Mercredi 10 & jeudi 11 avril 2019 à 19h 30 au T.A.C
— Par Christian Antourel —
C’est donc à travers trois personnages conçus comme autant d’extensions de lui-même, que Nelson-Rafaell Madel dans ce seul en scène, réussit ce défi de ne parler que d’une voix. Ainsi « Seulaumonde » est l’illustration parfaite de cette poétique d’une esthétique de l’impossible où traquer le vivant pour parler de la mort à moins que ce ne soit l’inverse est une performance qui nous saisit à bras le corps et à l’esprit.
La peur de la mort le perturbe lui qui déjà mort cherche l’inaccessible dialogue avec la Veuve incontournable, afin qu’elle lui permette de manifester ses émotions, ses questionnements, ses besoins, ses craintes et ses anxiétés. Comme si déjouant systématiquement les sortilèges de la mort, il ne se laissait pas capturer vivant, feintait son adversaire, imposait des masques changeants et des expressions passagères d’un portraitiste . Or les trois autoportraits du comédien révèlent la même faculté de ne pas se ressembler, de se montrer tour à tour méditatifs, fiers et révoltés, désespérés sans jamais donner le dernier mot « mourir n’est rien » chantait Brel, mais partir ?
Cette finitude doit l’emporter mais le doute est là.
Le théâtre de Damien Dutrait est définitivement écartelé entre deux extrémités : le rigide et la ponctuation, la science et l’esthétique, l’âme et le corps , le réel et le virtuel puisqu’expressionisme crispé et neutralité aboutissent à la même conclusion, à la même vérité quand la réalisation met en scène les obsessions de Seulaumonde. C’est bien dans ce rythme et dans la ressemblance des personnages tant physique que psychologique avec lui que Nelson-Rafaell Madel réussit à exister et à nous subjuguer sur scène. Il va même jusqu’à leur imposer, telle un marque de fabrique son même jeu énigmatique et savant. Ils peuvent en témoigner. C’est même assez déstabilisant tant les personnages portés par une machinerie délirante, et tellement artistique (lumière/scénographie, son/musique, chorégraphie, improvisation et clair obscurs) sont en accord parfait avec la dramaturgie de la pièce, d’où évidemment surgissent les émotions des souvenirs tirés de sensations étranges et calculées, pour que persiste une incompréhension que le spectateur doit décrypter au risque de se perdre.
Lire aussi :
Nelson-Rafaell Madel, ou Seulaumonde, à la vie à la mort ! — par Janine Bailly —
« Seulaumonde » : l’urgence de vivre — Par Christian Antourel —
Au Théâtre Aimé Césaire
Mercredi 10, Jeudi 11 Avril 2019
A 19H30.
De Damien Dutrait
Avec Nelson-Rafaell Madel
Théâtre des 2 saisons et
Collectif La Palmera
Réservation : 05 96 59 43 29
06 96 22 07 27
Christian Antourel.