelques malheureux centimes. Et en me disant autres temps, autres mœurs, je la regrettai amèrement. Elle nous avait appris la valeur de la privation, qu’il faut aussi connaître pour réfréner ses envies.
Une nouvelle catégorie de parents avait pris place. Récusant les souris ringardes, pour d’autres plus modernes. D’ailleurs, c’est simple, l’on n’y croit plus. Balivernes que tout cela dit-on à qui veut l’entendre. Pourtant combien de fois a-t-elle donné libre cours à notre imagination ? Mais fini le rêve. Laissons place à la réalité qui, elle, est bien fade, lorsque l’imagination est enterrée.
Au siècle dernier, Hervé Bazin disait déjà : « Les parents d’aujourd’hui ne se situent plus comme jadis, selon leur tempérament, entre la méfiance et la confiance ; ils se situent entre la confiance et la démission. »
De nos jours, les parents se sont placés vraiment hélas, sous le joug de leurs enfants dont ils exhibent les savoirs et connaissances sans se soucier de leur donner un peu d’éducation. L’instruction prime sur l’éducation, mais l’un va-t-il sans l’autre ? Ces enfants, adultes avant la puberté, savent comment faire pour devenir de parfaits tyrans. Ils montrent leur connaissance, s’immiscent et participent aux conversations et les parents sont fiers. Zakari a menm pri pen an. Il y a échange oui, éducation non. Mais peut-on dire qu’il y a réellement échange, si on n’indique pas les limites de la liberté ? Pour l’instant ces génies n’ont que faire de l’autorité parentale. Ils n’en savent rien.
Ils auront tout leur temps plus tard, d’affirmer leur forte prépotence, sur ces parents satisfaits de cette géniale progéniture, car plus on cède, plus ils s’imposent, plus ils exigent, et plus les parents obéissent. Ils ont constaté la démission de ceux-ci, alors les enfants-rois en profitent et par leur puissance acquise, ils les dominent.
C‘est une éducation bien médiocre que celle de laisser sa propre mission d’éducation entre les mains de son enfant. Comme dirait Stephan Hessel : indignez-vous !
Térèz Léotin