— Par Robert Saé —
1-Identifier le problème
On n’a pas besoin d’avoir fait des études de psychologie ou d’être psychiatre pour comprendre que ce sont des dérèglements mentaux de même nature qui amènent, en Inde, des individus à violer en meute une jeune fille avant de l’assassiner, aux USA, des lycéens ou des employés à massacrer leurs camarades ou collègues au fusil mitrailleur, en Irak, des illuminés à décapiter des villageois ou des journalistes. Nous sommes tous révulsés par ces exactions abominables, et nous nous posons la question : « comment de telles dérives sont-elles possibles? » Ce qui est sûr, c’est qu’une claire compréhension des mécanismes qui conduisent à ces comportements criminels ne nous sera pas portée par les médias dominants. Au contraire, agents de plans inavoués, ceux-ci se mobilisent pour alimenter des réactions purement émotionnelles face aux événements qu’ils compartiment, hiérarchisent et instrumentalisent.
En réalité, au-delà, des paravents idéologiques ou religieux, des motivations exprimées ou inconscientes, de la spécificité des victimes touchées, les ressorts qui conduisent des individus à commettre de telles atrocités relèvent avant tout de leur propre dérèglement mental. Les sciences humaines et sociales ont déjà largement démontré les effets désastreux que peuvent avoir sur les individus les traumatismes psychologiques, les tares physiologiques, l’ignorance et l’inculture, le mal-être, les toxicomanies, etc. Autant de facteurs qui conduisent des personnes à se couper d’une réalité qui les oppresse, à régresser mentalement et à perdre leur sentiment d’humanité et, quand celles-ci ne sombrent pas dans la névrose ou la psychose ou n’en arrivent pas au suicide, les prédisposent à tomber sous l’emprise de gangs, de sectes, de mafias ou de recruteurs …pour le « djihad ». Dans tous les cas, c’est bien un dérèglement mental qui conduit ces personnes à se livrer, corps et âmes, aux gourous et manipulateurs de tout acabit qui, exploitant leur détresse mentale ou/et leur ignorance, les enserrent dans un cadre de réponses et d’espérances leur servant de morphine. Les vraies questions sont donc de savoir comment s’attaquer aux racines de toutes ces formes de dérèglement mental qui affectent de plus en plus d’individus dans la société et comment prémunir celle-ci de tous les comportements cruels qui en découlent.
2- Refuser l’instrumentalisation
Peut-on croire que ces dizaines de jeunes mineurs qui décident de tout abandonner pour aller se battre en Syrie sont vraiment des fanatiques « islamistes » ? Peut-on croire que les lycéens qui ont saccagés des tombes dans un cimetière juif sont mus essentiellement par une idéologie antisémite ? D’autres choisissent d’entrer dans des gangs et de balancer dans les réseaux sociaux des clips faisant l’apologie de la drogue, des armes, de l’argent facile et du sexe débridé. Vu le niveau d’intelligence et d’instruction de Hollande, de Walls et de leurs journalistes, ceux-ci ne peuvent ignorer que, dans leur crise d’adolescence, les jeunes manifestent leur rébellion en choisissant de s’attaquer à ce qui est sacralisé par le monde des adultes.
La vérité est que les gouvernements impérialistes et leurs médias instrumentalisent honteusement un certain nombre d’événements et de situations tragiques pour justifier leur interventionnisme militaire et trouver prétexte à l’adoption de lois liberticides. Point n’est besoin de démontrer que leur compassion et leurs condamnations sont plus que sélectives. Quelle différence y a-t-il entre le chef fanatique de DAECH et un Georges BUSH qui, au nom de la lutte contre « l’axe du mal », ordonne de bombarder des civils en Irak? Les croisades occidentales et le djihad de l’EIIL relèvent d’une idéologie similaire. Les barbares qui détruisent le patrimoine archéologique de l’humanité en Irak font-ils autre chose que les « civilisateurs » européens qui ont détruit tant de trésors culturels et religieux aux cours de leurs conquêtes coloniales ? Les « fous » qui aujourd’hui décapitent des civils dans leur califat sont-ils d’une autre veine que les soldats français qui, dans leurs colonies, décapitaient des kanaks et – dans les années 6O encore – des résistants Camerounais. ?
Et, puisqu’on parle de crimes contre l’humanité, sont-ils moins odieux ceux commis, sciemment, cyniquement, par les dirigeants des multinationales qui assassinent des masses de civils à coup de médicaments impropres, d’aliments frelatés ou de déchets toxiques? Et que dire de ces gouvernants qui imposent aux peuples des politiques d’austérité qu’ils savent provoquer des catastrophes humanitaires et des milliers de suicides ? Les djihadistes du dieu profit sont-ils moins exécrables que les autres ?
Pas question donc de se laisser manipuler. Tous les individus, organisations et systèmes coupables d’exactions inhumaines, quels que soient les rideaux derrière lesquels ils se cachent, doivent être également dénoncés et combattus. Il s’agit, en définitive, d’éradiquer un système qui, par essence, génère massivement les dérèglements mentaux conduisant des individus à s’autodétruire et à commettre des crimes contre l’humanité.
3-Agir sur les causes
La solution peut-elle être de soutenir toutes les actions supposées détruire physiquement les coupables d’actes barbares, à défaut, d’exiger qu’on les soumette à un régime carcéral impitoyable ou encore d’accepter toutes les mesures liberticides prises, soi-disant, pour assurer la sécurité des populations? Certainement pas. Car, tant que ne seront pas taries les sources génératrices des dérèglements évoqués plus haut, toutes les exactions dont nous avons fait état se poursuivront. Au contraire, du fait de l’accroissement massif de la pauvreté, du délitement des liens sociaux, du fait aussi de la pratique d’agressions et de « deux poids deux mesures » menée par les impérialistes occidentaux, le phénomène risque de s’amplifier. Par exemple, l’instrumentalisation des attentats antisémites, de la Shoa et de l’holocauste, la confusion orchestrée entre le sionisme, le terrorisme de l’Etat d’Israël et l’ensemble de la communauté juive, la propagande islamophobe, ouverte ou sournoise, tout cela attise le déchirement entre communautés. Les impérialistes ont pour objectif de justifier leurs agressions militaires mais, de fait, ils élargissent le champ de recrutement pour les fabricants de bombes humaines. En ce sens les gouvernements des pays impérialistes occidentaux sont coresponsables du développement du terrorisme et de l’explosion des violences qui minent la société. Au bout du compte ce sont des civils innocents – juifs, musulmans, chrétiens, européens, africains, asiatiques, étatsuniens, etc.- qui paient le tribut.
C’est en créant les conditions de l’épanouissement individuel et collectif pour les populations dans les différents pays, en assurant à tous des conditions de vie dignes, l’accès à l’éducation et à la culture, aux loisirs sains que l’on fera reculer les dérèglements mentaux qui conduisent tant de personnes à adopter des conduites déviantes et à commettre des actes barbares. Evidemment, on ne doit pas se faire d’illusions, les dérives existeront tant qu’existera l’espèce humaine, mais la société peut se donner les moyens de contrôler celles-ci notamment en permettant aux personnes atteintes de pathologies mentales graves de bénéficier de soins de qualité dans des structures adaptées. Tout cela ne sera possible sans réorganiser la société sur la base de l’équité et du respect de la dignité humaine.