« Sexe et pouvoir » : Joséphine de Beauharnais l’enjôleuse

— Par Jean-Michel Normand —

Fille de planteurs créoles, l’épouse de Napoléon avait peu de raisons d’aimer le régime républicain. Mais elle ne semble avoir joué ni de son charme ni de son influence politique en vue du rétablissement de l’esclavage, effectif en 1802.

La figure victimaire de l’impératrice répudiée pour n’avoir pas donné d’héritier à Napoléon a longtemps pris le dessus sur l’autre Joséphine de Beauharnais. La femme de réseaux, mobilisée en faveur de la noblesse déchue, voire le bras armé d’un lobby esclavagiste.

Le 26 juillet 2020, à Fort-de-France, sa statue a été déboulonnée par des activistes dénonçant un symbole du passé colonial de la Martinique. La belle Créole avait, il est vrai, peu de raisons d’aimer un régime politique qui avait aboli la traite des Noirs, en 1794.

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Incarcérée avec son vicomte de mari, qui sera guillotiné en 1794, elle échappe in extremis à l’échafaud grâce à l’arrestation de Robespierre. Par l’intermédiaire de Paul Barras, avec lequel on lui prête une liaison, elle rencontre Napoléon Bonaparte, qu’elle épouse (en se rajeunissant de quatre ans et lui se vieillissant d’un an pour atténuer leur différence d’âge) en 1796. Malgré les relations houleuses engendrées par ses infidélités respectives, le couple se stabilise et devient un redoutable tandem politique. Marie Josèphe Rose Tascher de La Pagerie, que l’historien Pierre Branda baptise « la consulesse », est issue d’une famille de planteurs de Martinique.

L’inventaire réalisé après le décès de sa mère, « l’Auguste Madame », recense 123 esclaves, pour une valeur estimée de 270 000 livres. L’abolition, votée par la Convention en 1794 à l’initiative de l’abbé Grégoire, ne change rien sur l’île antillaise, alors occupée par les Anglais. Albion ayant finalement restitué ces territoires, les colons blancs s’affolent. Un corps expéditionnaire débarque de métropole pour éteindre une rébellion d’officiers noirs en Guadeloupe mais sans parvenir à mater Saint-Domingue, qui proclamera son indépendance en 1804.

Le parti colonial est ailleurs

L’enjôleuse épouse Bonaparte aurait-elle usé de son charme pour obtenir du futur empereur le rétablissement de l’esclavage, en 1802 ? Elle aurait fait coup double : prendre une revanche politique sur la Révolution et assurer les intérêts familiaux.

Selon Pierre Branda, « rien ne permet d’affirmer que Joséphine ait tenté d’influencer Bonaparte [sur la question de l’esclavage]. Au contraire, il semble même qu’elle s’en soit sinon désintéressée, du moins fort peu préoccupée ».

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« Joséphine n’a ni désapprouvé ni justifié le régime de l’esclavage ; elle s’en est seulement accommodée comme d’une évidence, s’en remettant à la tradition qu’il ne lui revenait pas de contester », renchérit Christophe Pincemaille, attaché à la conservation du Musée national du château de Malmaison. D’ailleurs, elle ne verra aucun inconvénient à conserver des esclaves à son service jusqu’à sa mort, en 1814. En revanche, elle intervient à maintes reprises pour permettre le retour de familles nobles émigrées.

Le vrai parti colonial est ailleurs. Cambacérès, deuxième consul, et Talleyrand, ministre des relations extérieures, en sont les plus actifs représentants. Bien décidé à reconstituer un empire colonial en Amérique, Bonaparte n’avait besoin de personne pour restaurer l’esclavage. « Je suis pour les Blancs parce que je suis Blanc. Je n’ai pas d’autre raison et celle-là est la bonne », aurait-il énoncé devant le Conseil d’État.

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