— Par François Gabourg —
La question de la Mémoire est un sujet qui divise les Martiniquais. En plein 20e siècle, on parle encore de communauté béké. Contrairement à ce qu’en pense l’un d’entre eux, Alain Hugues Despointes lors d’une interview sur Canal +, cette communauté n’aurait-elle pas dû avoir une tête « métissée » plutôt que toute blanche depuis tout ce temps passé à côté des Noirs ? Le mot béké ne devrait-il pas se contenter de trouver sa place dans des livres d’histoire ?
Côté politique locale, la lenteur des décisions fait qu’en plein 20e siècle les statues de Joséphine de Beauharnais et de Pierre Belain d’Esnambuc culminaient fièrement sur la Place de la Savane de Fort-de-France. Les autorités ont fait le choix de ne pas s’opposer à leur déboulonnage en remettant les clés de la ville à des activistes pour détruire les statues de la honte.
Certains pays comme la Belgique ont préféré retirer les statues de colons de leurs places publiques. Ces activistes, connus sur le nom de Rouge Vert Noir (RVN), sont critiqués non pas sur le fond mais sur la forme. Preuve d’un malaise profond dans la population pour une question clairement identifiée mais non résolue.
Notre part d’ombre doit-elle être occultée ?
Un badaud, ramassant des morceaux de l’Impératrice aux fins de décoration de son jardin, lâchait qu’on se croirait ici en plein Black lives Matter, ce mouvement né aux USA qui voit des Blancs solidaires à la cause des Noirs. Une icône importante des RVN, Kémi Séba, dit plutôt se retrouver dans le Black Power que dans le Black Lives Matter. Ce panafricaniste préfère que Blancs et Noirs restent chacun dans leur communauté respective. Alors que faire ? Les puissants békés aux pieds d’argile doivent-ils continuer dans leur violence silencieuse, les politiciens martiniquais doivent-ils se contenter de penser à un calendrier électoral, les RVN doivent-ils continuer à imposer leur vision par la violence physique, le peuple doit-il se contenter du mandat donné aux élus ?
Le mot le plus important aux Antilles après l’esclavage a dû être liberté. De lui devraient découler la tolérance, la connaissance et l’humilité… Remplacer les statues des colonialistes par des statues de héros va sans aucun doute dans le sens du poil. Mais les hommes sont bien plus complexes qu’une part de lumière. Notre part d’ombre doit-elle être occultée ?
Sommeille probablement en chacun de nous une Joséphine, un d’Esnambuc, un Idi Amin Dada, un Hitler, un Staline, un violeur, un criminel, un chauffard, un pollueur, un intolérant, un isalop… Exposer l’ombre à côté de la lumière, c’est se protéger de nous-mêmes.
François Gabourg