— Par Lauric Sophie —
Les Antilles-Guyane doivent s’approprier les enjeux écologiques et en faire un outil de développement et de lutte contre le chômage. Des choix politiques forts en matière d’écologie sont nécessaires pour la construction écologique de ces territoires, en inventant une véritable écologie populaire.
Dans une tribune récente, parue dans Le Figaro, Lenny Benbara rappelle la nécessité d’enraciner l’écologie dans la culture populaire, celle des gens ordinaires, loin de tout élitisme et du lifestyle écolo-bobo. Il entend, avec d’autres, dont moi, construire une écologie du peuple autour d’une idée forte, l’emploi vert garanti. C’est une occasion que les Outre-mer, parfois délaissés par les gouvernements oublieux du sens du commun, doivent saisir pour leur développement.
Dans les Antilles-Guyane l’écologie a souvent mauvaise presse. Elle est vue par les populations, en majorité descendantes d’esclaves, comme une forme de néocolonialisme venue brider leur développement économique. A cela s’ajoute la vision d’une écologie comme simple effet de mode, sans réel ressenti du péril climatique. Cependant, au-delà de cette perception, réelle ou fantasmée, il y a une réalité écologique posée comme une épée de Damoclès sur notre avenir. Le péril climatique est bien présent, les sargasses, l’érosion des côtes, les tempêtes et cyclones plus fréquents, les effets cocktails de pesticides épandus dans nos champs, etc. nous le rappellent.
Nous savons, par ailleurs, que les territoires insulaires sont très vulnérables aux changements qui viennent. (…)
De plus, nous faisons face à un chômage structurel, allant jusqu’à un taux de 40% pour certaines tranches d’âge, qu’aucun gouvernement n’a pu durablement résorber. Ce sont nos jeunes qui en souffrent. Leur vie faite de misère et sans perspective d’avenir, se répandent en comportements à risque et trafics en tout genre. Toutes ces personnes laissées en dehors de l’emploi sont autant de forces vives, de bras et de cerveaux inutilisés. Quel gâchis !
Pourtant, les besoins ne manquent pas sur nos territoires, la forte croissance démographique de la Guyane conduit à une tension sur les crèches et les écoles, de même les activités péri et extra scolaires peinent à suivre. Les décharges sauvages se multiplient faute de traitement efficace des déchets, la misère sociale augmente et l’orpaillage clandestin prospère.
Généraliser les Territoires Zéro Chômeur
Aux Antilles, la population vieillissante entraîne des besoins considérables d’accompagnement pour les personnes âgées dépendantes, le fléau des sargasses gêne l’activité touristique et de pêche et le poison du chlordécone agit, encore et toujours, sur les sols antillais entrainant des effets cocktail avec d’autres intrants dont on peine à mesurer l’impact. Ainsi, et au vu des besoins, ce n’est pas le travail qui manque, mais l’emploi !
En outre, en France, l’emploi est un droit constitutionnel. En effet, le préambule de la Constitution de 1946 dit expressément que « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ». Cette promesse républicaine n’est, à ce jour, pas tenue au grand dam des 3,8 millions de personnes privées d’emploi en France. Nous affirmons sur cette base que seul le travail est émancipateur. Et, qu’au travers des emplois verts garantis, nous pouvons sortir de l’exclusion des personnes trop longtemps éloignées de l’emploi. Cette proposition vise à généraliser l’expérimentation des « Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée » (TZCLD).
Ce dispositif permet aux collectivités, entreprises à but d’emploi (EBE) et associations, rassemblées autour d’un comité local de l’emploi, d’embaucher en CDI des chômeurs de longue durée et de les rémunérer au SMIC. Aussi, ces emplois financés par une réaffectation des montants liés aux coûts du chômage (indemnités, RSA, autres minimas sociaux…) sont fléchés selon les besoins locaux. La Martinique et la commune du Port à la Réunion ont, d’ores et déjà, perçu l’intérêt des TZCLD.
L’emploi vert, quant à lui, a la particularité d’être orienté vers les métiers du lien social et de la reconstruction écologique.
Pour les Antilles-Guyane, ce serait autant de crèches, d’activités périscolaires, d’accompagnateurs de personnes dépendantes, de gardes forestiers et des côtes, d’agents de lutte contre les décharges sauvages et contre les sargasses, d’ouvriers agro-écologiques, etc. en plus sur nos territoires.
Nous affirmons également que le financement d’une telle mesure est moindre que le coût annuel du chômage, évalué à environ 40 milliards d’euros. De surcroît, les 40 dernières années de luttes contre le chômage se résument à des politiques non ciblées de baisses d’impôts et de charges pour les entreprises, profitant plus aux actionnaires qu’au tissu de TPE, avec une inefficacité criante. Ainsi, via l’emploi vert garanti, nous avons une opportunité de mobiliser nos forces vives, nos bras et nos cerveaux mis en sommeil par le manque d’emploi.
Les Antilles-Guyane doivent se saisir de ces enjeux d’emploi et d’écologie de manière conjointe pour le bien de leurs jeunesses !
Vous pouvez soutenir «Un emploi vert pour tous» en signant la pétition sur www.emploivertpour-tous.fr