— Par Guy Flandrina —
Le score réalisé, en Martinique, par Marine Le Pen (10,94 %) à l’occasion du premier tour de cette élection présidentielle, le 22 avril 2017, interpelle même si ses chiffres sont, en valeur absolue, plutôt faibles car l’abstention réellement forte (60,02 %) !
Le face-à-face qui dès lors oppose les deux candidats sortis en tête impose aux responsables politiques de se positionner très clairement.
La classe politique martiniquaise, dans sa grande majorité, appelle les électeurs à se prononcer au second tour en faveur d’Emmanuel Macron −le dissident socialiste naguère banquier chez Rotchild− qui n’est « ni de gauche, ni de droite ».
Alfred Marie-Jeanne jusque-là si réservé −en tant que leader du MIM− quant à l’élection du président de la république française, se voit presque contraint −comme président de la CTM− de lever le doigt pour indiquer le sens de l’histoire…
La candidate qui se camoufle derrière du bleu Marine, pour faire oublier la sombre origine de ses thèses marquées du sceau de la croix gammée, obtient 11.975 voix ; surtout dans le nord, région défavorisée, de la Martinique.
Exploit ! Dans ce territoire qui naguère vomissait son père. Jean-Marie Le Pen, tel un migrant sans-papier, se voyait condamné à ne pas franchir l’enceinte de l’aéroport du Lamentin (le 06 décembre 1987).
Son héritière, candidate du F-Haine, a gagné sept points en cinq ans ! Bien-sûr Jean-Marie Le Pen parlait avec la bave aux lèvres et la haine dans le cœur, si propre aux fascistes, aux racistes et autres xénophobes. Alors sa fille Marine, à l’instar du serpent, a mué. Elle s’est parée d’attributs propres à lui donner une virginité politique quitte à tuer le père. Et le serpent semble devenu, en apparence, colombe… Imaginez Satan dé-diabolisé !
Certains martiniquais à la mémoire défaillante, dont des descendants d’esclaves, ont peut-être oublié… car la fin deuxième guerre mondiale c’était il y a 72 ans.
Collabo par ambition
Un Juvénile planteur de banane, en mal de renommée, est devenu le triste porteur de valise des chantres du racisme et de la xénophobie sur le sol Martiniquais ; terre de brassage culturel, cultuel et aussi d’humains d’horizons divers. Il s’ingénie désormais à expliquer comment les travailleurs haïtiens et dominiquais viennent « voler le pain des martiniquais/français ». Il oublie, bien sûr, de dire combien les martiniquais se battent contre ces « envahisseurs » pour aller couper la canne et accomplir les autres besognes auxquels ces derniers s’adonnent courageusement.
Le Juvénile bananier sait-il seulement que le national-socialisme (nazisme) est l’idéologie du parti politique d’extrême droite, fondé en Allemagne en 1920, dirigé par Adolf Hitler. Parti dont la théorie est à la fois nationaliste, raciste et antisémite. L’Allemagne a vécu sous la dictature du Troisième Reich et de son chef nazi, Adolf Hitler, de 1933 à 1945 ; l’on connait ses conséquences catastrophiques pour le Monde. S’il fallait faire un bref résumé de l’arrivée, démocratique, de cette extrême-droite au pouvoir on ne retiendrait que l’effondrement des institutions démocratiques allemandes et la mort de 40 à 60 millions de personnes dont des milliers de martiniquais.
Sans doute convient-il également de rappeler que l’Allemagne Nazie élabora 12 propositions « contre l’esprit non allemand ».
On y relève notamment : « La langue et la littérature tirent leurs racines du peuple. Le peuple allemand a le devoir de s’assurer que la langue allemande et la littérature soient l’expression non corrompue de son identité nationale ». Cette pureté de la langue, voire de la race, n’est pas sans rappeler le discours Lepéniste sur la « préservation de l’identité nationale française», le « rétablissement des frontières » et le rejet par le F-Haine de tout ce qui n’est pas de racine gauloise et judéo-chrétienne. Dès lors, comment l’identité martiniquaise ne serait-elle pas engloutie dans la perspective d’une vague fasciste bleue Marine sur laquelle surferaient les néo-nazis du F-Haine ? Le Juvénile bananier pourrait-il, malgré son soutien de collabo, continuer à s’exprimer comme il le fait si bien dans sa langue maternelle ; entendez le créole ?!
On connaissait déjà la pitoyable Huguette Fatna de service. Les gesticulations de la nouvelle marionnette de la famille Le Pen, tiennent sans doute davantage des vers de l’ambition qui rongent de l’intérieur le Juvénile bananier plutôt qu’à un intelligent calcul politique dans l’intérêt des martiniquais.
L’Histoire ne retiendra le nom de ce « petit mordant » que par sa soif d’un stérile pouvoir, par sa faim d’être convié au banquet des ogres de l’immigration et par son refus de la fraternité républicaine.
Pa « blan douvan, blan dèyè »
Face à tant d’ignominie, le président de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) ne pouvait, raisonnablement rester silencieux quant au deuxième tour de l’élection présidentielle française.
Aussi, le 25 avril, dans un communiqué, il appelle « solennellement, les martiniquaises et les martiniquais à barrer la route à Marine Le Pen ».
Pourtant, le leader du Mouvement Indépendantiste Martiniquais (MIM) a toujours considéré que les problèmes de la Martinique sont domiciliés ici et doivent être réglés par les institutions locales.
Depuis le 23 avril 1972, à l’occasion du référendum relatif à l’élargissement de l’Europe, La Parole au Peuple1 -dont A. Marie-Jeanne est l’un des initiateurs- prône l’abstention. Cette position, quasi doctrinale des « nationalistes martiniquais », sera la même aux élections sénatoriales de 1977, aux élections législatives de 1978, puis aux élections européennes de 1979 ainsi que pour l’élection présidentielle de 1981. En résumé : « nou pa fwansé, éleksyon nasyonal fwansé sé pa zafé nou »2.
La posture du MIM demeurera inchangée jusqu’aux élections législatives de mars 1993 avec la participation d’Alfred Marie-Jeanne comme candidat dans le Sud de la Martinique.
Si le MIM a changé de stratégie au regard des élections législatives « françaises », c’est sans doute qu’inspiré par la thèse défendue par Kay Lawson et Peter H. Merkl. Ces derniers soutenants qu’un parti politique court le risque de se marginaliser en refusant de prendre part aux consultations électorales. Mettant ainsi en exergue la force attractive du système politique qui conduit une formation politique à s’institutionnaliser, tôt ou tard, ou… à disparaître !
Aucune formation politique ne peut faire l’économie des trois fonctions principales qui incombent aux partis politiques :
- une fonction programmatique par la définition d’orientations et de mesures pour le pays
- une fonction de structuration de l’opinion publique par l’animation du débat politique
- une fonction de sélection des candidats et des élites politiques, par les élections.
Les dirigeants du MIM –qui réfutent le recours à la violence– ont, à n’en pas douter, intégré qu’ils ne peuvent prétendre à une quelconque maitrise politique des institutions sans passer par la sanction du vote populaire à chaque échelon électoral. Ils utiliseront donc désormais chaque campagne électorale comme porte-voix pour amplifier leur message à travers la Martinique.
Cependant, la participation à l’élection du président de la République française et aux débats qui y concourent restera un pas que les nationalistes martiniquais ne franchiront pas.
2017 imprime donc un nouveau mouvement non seulement dans la vie du MIM aussi pour l’ensemble de l’échiquier politique martiniquais.
En effet, comment ne pas imaginer que le pragmatisme dont fait preuve le leader du MIM qui −de sa chaire à la CTM− appelle ses ouailles en particulier et, plus largement, les martiniquais à barrer la route à l’extrême-droite n’est pas influencé par l’alliance de gestion qu’il a contracté avec la droite martiniquaise qui, elle, n’a jamais renié son attachement à la France. A. Marie-Jeanne anticipe cette observation en rappelant dans le même communiqué : « Vous connaissez mon engagement de longue date, à lutter sans relâche contre la haine, le racisme et la xénophobie que propage singulièrement la famille Le Pen ».
Cependant, le barrage qu’il veut opposer au F-Haine ne va pas jusqu’à appeler à voter pour E. Macron alors que ce candidat est, tout comme Yan Monplaisir −l’allié de droite du président à la CTM−, lui aussi, un fervent partisan du rassemblement « au-delà des clivages politiques ».
Le silence est une trahison
Les républicains, entendez les citoyens démocrates épris de liberté, de justice et de fraternité, ne comprennent pas cette réserve cette théorie du « blan douvan, blan dèyè » qui pourrait profiter aux ennemis de tout ce que l’Histoire a fait de nous.
Que peut craindre le président de la CTM quand le PPM qui a d’abord soutenu M. Valls a dû changer son fusil d’épaule pour viser plus haut avec B. Hamon, pour finalement porter son soutien -après la débâcle de son poulain- à E. Macron, après plusieurs suspensions de militants ayant opté pour celui-ci dès le 1er tour ?
Que peut craindre le patron du MIM alors que le candidat du Réservoir de Trénelle, du PS et de la coalition EPMN comptabilise moins de 10% des voix à cette élection présidentielle ?
Que peut craindre le chef de file des « patriotes » alors que les partis de gouvernement (PS et LR) ont, dans l’Hexagone, littéralement été dégagés ?
Que peut craindre celui qui a triomphé à l’élection du 13 décembre 2015, puisque les seuls vainqueurs à cette élection présidentielle en Martinique sont ses alliés à la CTM : le parti communiste et Claude Lise, en tant que soutiens de Jean-Luc Mélenchon (27,36 % – arrivé en tête) ?
Le seul danger pourrait venir du fait que les deux candidats arrivés en tête (résultat global) pour cette consultation électorale n’ont pas, en Martinique, d’appareils politiques qui leurs soient propres et se sont adressés directement au Peuple ; hors système ! Mettant d’ailleurs à mal un principe (article 4 de la Constitution de 1958) selon lequel « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage ».
Le « président des martiniquais » peut-il craindre qu’un homme politique, hors-sol, ni de gauche, ni de droite, ne bénéficiant pas directement d’un ancrage politique territorial, soit porté au pouvoir, directement par le Peuple, hors toute consigne de ses représentants légitimes ?
La responsabilité politique ne peut s’accommoder de faux-semblants quand une menace réelle et sérieuse pèse sur l’avenir d’une communauté et de ses multiples composantes.
Les élus et autres responsables politiques qui hésitent encore à mettre un nom sur les dangers qui nous guettent et un autre afin de désigner celui qui peut faire front, avec les démocrates et républicains, pour leur résister devraient s’inspirer de Martin Luther King : « Un moment arrive où le silence est une trahison ».
Guy FLANDRINA
1# La Parole au Peuple sera entretemps rebaptisée MIM.
2# « Nous ne sommes pas français et ne sommes donc pas concernés par les élections nationales françaises ».