— Par Culture Égalité —
– Vous arrivez où, Madame ?
– A Rodate. J’attends un bus depuis tellement longtemps !…
– Madame, je peux vous déposer ?
– Je veux bien : je ne sais pas s’il y aura un bus. Je suis aide à domicile. J’ai fait deux heures à Chateauboeuf et là je vais près de la rivière. J’habite à Didier…
Elle fera maximum 5 heures de travail et autant de temps de trajet d’un point à l’autre. Qui dit mieux ? C’est le quotidien d’un nombre très important de femmes qui vont s’occuper de nos aîné.es.
– Ah madame, c’est mon fils qui est venu me chercher aujourd’hui. Ça fait 30 ans que j’habite Desrochers, toujours pareil. Man pa ka voté ba pèson anko !… (Elle a 70 ans.)
– Je sors d’un cours sur le Campus et j’ai raté le dernier bus. Je dois faire la route à pied…
– Je vais au lycée de Bellevue. Je suis vraiment en retard, mais le bus n’est pas passé…
Des témoignages de femmes : Oui, sé an méchansté ! Des femmes avec de lourds cabas qui s’arrêtent tous les 20 mètres guettant le miraculeux véhicule qui les emmènera chez elles ou les « déposera » à Fort-de-France.
Une population vraiment malmenée et des personnes vieillissantes qui sont les laissées pour compte. D’ailleurs, depuis ces dernières semaines, on ne les voit plus.
Elles n’essaient même plus de prendre le risque d’un petit tour à Fort-de-France pour deux petites courses. Elles sont assignées à résidence !
On sait que, dans notre pays, les femmes sont les plus grandes utilisatrices des transports en commun. Elles payent cher le fait d’être femmes et dans la précarité.
Celles qui travaillent doivent s’endetter pour acheter une voiture afin de faire deux heures par-ci, deux heures par-là, contre des salaires de misère. Cet argent qu’elles pourraient garder pour des loisirs avec leurs enfants ou tout simplement mieux
manger ou améliorer le cadre de vie familial.
A cette inorganisation des transports s’ajoute l’inconfort de l’attente. De nombreux abris ont été saccagés, brûlés ou ont tout simplement vieilli et n’ont jamais été remplacés. Là, debout sous la pluie, sous le soleil de plomb, parmi quelques hommes pas mieux lotis, elles attendent penchées, le visage fermé, la rage au coeur…
La osi sé an méchansté !
Elles doivent faire quoi pour se faire entendre ? La grève ? La grève de quoi ? Ne plus aller travailler et se faire licencier ? Ne plus aller en formation et se faire rayer du Pôle Emploi ?
Les conditions de vie des femmes, tout le monde s’en moque. L’important c’est qu’elles continuent en silence à exécuter les tâches les plus humbles et les plus mal payées… pour le système capitaliste :
» Chut ! nous avons besoin de vous ainsi, percevant des salaires bas qui nous permettent d’augmenter nos profits. Épuisées, n’ayant plus la force de vous réveiller et de vous mettre debout, de vous rebeller. Soyez gentilles. C’est déjà une chance d’avoir ce boulot ! il y en a tant qui attendent ! On vous donnera un beau bouquet de fleurs à la fête des mères. Et le 8 mars : bonne fête avec une rose ! »
Mais les femmes savent se mettre debout : elles l’ont fait en 2009. Dans tous les mouvements sociaux, elles se dressent pour dénoncer leurs lourdes et misérables conditions de vie. Elles sauront le faire encore si elles sont poussées à bout.
En attendant, l’association féministe Culture Egalité se fait leur voix et demande :
poutji tou sa méchansté ? Ki sa nou fè ? Pourquoi tant d’indifférence ? Pourquoi tant de mépris ?
Aujourd’hui l’association féministe dit aux autorités de ce pays, à celles et ceux qui dirigent les transports :
Nous voulons vivre libres, nous avons le droit de nous déplacer sans avoir à se poser la question : es ké ni an bis ? Ou à se dire : Soley tro cho… la pli ka tonbé… pani abri… !
Nous exigeons encore et encore un service de transport public digne de ce nom, qui ne soit pas au bon vouloir des propriétaires ou des chauffeurs.
Nous sommes des citoyennes à part entière et nous voulons être entendues. Nous dénonçons fortement cette violence de classe à notre égard !
Culture Egalité