— Par Jean Samblé —
Le Service national universel (SNU), instauré en 2019 sous l’impulsion du président Emmanuel Macron, est aujourd’hui au cœur des débats sur son efficacité et son avenir. Conçu pour renforcer la cohésion nationale et développer un esprit civique chez les jeunes de 15 à 17 ans, le SNU n’a toutefois pas encore rencontré l’adhésion massive attendue. Son ambition de généralisation à toute une classe d’âge d’ici 2026 soulève des critiques croissantes, tant sur ses objectifs flous que sur ses contraintes logistiques et financières.
Selon un rapport récent de la Cour des comptes, le dispositif actuel ne répond pas pleinement à ses ambitions, notamment en matière de mixité sociale et d’engagement. La composition sociologique des participants, marquée par une surreprésentation de jeunes issus de milieux favorisés et de familles liées aux corps en uniforme, limite l’objectif d’inclusion. En outre, malgré un objectif initial de participation de 800 000 jeunes par an, ce nombre n’a jamais été atteint.
Un autre point de discorde concerne le coût du SNU. Estimé par le gouvernement à 2 milliards d’euros, ce chiffre a été jugé largement sous-évalué par la Cour des comptes, qui avance un coût réel se situant entre 3,5 et 5 milliards d’euros par an pour sa généralisation. À cela s’ajoute un besoin d’investissements de 6 milliards pour la construction des centres d’hébergement, portant le coût total à plus de 10 milliards d’euros. Les magistrats financiers dénoncent également une gestion dans l’urgence, marquée par des surcoûts, une désorganisation et une montée en charge non maîtrisée.
Ces enjeux économiques ne sont pas les seuls à susciter des inquiétudes. Les défis logistiques liés à la généralisation du SNU sont nombreux : manque d’hébergement, difficultés de recrutement des encadrants et gestion complexe des transports. Dans ce contexte, la Cour des comptes appelle à une clarification des objectifs du dispositif, ainsi qu’à une meilleure évaluation et un cadre juridique plus solide pour encadrer sa mise en place.
Les critiques ne s’arrêtent pas là. Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du SNPDEN-Unsa, a récemment souligné que la généralisation du SNU équivaudrait à la perte de près de 50 000 postes d’enseignants et d’un million d’heures de cours pour les élèves de seconde. Il rappelle que le volontariat des élèves dans le cadre actuel est bien accepté, mais que toute tentative d’extension obligatoire doit être pesée face à d’autres priorités éducatives, notamment la lutte contre les inégalités scolaires.
Ainsi, le futur du SNU demeure incertain, tiraillé entre une volonté présidentielle de le rendre universel et des obstacles financiers, logistiques et pédagogiques majeurs. Avant toute généralisation, il semble impératif de redéfinir ses objectifs, ses modalités et ses priorités pour éviter un décalage croissant entre ambitions et réalité.