— Par Sarha Fauré —
Le rapport mensuel de Santé publique France de septembre 2024 met en lumière une dégradation marquée des indicateurs de santé mentale, particulièrement chez les enfants et adolescents. Ces données, issues des réseaux OSCOUR® (pour les urgences) et SOS Médecins, révèlent des augmentations préoccupantes des passages aux urgences et des actes médicaux pour des troubles psychiques divers, notamment les gestes suicidaires, les idées suicidaires, et les troubles anxieux.
Situation des enfants et adolescents : une hausse alarmante
Chez les jeunes de 11 à 17 ans, les chiffres sont particulièrement inquiétants. En septembre 2024, les passages aux urgences pour gestes suicidaires ont bondi de 70 % par rapport au mois d’août, soit +587 passages. Ce phénomène, observé chaque année à cette période, est cette fois plus sévère. Entre 120 et 170 jeunes de 11 à 14 ans se sont rendus aux urgences chaque semaine pour des gestes suicidaires, une augmentation notable par rapport aux années précédentes où ces chiffres restaient bien en dessous de 100. Chez les adolescents de 15 à 17 ans, entre 200 et 250 jeunes ont été admis chaque semaine pour des raisons similaires, un niveau comparable à celui de 2022 mais largement supérieur à celui de 2021 et 2023, où les passages restaient sous les 180.
Concernant les idées suicidaires, la situation est encore plus critique. En septembre 2024, une hausse de 101 % a été enregistrée par rapport à août, soit +569 passages supplémentaires. Le nombre d’enfants et adolescents affectés suit une tendance alarmante : chaque semaine, environ 150 jeunes de 11 à 14 ans et 100 à 150 adolescents de 15 à 17 ans ont été pris en charge pour des idées suicidaires. Cette recrudescence suit une dynamique similaire aux années précédentes, mais avec des chiffres bien plus élevés.
En parallèle, les autres indicateurs de santé mentale des jeunes montrent également des hausses significatives :
– Les troubles de l’humeur ont augmenté de 138 % chez les 11-17 ans, avec +685 passages supplémentaires.
– Les troubles anxieux ont progressé de 72 %, en particulier chez les enfants de 11 à 14 ans.
– Les troubles psychotiques ont également connu une augmentation de 47 % chez les moins de 18 ans, tandis que les troubles de l’alimentation ont légèrement augmenté chez les adolescents.
L’analyse des actes médicaux de SOS Médecins confirme cette tendance : les consultations pour angoisse ont augmenté de 60 % au début de septembre 2024, avant de redescendre en fin de mois. Toutefois, les niveaux restent bien plus élevés que ceux observés au cours des trois dernières années. Ces consultations concernent des troubles tels que les phobies, les troubles obsessionnels-compulsifs (TOC) et la tétanie, et touchent particulièrement les enfants et adolescents.
Évolution saisonnière : l’effet des vacances d’été
Les données de Santé publique France mettent également en évidence une chute des passages pour gestes et idées suicidaires pendant les mois de juillet et août, correspondant à la période des grandes vacances scolaires. Moins de 75 jeunes de 11 à 14 ans et 150 adolescents de 15 à 17 ans ont consulté pour des gestes suicidaires chaque semaine durant l’été, contre des niveaux bien plus élevés dès la rentrée scolaire. Un schéma similaire est observé pour les idées suicidaires, avec moins de 50 jeunes de 11 à 14 ans et 75 adolescents de 15 à 17 ans touchés chaque semaine pendant les vacances.
Chez les adultes : tendances moins marquées mais préoccupantes
Pour les adultes, bien que les fluctuations soient moins prononcées que chez les jeunes, la situation reste préoccupante. Les passages pour idées suicidaires chez les 25-64 ans ont légèrement augmenté en septembre 2024 par rapport à août, un schéma également observé pour les actes médicaux liés à l’angoisse dans cette tranche d’âge.
Les adultes sont aussi concernés par des troubles de l’humeur et des troubles anxieux. Ces indicateurs sont restés globalement stables comparés aux mois précédents, mais ils restent à des niveaux élevés, comparables à ceux des années précédentes.
Notons toutefois une légère diminution des troubles psychotiques chez les adultes, en particulier chez les 25-64 ans, alors que les chiffres restent stables pour les plus de 65 ans.
Un système sous pression
Le rapport souligne que malgré une couverture quasi totale du territoire par le réseau OSCOUR® (96 % des passages aux urgences) et SOS Médecins (62 des 63 associations), le système de santé peine à absorber l’augmentation des consultations en santé mentale. Le nombre de patients en psychiatrie a doublé en vingt ans, mais paradoxalement, 10 % des lits ont été fermés entre 2018 et 2023, accentuant ainsi les difficultés de prise en charge.
Une aggravation de la santé mentale
Ces résultats confirment une aggravation de la santé mentale chez les enfants et adolescents en septembre 2024, avec des hausses notables des passages aux urgences et des actes SOS Médecins pour gestes suicidaires, idées suicidaires, troubles anxieux et de l’humeur. Si ces augmentations suivent en partie des dynamiques saisonnières habituelles, leur ampleur dépasse largement celle des années précédentes.
Les chiffres alarmants des troubles psychiques chez les jeunes soulignent l’urgence de renforcer les infrastructures de santé mentale, notamment en augmentant la capacité de prise en charge hospitalière, et en développant des stratégies de prévention et d’accompagnement adaptées aux besoins spécifiques des plus jeunes.