Dominique Laporte livre un document rare qui traite des relations et du quotidien de parents avec leur enfant schizophrène. Tragique.
—Par Jamila Aridj —
À l’hôpital, « pas de sport, pas de piscine, pas de groupe de parole, pas d’activités pouvant alléger le fardeau de ces jeunes patients. Il n’y avait plus de place pour le désir ni pour le plaisir », écrit Dominique Laporte, qui milite pour la création d’appartements thérapeutiques.
Dans une autre vie, Xavier aurait été un paléontologue passionné, un grand reporter enthousiaste ou un écrivain couronné. Dans celle-ci, Xavier est mort, seul, à 33 ans⋅ Son coeur a lâché dans la chambre d’un petit hôtel de banlieue parisienne où il avait trouvé refuge après une longue hospitalisation⋅ Xavier était schizophrène⋅⋅
Un « fou génial », un « génie fou », comme le décrit avec tendresse sa mère, Dominique Laporte, dans Mon fils est schizophrène. Cette enseignante avait pris la plume il y a six ans, après le décès de Xavier, pour raconter son fils, son combat et celui de toute une famille face à la maladie. Un ouvrage réédité ces jours-ci avec pour introduction un nouveau chapitre pour dire que rien n’a changé dans la prise en charge de ces malades qui représentent 1 % de la population. Le parcours médical inadapté, le manque de moyens des hôpitaux,et surtout la solitude des proches, Dominique Laporte en est libérée, mais elle l’entend. Elle est la voix de ces « soeurs de chagrin », ces mères qui sont encore dans « l’oeil du cyclone ».
« Soulagement empoisonné »
« Aujourd’hui, je peux dire comme Madame de Staël quand le malheur est irrévocable, l’âme trouve une sorte de sang-froid qui permet de penser sans cesser de souffrir », explique celle qui a vécu le décès de son fils comme « un soulagement empoisonné ». « Je m’autorise à le dire parce que tout est angoisse lorsque l’on vit avec cette maladie. »
Quelques mots dans Le Petit Robert furent son premier contact avec la schizophrénie. « Schizophrénie : psychose caractérisée par une désagrégation psychique (ambivalence des pensées, des sentiments, conduite paradoxale), la perte de contact avec la réalité, le repli sur soi ». Voilà résumée la vie de Xavier. Lui, le petit bonhomme « lumineux », « drôle », « créatif », « intelligent », avait mué en adolescent négligé, accro à l’alcool et au cannabis, coupé du monde et empreint à des hallucinations. « Je ne suis pas malade. C’est vous qui avez besoin d’être soignés ! » lançait-il à ses proches. « Votre fils est dans l’errance, laissez-le dans l’errance », s’entendit répondre Dominique Laporte de la part d’un éminent psychiatre. Désarmée, cette mère courage a multiplié les rendez-vous et a finalement rencontré des professionnels (plus) dévoués. Leur discours était clair : « Xavier est en danger… Vous êtes en danger. » La médecine n’a pas de remède. Et le chemin est long.
Dans le parcours du schizophrène, le placement en unité psychiatrique est inéluctable. Tout comme les traitements à base de neuroleptiques et leurs effets secondaires : tremblements, rigidités musculaires, piétinement incessant, mouvements involontaires de la bouche, des yeux. « Je les reconnais tout de suite dans la rue », explique Dominique Laporte, qui nous mime leur démarche raide, les bras collés le long du corps, les paumes des mains retournées. « Et à leur regard (silence). Il est vide », dit-elle avec tristesse.
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