Réalisé à Givors, dans la banlieue lyonnaise, ce film sobre, intense et juste laisse monter les mots de ceux qui font face, chaque jour, au dénuement.
— Par Arnaud Schwartz —
Jean-Pierre Duret, ingénieur du son et documentariste, compagnon de route – entre autres – des frères Dardenne, et Andrea Santana, architecte urbaniste venue du Brésil et passée au cinéma, livrent avec Se battre l’un des films les plus forts et dignes qu’il nous ait été donné de voir sur le thème de la pauvreté. Guidés par un ancien prêtre-ouvrier, ils ont posé leur caméra à Givors, cité industrielle de la banlieue sud de Lyon, ville ayant reçu beaucoup d’immigrants au fil des décennies et perdu nombre d’emplois.
En ce lieu encore marqué par son passé ouvrier et par les solidarités qui en découlent, le couple a pris le temps de se porter à la rencontre de ceux que l’on ne voit ni n’entend. Jeunes et pleins d’espoir, comme Eddy le boxeur, moins jeunes et en reconquête d’eux-mêmes, comme Dénia qui « apprend la patience » en récoltant des choux, âgés comme Élisabeth, qui fut éditrice, ou Agnès, qui nourrit les canards et les ragondins, lève les yeux vers un pont embouteillé et confie : « Je suis exclue de tout, je ne fais plus partie du monde qui bouge. » Une parole impressionnante de noblesse et de retenue
Film essentiel centré sur l’essentiel – la considération de l’autre, fût-il dans le dénuement – Se battre offre d’inoubliables rencontres, filmées à très juste distance. Ce beau film, tout en délicatesse et respect de la personne humaine, ne vient rien dérober mais accueille une parole impressionnante de noblesse et de retenue. Il capte tous ces gestes qui disent le combat quotidien pour ne pas sombrer, mais aussi le sens profond du secours porté à leur prochain par ceux qui n’ont souvent pas beaucoup plus.
L’un de ces bénévoles tente d’aider une famille rom. « Ma vie serait trop irrespirable si je n’avais pas le souci de faire quelque chose, glisse-t-il. Ce que je fais ne va rien bouleverser, cela se joue au niveau humain, dans les relations de personnes à personnes. C’est toujours ça de pris sur l’indifférence, la bêtise et les difficultés. »
http://www.la-croix.com/Culture/Cinema/Se-battre-ou-la-parole-profonde-des-laisses-pour-compte-2014-03-04-1115383
SE BATTRE de Jean-Pierre Duret et Andrea Santana Documentaire français, 1 h 30