— Le n° 355 de « Révolution Socialiste », journal du G.R.S. —
La Martinique a eu beau ne pas voter aux élections européennes et voter très peu au premier tour des législatives, il n’empêche que les événements déclenchés par le score élevé du RN le 10 juin, ouvrent pour nous une nouvelle période.
Le système électoral antidémocratique français risque de nous fournir avec un tiers de l’électorat une « majorité » de gouvernement, et donc un gouvernement d’extrême droite. Les irresponsables qui veulent « essayer » pour « ba yo fè an kou », auront évidemment pris la poudre d’escampette lorsque des ministres fascisants de la police, de la justice, de l’armée, de l’enseignement vont lâcher leurs sbires et sbiresses sur les peuples coloniaux plus violemment encore que sur le mouvement ouvrier et populaire français.
Bien entendu, la tâche immédiate est de mettre le plus bas possible celui des 4 clowns dangereux qui reste au deuxième tour, et de barrer la route au patron colonialiste et néolibéral enragé qui s’oppose à Marcellin Nadeau que nous soutenons.
Cette petite semaine doit aussi être mise à profit pour penser la suite et se préparer pour l’action. Ainsi donc le coup tordu de Macron s’est retourné contre lui. Sous le noble prétexte de donner la parole au peuple (on a bien vu à quel point, il prend en compte la parole du peuple dans l’affaire de la retraite en France et celle du corps électoral en Kanaky !!), il a tenté d’exploiter les divisions de la gauche et de la droite pour s’imposer comme le sauveur face « aux extrêmes ».
Du coup les masques déjà bien transparents de Ciotti et de sa bande sont tombés, et la gauche sous pression populaire a créé un Nouveau Front Populaire mêlant les espoirs les plus sains et les contradictions les plus évidentes.
Le panorama politique en résultant fait penser que c’est peut–être la dernière chance qui se présente en France de freiner la marche vers le fascisme dont la poussée dans le monde est bien visible depuis de longues années. La freiner dans les urnes et dans la rue à qui appartiendra toujours le dernier mot.
Bien des choses sont à revoir dans le mouvement ouvrier et démocratique de France pour arrêter la course à l’abîme. Il en est de même et sans doute encore plus chez nous.
Beaucoup de ces choses sont communes mais certaines, importantes, nous sont spécifiques. Nous devons d’abord bien comprendre que les poussées d’extrême–droite ne sont pas le fruit du prétendu talent de tel jeune soigneusement poudré ou de telle égérie hâtivement relookée. La poussée extrémiste prend racine dans la crise profonde du système capitaliste et impérialiste mondial, dans l’accroissement des compétitions et rivalités qui en découlent et dans le sentiment d’une partie grandissante du grand capital qu’il faut s’emparer des médias, y installer la dictature du mensonge pour promotionner des droites dures avec les faibles et impitoyables avec celles et ceux qui se rebellent par le bas.
Des conséquences immédiates découlent de cette compréhension.
1. Par la force des choses, il a fallu comprendre qu’empêcher à une famille de débarquer dans nos pays, doit absolument être suivi d’un travail acharné contre les idées, contre les pratiques, contre les personnages, contre les sites, les réseaux, les masques hideux ou folkloriques de cette engeance.
2. L’enfermement dans nos frontières, le mythe nationalistoïde de la neutralité par rapport à la lutte des classes en France et ailleurs. Il faut au contraire renforcer les liens entre les anticapitalistes du monde entier, au moins autant que nos ennemis sont solidaires entre eux. Un rapport plus constructif doit s’instaurer entre Progressistes des colonies et Progressistes de France, un rapport débarrassé de tout paternalisme électoral ou syndical comme de toute indifférence paresseuse. Il faut faire l’autocritique de notre faible mobilisation contre la réforme des retraites et toutes les lois antisociales de la Macronie. Idem pour les lois liberticides et à fort relent raciste de ce gouvernement qui, après avoir bien nourri Le Pen et Bardela par sa politique, fait mine d’appeler à leur « barrer la route ». Pour les mêmes raisons il faut bannir toute complaisance à l’égard de celles et ceux qui, « à gauche » ont mené des politiques voisines, voire carrément identiques.
3. Chez nous mêmes, syndicalistes, mouvements féministes, écologistes, anti racistes et militant·e·s politiques, doivent établir une collaboration plus poussée, respectueuse de l’indépendance organisationnelle et politique des organisations de masse mais soucieuse de forger des plateformes et des luttes communes.
Des progrès ont été faits, ici et là. Des collectifs agissent contre le chlordécone, contre le vol des terres, pour la Kanaky, pour la Palestine, contre la répression coloniale. La fin de l’alliance aberrante entre les Patriotes et la droite coloniale facilite les choses. Mais il reste beaucoup à faire pour l’implication des organisations de masses, pour la mise au second plan des calculs électoralistes, pour que la priorité à la lutte pour les intérêts communs de l’immédiat et du futur finisse par trouver l’adhésion agissante des masses.
4 Nous avons le souci que l’amplification de la résistance, pied à pied, aux agressions décomplexées de l’ennemi, débouche sur un débat approfondi sur l’émancipation dont nous avons besoin. Des signes dans cette direction existent malgré leur fragilité, leurs limites et même leurs contradictions. En 2022 et 2023 le GRS a organisé des débats avec participation d’autres courants. Marcellin Nadeau et Peyi-a proposent une initiative dans l’esprit de la Convention du Morne Rouge. La CTM et son président défendent un projet de Congrès du peuple. Le dernier congrès de la CDMT a voté l’appel à un congrès ouvrier et populaire.
La réactivation de la mobilisation en France, à travers le Nouveau Front Populaire, est un encouragement objectif à l’ouverture chez nous d’un débat pour un projet populaire martiniquais indépendant de la bourgeoisie coloniale et de son État.
Sortir de la routine et des manœuvres politiciennes à courte vue. Impliquer le plus grand nombre dans la lutte comme dans le débat. Tel est notre mot d’ordre.