— Par Sabrina Solar —
Ce jeudi 29 février 2024, un tournant historique a marqué la reconnaissance de la « responsabilité » de l’État français dans le scandale du chlordécone. Ce pesticide, largement utilisé dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique jusqu’en 1993 malgré sa nocivité connue depuis les années 1970, a été au cœur des débats à l’Assemblée nationale.
La proposition de loi socialiste, initiée par le député de Guadeloupe Elie Califer, a été adoptée en première lecture à l’unanimité, malgré l’abstention des groupes de la majorité. Ce texte reconnaît explicitement la « responsabilité » de l’État français dans les préjudices sanitaires, moraux, écologiques, et économiques résultant de l’utilisation prolongée du chlordécone.
Cependant, au-delà de sa portée symbolique, le texte suscite des réactions mitigées. Certains estiment qu’il ne va pas assez loin, soulignant les écueils et lacunes des plans antérieurs destinés à atténuer les conséquences de ce pesticide dans les Antilles. Des amendements ont été déposés pour élargir les indemnisations aux victimes indirectes du chlordécone, mais des critiques ont émergé au sujet du manque d’ambition du texte en termes de dépollution et d’indemnisation.
Les groupes GDR, LFI, et Écologistes ont plaidé en faveur d’une approche plus contraignante, tandis que des voix se sont élevées pour impliquer davantage les producteurs de l’époque dans cette responsabilité. Le collectif « Lyannaj pou dépoliyé Gwadloup » en Guadeloupe et le collectif « Simenn Matinik doubout, gaoulé kont chlordécone » en Martinique estiment que la responsabilité de l’État ne devrait pas être exclusive, mais devrait également toucher les pollueurs d’alors.
Au-delà des débats parlementaires, cette reconnaissance de responsabilité soulève des attentes importantes dans les Antilles, où le non-lieu prononcé en janvier 2023 avait suscité l’amertume. Certains estiment que cette avancée législative devrait ouvrir la porte à un programme de réparation plus vaste pour les victimes du chlordécone.
Le chemin vers la résolution complète de cette crise environnementale, sanitaire, et sociale semble encore semé d’obstacles. Cependant, l’adoption unanime de cette proposition de loi constitue un pas important vers la reconnaissance officielle de la responsabilité de l’État français dans le scandale du chlordécone, espérant ainsi contribuer à la dépollution des terres et à l’indemnisation des victimes. La suite de ce dossier se jouera au Sénat, où l’avenir de cette loi sera débattu.