— Par Rodolf Etienne —
Kreyol oliwon late-a
Seychelles : « Le festival créole joue un rôle phare de dynamisation de la créolité internationale »
Lancé en 2014, le seul institut créole de tout l’Océan Indien, l’Institut Créole des Seychelles, répond à la nécessité de valorisation de l’identité, la culture et la langue créoles, manifestée depuis toujours par la communauté créole de l’île. Penda Choppy, la directrice de l’Institut, nous présente la créolité seychelloise dans ses grandes lignes.
Vous dirigez le seul Institut créole de tout l’Océan Indien. Quelle place occupe aujourd’hui le créole dans la culture et l’identité seychelloises ?
Depuis sa reconnaissance comme langue maternelle dans les années 80, le créole seychellois est très cher au peuple des Seychelles. L’existence d’un institut créole, et en premier lieu, le festival créole annuel assure une promotion continuelle pendant tout l’année de l’identité et de la culture créoles. Entre ces deux institutions, la participation des différentes couches de la société dans le développement de notre culture et notre langue créole est assuré : les écoles, les artistes, les jeunes, le service public, les médias, les gens âgés, la secteur privée…
Quelles sont les principales missions de l’Institut créole des Seychelles ?
La mission principale de l’Institut Créole des Seychelles c’est de conserver le patrimoine créole, de le promouvoir et, par ailleurs, d’assister au développement du créole seychellois. Nous mettons en œuvre des moyens de développement spécifiques tels que la littérature, la recherche, l’observation du développement linguistique du créole, et des structures qui facilitent la standardisation de l’écrit, comme par exemple, les dictionnaires, les grammaires, les lexiques…
La promotion et la valorisation du créole sont-ils des axes de développement politique, économique aux Seychelles?
Je pense, personnellement, que l’on a trop tendance à valoriser le créole comme langue identitaire, comme patrimoine culturel plutôt que comme langue et culture offrant un impact en terme économique. Je pense que progressivement les attitudes changent, ici aux Seychelles, certes avec une forte volonté politique derrière ces changements.
Existe-t-il des similitudes entre le créole des Seychelles et ceux des Antilles françaises?
Oui, il y a des similitudes – le vocabulaire de base est la même, les expressions sont similaires, les gestes sont pareils… parce que les créoles de ces deux régions ont subi la même histoire. Il peut avoir des petites différences dans certains aspects, mais généralement on se comprend. C’est aussi mon expérience personnelle.
Les Seychelles ont été à une époque leader dans le domaine de la créolité internationale. Qu’en est-il aujourd’hui ? Les intellectuels seychellois sont-ils toujours dans cette même perspective internationale ou alors sont-ils aujourd’hui plus tournés vers les Seychelles même ou vers le bassin créole indien ?
Dans le cadre de la promotion du créole, surtout à travers le festival créole, les Seychelles jouent toujours un rôle phare de dynamisation de la créolité internationale. Cependant, sauf dans le domaine de la musique, je pense qu’il y a une insuffisance dans le développement de la littérature. On ne produit pas assez de livres en créole et on ne lit pas assez le créole. Je ne peux pas dire qu’aujourd’hui, les Seychelles jouent encore le rôle de leader qu’on a pu lui connaître par le passé, justement à cause de ce manque en littérature. Aujourd’hui, la littérature ou, plus généralement, la recherche dans le domaine de la linguistique créole occupe la première place sur la scène internationale. Progressivement, nous pensons retrouver cette place de leader dans les études créoles. En 2018, nous allons organiser aux Seychelles, avec le soutien du comité international des études créoles (CIEC), le 16ème colloque du comité.
Quels sont les liens qui existent aujourd’hui entre les communautés créolophones de l’Océan Indien ? Et quelle place occupe les Seychelles dans ces échanges, s’ils existent ?
Oui, bien sûr, ces liens existent. Tous les trois pays créolophones de l’Océan Indien (Réunion, Maurice, Seychelles) gardent et entretiennent des liens culturels et diplomatiques, surtout dans le cadre d’actions de coopération culturelle. Le Festival Créole des Seychelles réunit tous les créolophones de la région chaque octobre, et en plus, les jeux de la francophonie et les jeux des iles nous réunissent comme insulaires et comme créoles.
Quelle place occupe la diaspora seychelloise dans le monde ? Où se situent les poches de diasporas les plus importantes et quelle place occupe le créole au sein de ces diasporas ?
Je ne peux pas vraiment parler du rôle que joue la diaspora Seychelloise dans le monde. Nous n’avons pas menée d’études spécifiques sur ce sujet. Mais je sais qu’en Australie, par exemple, il y a une communauté créole très active et qui organise son propre festival créole tous les ans. Les enfants créoles de la diaspora australienne apprennent à danser le séga, savourent la cuisine créole et apprécient la musique créole. A mon avis, les trois diasporas créoles seychelloises les plus importantes sont situés au Canada, en Angleterre et en Australie.
Interview réalisé par Rodolf Etienne
Exergue 1 : « Je pense que l’on a trop tendance à valoriser le créole comme langue identitaire, comme patrimoine culturel plutôt que comme langue et culture offrant un impact en terme économique. »
Les Créoles dans l’Océan Indien
La Réunion. Créole à base lexicale française. Langue régionale officielle depuis 2014. Il est issu principalement du français, des langues africaines, de malgache, indo-portugais et de tamoul. 700 000 locuteurs.
Maurice et Rodrigues. 1 200 000 locuteurs. Il est issu, tout comme le créole réunionnais, du français, des langues africaines, malgaches, indo-portugais et tamouls. Le créole de Maurice n’est pourtant pas toujours compréhensible par un Réunionnais.
Les Seychelles. L’une des langues officielles avec le français et l’anglais. Issu du même tronc commun que le créole de La réunion ou de Maurice. 70 000 locuteurs.
Photo 1 : Penda Choppy, directrice de l’Institut créole des Seychelles, en compagnie de Ronny Govinden, juge à la cour Suprême, présentant la constitution seychelloise en créole.
Photo 2 : La créolité seychelloise : une réalité du quotidien.
Photo 3 : L’institut Créole des Seychelles.